‡Chapitre 7 : Lull (2) ‡

2384 Words
Kaya, en suivant ses pas, le héla encore une fois mais toujours pas de réponse. Loin d'en être frustrée, cette dernière trottina derrière lui, laissant en plan les enfants, les plus grands surtout, se regarder entre eux et hausser des épaules. – Tu n'as pas posé de question, rétorqua-t-il plus tard en s'arrêtant sous un arbre, dans une cour un peu reculée de toute l'agitation. Kaya, ne semblant pas s'en soucier ou plutôt paraissant inconsciente de ce fait, s'arrêta à son niveau. – Toujours est-il que tu bats en retraite donc je gagne~ La jeune fille jubila en balançant sa tête de gauche à droite, le sourire facile. – Si ça te fait plaisir. Akkun s'assit juste après et lui tendit la main pour l'inviter à faire de même. Bien qu'inhabituel, elle le prit sans discuter et prit place également avant que les deux ne se relâchent. Pour une raison quelconque, une natte était déjà disposée sur la place, sûrement les occupants se sont levés il y a un moment. L'autre possibilité serait qu'il l'aurait délibérément entraîné ici, suggestion d'une pensée intrusive de Kaya. – Tout n'est vraiment qu'un jeu pour toi, n'est-ce-pas Kaya ? Kaya qui avait à présent l'esprit ailleurs se ressaisit, un frisson lui parcourut les bras et les jambes, sûrement à cause de la brise fraîche, elle n'était pas très couverte pour le temps. – Que veux-tu dire par là ? Retorqua-t-elle en penchant sa tête de côté. – Rien de particulier ! Se ravisa Akkun avant de reprendre avec un ton taquin. Je commence juste à penser que tu prends de plus en plus la grosse tête. Jusqu'à hier, tu me suppliais de t'accompagner dans ton escapade. Un caprice qui ne m'étonne pas de ta part. C'est à croire que tu ne peux rien accomplir sans moi. Kaya le dévisagea pendant un moment, essayant de comprendre quelque chose qui l'aurait échapper. Il est vrai qu'ils se sont parfois retrouvés seuls pour discuter, s'entrainer ou chasser alors pourquoi ce moment semblait si... Privé ? Oh non non non ! Il fallait qu'elle se calme, surtout, ne pas se faire de fausses idées. Si ça se trouve, il voulait juste partager quelques anecdotes comme au bon vieux temps, quand le poids des responsabilités ne pesait pas encore sur leurs épaules. Tout à coup, elle ressentit un malaise partir du creux de son ventre jusqu'à son cœur comme à chaque fois qu'elle se trouve devant un danger pour lequel elle fléchit un moment avant de puiser du courage pour l'affronter. Serait-ce de l'inconfort ou de l'inquiétude ? Et si c'est le cas, c'est plutôt absurde. Pourquoi passer du temps avec son ami lui provoquerait ce genre de sensation ? – C'est différent ! Rouspéta-t-elle à sa suite. Là, c'était un cas de force majeure, on ne sait jamais à quoi s'attendre dans les contrées de Vanupas. La première règle est de ne jamais s'y aventurer seul... Mais, qu'importe, je reste toujours la meilleure d'entre nous deux. Et puis, comme tu as pu le constater, je me suis nettement améliorée et si je continue dans cette lancée, quand je serai adulte ce qui n'est plus très loin, dans trois ans très exactement, être sur un pied d'égalité ne sera plus qu'un rêve lointain pour t— aïe ! C'était pour quoi le second ? Gémit-elle penaude en frottant la partie meurtrie de son front sur lequel Akkun venait de lui appliquer une forte pichenette. – Tu parles trop. Et c'est quoi cette histoire de second ? – Et toi alors ? Tu n'écoutes jamais quand on te parle, c'est vrai qu'il t'arrive d'être un peu distrait mais quand même... N'en parlons même pas de tes réponses, on dirait que tu économises les mots. – Et pourtant Kaya, je suis très attentif, je suis toujours attentif à ce que tu dis même quand ça n'a pas de sens. – Non mais, je ne te permets pas ! Réprimanda immédiatement Kaya les sourcils froncés. Celui qui n'a pas de sens ici, c'est toi, un soi-disant adulte pleurnichant pour un petit rhume de rien du tout. – Un petit rhume ? J'aurais bien voulu t'y voir à ma place ! D'ailleurs, qui pleurniche ici ? C'est toi qui agis comme une gamine qui s**e encore le pouce à chaque fois que tu rates une prise... Bien sûr, on ne retient que les meilleures pour se pavaner quand l'occasion se présente. Elle haleta faussement les sourcils grands levés avant d'afficher un air indifférent. – Alors c'est ce que tu penses de moi ? Eh bien, heureusement que je m'en fiche ! Le résultat parlera toujours de lui-même, ça me rappelle qu'un sage a dit, je cite "c'est la vision que l'on a du travail qui détermine le résultat escompté" c'est pourquoi la façon dont j'agis quelques fois n'affecte en rien mes prouesses. – Je ne suis pas sûr que c'est dans ce sens qu'il faut la comprendre ta citation. Encore une fois, son ton paraissait si posé et hagard. Kaya n'était pas mieux, cette dernière s'efforçait à agir tout naturellement. Laissez-la vous dire que c'était plus difficile que prévu. Sa nervosité était telle qu'elle ne pouvait même pas établir un contact visuel avec lui. La honte ! Il va finir par croire que quelque chose cloche. Elle pourrait aussi lui demander ce qu'il ne va pas avec lui. Un "Hé, tu penses à quoi ?" nonchalant n'était pas pourtant pas si compliqué. « Ce n'est pas juste que je sois celle qui soit nerveuse, après tout, c'est lui qui m'a entrainé ici... Je me demande s'il a quelque chose en tête ? » Prenant son courage à deux mains, elle pivota légèrement son regard vers lui. Apparemment, lui-même ne prenait même pas la peine de la regarder directement. Peut-être, ressent-il aussi du malaise ? « Pff ! N'importe quoi ! C'est d'Akkun dont nous parlons... (soupir) Ok ! C'est décidé ! Il ne doit surtout pas remarquer que je n'agis pas comme d'habitude sinon je n'entendrais pas la fin. » Elle se rapprocha un peu plus du jeune homme et lui donna un coup d'épaule ludique. Akkun cligna des yeux mais attendit qu'elle enchaîne, ce qu'elle fit : – Si tu veux tout savoir, tout cela me parait un peu trop ennuyeux, agir comme une adulte et tout, je veux dire... Être à la tête des combattants de Vanupas vient déjà avec son lot de responsabilités. Je sais que la force ou la puissance ne suffisent pas pour protéger ce qu'on a le plus cher, c'est pourquoi je veux apporter le sourire et donner de l'espoir à ceux qui croient l'avoir perdu. – Et c'est pour cette raison que tu agis comme une gamine ? – Il n'y a aucun mal à se relâcher de temps en temps, grincheux. C'est pour ça qu'ils m'apprécient parce que je suis sûrement celle qui les comprend le mieux. Peu importe ce que tu diras, je refuse de me dissocier de cet état d'esprit. Je suis sûre que toi aussi, tu n'aspires qu'à retourner en enfance quand tu n'avais encore à te soucier de rien. Akkun fit mine de réfléchir et secoua les épaules en réponse avec désinvolture. Kaya lâcha un petit rire moqueur avant de poursuivre : – Pour le moment, je me sens bien comme je suis, je ne suis pas pressée de changer... Et même si j'ai une volonté de fer en ce qui concerne le changement. En pleine contemplation, le jeune homme sourit légèrement face à ce charme encore plus magnifié sous la clarté de la lune. Oui, elle était belle de l'intérieur comme de l'extérieur. – Peut-être, souffla-t-il avant de reprendre plus fort. Eh oui ! Ça peut se comprendre. Le souci c'est que t'es une véritable tête brûlée, ce qui a le don de m'inquiéter, sinon ta mère encore plus. C'était un sourire amusé, mais authentique qui rendit Kaya un instant sans voix. Les traits de son visage lui parurent également plus nets, malgré qu'il faisait sombre, grâce à la lueur projeté par l'astre nocturne, d'ailleurs celui-ci n'était pas plus brillant que d'habitude ? Ses iris sombres semblaient plus grisâtres rendant ses expressions plutôt charmantes. D'ailleurs, d'où venait cette envie soudaine de le détailler ? Ah ! C'est sûrement dû au fait qu'elle était très proche. Trop proche ! – Je dirais à ta convenance, reprit ce dernier, inconscient de ce fait et du trouble de la jeune fille. Car tout ceci a fini par te coller à la peau, même ta façon de t'exprimer est enfantine quoique, tes propos manquent rarement de lucidité. Kaya relâcha un souffle retenu quand celui-ci prit lui-même du recul pour mieux l'observer. Voilà encore ce sourire. – Kaya, tu as sûrement un meilleur sens des responsabilités plus que quiconque ici, tu ne te lances jamais dans une quête sans réfléchir au préalable, même si tu n'en donnes pas l'air, et passe toujours le bien-être des autres en premier... Vraiment, je ne pense pas que tu aies besoin d'avoir l'air mature ni même d'être adulte pour devenir la meilleure version de toi-même, tu es déjà parfaite telle que tu es... Désolé de ne pas t'avoir donné cette impression jusqu'à maintenant. – Tu... Tu trouves ? Il acquiesça une fois en la fixant droit dans les yeux. Kaya ne trouva aucune trace de malice et cela la prit au dépourvu. Il l'a complimenté et pas qu'un peu. Elle mentirait si elle disait qu'elle n'était pas flattée, un peu émue même. Et maintenant, comment devrait-elle agir en retour ? Et pourquoi son cœur ne peut pas se calmer juste un peu ? – Euh ! D'accord... Merci, fut tout ce qu'elle réussit à dire. . . . Après cela, il eût un bref silence gênant et Akkun s'agita intérieurement en détournant une fois de plus son visage. À dire vrai, il ne savait vraiment pas ce qui l'avait pris en l'attirant jusqu'ici et maintenant le voilà en train de lui balancer à la figure des choses qu'il a gardé pour lui pendant des années. Mais maintenant qu'ils en sont là, autant craché le morceau. « Avec elle, on peut s'attendre à tout, du bon comme du mauvais, mais je suis plus que décidé. Notre avenir est plus qu'incertain, alors il n'y a pas de temps à perdre pour tergiverser. » Après avoir inspiré un bon coup, il jeta un coup d'œil furtif dans sa direction. Celle-ci observa rêveusement la foule au loin qui chantait et dansait autour du feu de joie, il perçut même le flamboiement du grand brasier se refléter dans ses orbes d'une fascinante couleur miel. – En parlant de responsabilités et tout ça, entama-t-il en voulant se la jouer décontracté. J'aimerais vraiment qu'on aborde un autre volet en ce qui concerne le futur... Afin, si ça ne te dérange pas. Kaya fredonna juste en accord en ramenant ses genoux sous son menton, contente que les sujets de conversation ne tarissent pas. Ah ! La nuit promet d'être longue. D'un autre côté, Akkun qui voulait vraiment garder son sang-froid vit ses sens subitement se mettre en éveil, c'était franchement déroutant. Il la reluquait, au sens propre, trop conscient de sa proximité. Un réflexe de déglutition fit trembler sa pomme d'Adam, provoqué par la rugosité de sa gorge. Ce qui ramena ses pensées aux événements de la journée plus précisément à l'instant ayant suivi leur retour lorsque Kaya accourue vers lui avec la pommade comme promis. Il fut vraiment surpris de la rapidité de sa préparation et le fut encore plus lorsque la jeune fille se proposa de l'appliquer sur son cou et son torse avec un sourire qu'il trouva absolument charmant. Le geste était tendre et furtif mais l'impression, que sa peau brûlait partout où ses doigts délicats passaient, était omniprésent. D'ailleurs, pourquoi a-t-il accepté ? Il aurait pu le faire lui-même ou, peut-être, demander à sa sœur grinçante. Quoique ce soit, l'instant d'après, il se sentit nettement mieux. Même si au départ, il lui retournait la faute, Akkun ne pouvait pas s'empêcher de lui être reconnaissant. Ou si on veut, mettons ça sur le fait qu'il ne pouvait lui en vouloir trop longtemps. Kaya, confuse face à son silence, le dévisagea curieusement. À l'instant, leurs regards se verrouillèrent une fois de plus. «Allez ! Ressaisis-toi ! Ce n'est pourtant pas si compliqué. Kaya est une fille au grand cœur, elle foulera jamais à terre tes sentiments. Et puis, je suis un adulte pour l'amour de Dieu, je n'ai pas à hésiter devant ce genre de chose... » médita fiévreusement Akkun dans son esprit. Alors qu'ils maintenaient le contact visuel, il avoua que c'était plus difficile à dire qu'à faire. Et de toute façon, si sa meilleure amie éprouvait la même chose, elle faisait vraiment un bon boulot pour le dissimuler. – Au départ, tu dois savoir que j'ai pris un long moment de réflexion, car cela n'a pas été pour moi une décision à prendre à la légère. « Tout risque de basculer, je mise vraiment notre amitié ici. » Il frotta sa tignasse hirsute attachée en un demi-chignon court alors que son regard louchait une fois de plus pour ne pas rencontrer le sien. – Tu vois, c'est un peu embarrassant, se dégonfla-t-il malgré lui. Et le cadre n'est sûrement pas approprié mais... – Akkun, que t'arrive-t-il ? Kaya soupira en fermant les yeux avant de les braquer sur son ami, le gratifiant d'un sourire apaisant. – Tu agis hors de toi-même depuis ce soir, ce n'est vraiment pas ton genre de jouer au nerveux... Écoutes ! Peu importe ce que tu diras je serai attentive. C'est sûrement embarrassant pour toi, mais rien ne me fera plus plaisir que de te confier à moi. Tu es très cher à mes yeux, ne l'oublie pas. Elle l'avait dit sans hésitation, ni clignement d'yeux. Kaya méritait à son tour toute la sincérité de son âme, approuva Akkun. – Toi aussi Kaya, tu es très précieuse pour moi et tu l'as toujours été et rien ni personne ne me fera douter que je... – Kayaaaa !!! S'écria une voix au loin et en même temps des pas précipités se rapprochèrent avant de s'arrêter à leur niveau. Enfin te voilà ! . . . . . . . . ♦‡♦ 
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