‡Chapitre 8 : Astral Limb ‡

2665 Words
Zuri accourut vers la paire assise sous l'arbre, soulagée d'avoir pu retrouver la jeune fille à l'honneur de la célébration. Elle la perd de vue une seconde et la minute d'après, elle la retrouve en train de papoter au pied d'un grand chêne, complètement éloigné du lieu où les festivités battaient leur plein. Au fur et à mesure de son avancée, elle remarqua qui était cette autre personne : – Huh ? À ce que je constate, t'es avec mon linot de frère... Désolé, je ne t'avais pas vu de là-bas. – Par pitié, dites-moi que c'est une blague, maugréa Akkun entre ses dents, frustré était un mot bien trop faible pour décrire ce qu'il ressentait en ce moment précis. Le regard de Zuri, passa entre les deux, davantage intriguée par l'atmosphère qu'elle qualifia de... gênante. Pas de doute, elle est tombée au mauvais moment. « Aïe ! On dirait que j'ai interrompu quelque chose. » Bien qu'elle se sentit désolée, elle ne s'attarda pas plus que ça car il y avait plus urgent. Kaya se tint debout et fit face à son amie. – Tu me cherches Zuri ? Demanda-t-elle tandis qu'elle époussetait ses vêtements. Même si elle occupait ses mains et décalait son visage pour cacher son embarras, sa voix ne respectait pas cet accord. Zuri attrapa fermement ses épaules, se retenant de la secouer comme un prunier : – Oui ! Figure-toi que je t'ai cherché partout, tu n'as pas idée. – Pourquoi ? – Pourquoi ? Sérieusement, tu as la mémoire courte tout à coup ? Ah ! Voilà les conséquences de trop trainer avec lui. Par lui, elle voulait dire son grand-frère bien évidemment. Cette remarque ne passa pas dans l'oreille d'un sourd alors que le susmentionné pensa à diverses façons de lui faire payer, vraiment mais alors vraiment cher son baratin, sœur ou pas. – Radotes encore une fois sur moi et tu le regretteras sale gamine ! – Moi aussi, je t'aime frérot ! Railla cette dernière dans sa direction avant de revenir sur son amie. Allez Kaya ! Je rêve où tu as oublié ta performance ? Toi, de toutes les personnes. La lune sera au-dessus de nos têtes dans quelques instants et c'est le meilleur moment pour toi d'entrer en scène. – La performance ?... Ah oui ! Ça m'est complètement sorti de la tête... Zuri secoua la tête puis lâcha un soupir exaspéré. « Je peux comprendre pourquoi » se dit-elle avant de la trainer sans discuter par le bras. – Pas de temps à perdre ma belle ! On se dépêche ! Avant de s'éloigner, Kaya se retourna et agita la main avec un sourire d'excuse vers Akkun qui, jusque-là, observait la scène d'un air maussade. Il lui rendit son salut avant d'avaler d'une traite sa boisson laissée en plan. « Voilà pour ma journée ! » . . . Kaya et Zuri pénétrèrent dans une hutte et cette dernière s'empressa de lui donner un coup de main avec les vêtements ainsi que les accessoires telle une vraie styliste. Son aide n'était pas nécessaire, mais c'était une tradition à toutes les deux. – C'est plutôt inhabituel, émit une Zuri d'humeur taquine après plusieurs autres sujets de conversation banaux. Je ne t'ai jamais vu autant sur la lune, c'est mon frère qui te fait perdre la tête ? Vas-y, avoues ! Elle ajusta le lot d'ornements autour de ses hanches, ses poignets et ses chevilles : – Ai-je interrompu quelque chose ? Kaya plia nerveusement ses orteils alors qu'elle regardait n'importe où sauf en direction de sa compagne. – Quoi ? N... Non ! On a juste été pris au dépourvu parce qu'on se perdait dans la conversation c'est tout, on ne voyait pas le temps passé. – Mmh... Mmh ! Fredonna-t-elle, et de quoi parliez-vous ? – D'un truc important, répondit Kaya du tac au tac. – Un truc important... Quel genre de truc important ? – Genre... Un truc de combattant, tu sais les techniques, les dangers du métier... – Expliques ! Kaya ne pouvait s'empêcher de lâcher un soupir d'agacement. – Il n'y a aucune explication à donner d'accord ? Et même s'il y avait quelque chose à dire, tu es trop jeune et pas du tout expérimentée pour comprendre quoi que ce soit. Offusquée, Zuri se leva et se tint devant Kaya les mains posées sur les hanches. – Tu te fiches de moi ? Je suis ta cadette de six mois seulement et lui, il a quoi ? Vingt-deux ans ? Elle la pointa du doigt et poursuivit avec la mine offensée. – Tu n'es même pas encore une adulte en plus d'agir plus gamine que moi. Je sais que vous ne parlez pas de chasse ou de combat, j'ai un flair pour ça. Et puis, je suis ta meilleure amie donc tu dois absolument tout me confier, surtout s'il est question de mon idiot de frère. Kaya qui poursuivait toujours sa tâche sans sourciller, roula des yeux à la fin de sa tirade. Pourquoi c'est toujours la même histoire ? – J'vous jure, ton frère et toi êtes plus qu'exaspérants. Non mais qu'est-ce que vous avez tous à me traiter de gamine hein ? Et toi, tu devrais vraiment apprendre à respecter tes ainés, répliqua-t-elle en lui pinça fortement la joue. – Aïe aïe aïe ! Pas la joue pas la joue... D'accord, je m'excuse, je m'excuse. Quand celle-ci la relâcha, Zuri frotta délicatement sa pommette qui picotait affreusement avant de la toiser avec une mine réprobatrice. – Tu n'y vas jamais de main morte toi. – Parfois, je ne mesure pas ma propre force, désolée ! – Mais oui, bien sûr, Hum ! J'aurais vraiment du mal à manger et afficher mon beau sourire après ça, mais bon j'te pardonne en échange d'une compensation. – Entre nous, c'est plutôt toi qui devrais... – Ceci étant dit... Enfiles ça ! Zuri dévoila de ses mains un grand masque tribal qu'elle passa sur sa tête sans lui laisser le temps de protester, Kaya vacilla quelque peu avant d'être saisie par les épaules. – Le moment est venu de te trémousser au clair de lune ma belle ! Gazouilla sa cadette en la poussant légèrement hors de la hutte. Je compte toujours sur toi pour m'éclairer davantage sur la relation que tu entretiens avec mon frère et pas plus tard que cette nuit... Quand elles furent à l'extérieur, elle la devança ensuite puis valsa sur elle-même de manière théâtrale, les bras grands ouverts : – Et nous terminerons la soirée en beauté entre meilleures copines. À moins que tu ne veuilles la passer avec lui, mais ça aussi je comprends tu sais, après tout, on ne vit qu'une fois. Celle-ci termina sa phrase en riant fortement d'un ton suggestif. « Et maintenant, qui a l'air plus gamine ? » songea Kaya en secouant sa tête masquée. Cette dernière était vraiment reconnaissante tout à coup, grâce à cet accessoire, Zuri ne pouvait pas voir à quel point elle se sentait incroyablement gênée à la mention d'un certain type de relation avec une certaine personne. Bien évidemment, elle ne manquait jamais de mettre ça sur le tapis juste pour l'enquiquiner. C'est Zuri pour vous. – Vraiment Zu, qu'est-ce que je vais faire de toi ? – Plutôt "que ferais-je sans toi, ma très chère amie"... Ne me remercie surtout pas de vouloir faire avancer les choses, c'est tout à fait normal. Et tel que je connais mon frère, j'me dis qu'au bout du compte, c'est toi qui devrais faire le premier pas. Tout à coup, Kaya sentit deux paires de bras entourée sa silhouette par derrière. Le souffle chaud de Zuri se répandit jusqu'au creux de ses omoplates non couverts malgré la nuit glaciale, quand elle s'exprima d'une petite voix : – Kaya, tu dois comprendre qu'il ne s'agit pas seulement de lui. Je voudrais tellement que plus de liens nous unissent, car dans mon cœur, tu es plus qu'une amie. Elle resserra son étreinte et reprit d'un ton empli de tristesse : – Je sais que tu peux me comprendre quand je dis que le départ de nos parents nous a anéanti... Le chef fut assez cruel pour déporter deux jeunes orphelins dans la plaine de Vanupas. Nous étions perdus et ne savions pas sur qui compter. Bien sûr, nous avons été bien accueillis ici, mais je ressentais toujours ce vide en moi me consumer encore et encore, j'étais hantée chaque jour et nuit passés ici. Mais quand tu as débarqué dans nos vies... Mes cauchemars ont lentement pris place au renouveau et à l'espoir. Elle la relâcha doucement et Kaya profita de cet instant pour se retourner et la fixer. À travers le masque, ses yeux brillaient d'une lueur indéchiffrable. – Tout ceci sort sûrement de nulle part, mais je le pense vraiment, ajouta-t-elle avant de s'exclamer avec une fausse gaieté. D'ailleurs, je ne sais vraiment pas ce qui m'a pris tout à coup, mais j'imagine que vaut mieux tard que jamais. – Zuri... Kaya l'entraîna dans un énorme câlin d'ours, elle était si émue qu'elle se retint même de pleurer. Pourquoi ce drôle de sentiment refaisait surface en elle tout à coup ? D'autant plus que, quand elle le dit de cette manière, c'est comme ci... – Ne parle plus comme ça d'accord ? Tu vas nous attirer malheur. – Ah ! D'accord, rigola-t-elle en lui rendant son embrassade. – Mais pour le reste, sache que toi aussi, tu comptes énormément pour moi et cela ne changera jamais... Zuri, tu es la sœur que j'aurai aimé avoir si la vie m'en avait offert. Le cœur de Zuri gonfla dans sa poitrine et elle explosa de joie en lâchant un rire guilleret tout en se délogeant de l'étreinte. – Tout le monde ne pense pas comme toi... Une fois de plus Kayou, joyeux anniversaire et merci pour tout, ma sœur bien-aimée. Kaya hocha la tête puis la tint par les épaules, les lèvres toutes frémissantes. Elle inspira ensuite et cligna des yeux pour repousser ce sentiment d'appréhension au plus profond de ses entrailles, car franchement, ce n'était pas le moment. Par-dessus tout, elle voulait que ce jour soit marqué par la joie et le rire. – Être entourée des personnes qu'on aime est vraiment le meilleur cadeau qui soit accordé à tout individu, s'exprima Kaya d'un sourire calme et résolu. Ce périple, nous le surmonterons ensemble ! D'ailleurs, n'oublie pas notre objectif de briser la malédiction, je compte sur toi ! Zuri acquiesça avec un sourire ravi avant de se déplacer dans un coin où elle pourra profiter du spectacle, mais avant de s'éloigner, elle proclama avec enthousiasme : – Je trépigne toujours d'impatience à l'idée de te voir danser, tu arrives toujours à m'épater avec tes gestes gracieux et tout. Alors, donne-toi à fond comme toujours et scintille de mille feux comme l'étoile que tu es ! Elle finit sa phrase avec un clin d'œil avant de gambader comme la boule d'énergie qu'elle est. Peu importe le sentiment négatif qui voulut naître, Kaya ne voulait point y prendre garde. Après tout, elle comptait obéir à cette voix qui lui ordonnait de profiter de chaque moment. Cette fin de journée sera peut-être le tournant de beaucoup de chose. Toutefois, serait-ce de bon ou de mauvais augure ? Tout ce qui importe en ce-moment, c'est l'amour qu'elle ressent pour chacun de ses proches qu'elle compte aimer, protéger, chérir au péril de sa vie. « Comme toi papa ! » . . . Le camp de Vanupas brillait sous le clair de lune à présent élevée au-dessus d'eux. La grande braise, utilisée pour apporter une atmosphère chaleureuse au souffle frigorifiant, crépitait avec vivacité, faisant jaillir de grandes flammes orangées et rougeoyantes. Devant elle, se tenait Kaya, prête à exécuter sa danse qu'elle a elle-même surnommée pour une raison quelconque : Limbe astral. Son accoutrement se composait en haut d'une pièce d'étoffe bigarrée aux imprimés coutumiers nouée autour de son torse par croisement ; d'un pagne au textile semblable l'enveloppant de la taille jusqu'aux chevilles avec une longue fente sur les côtés s'arrêtant juste aux milieux de ses cuisses, facilitant ses mouvements ; des chaines ornées de perles, de cauris et de plumes communément appelés 'baya' encerclaient harmonieusement sa taille. Elle arborait également des bracelets épais faits de pierres précieuses qui brillaient sous l'éclat lunaire sur ses chevilles et ses poignets, ces derniers étaient munis de petites cloches, ses pieds étaient nus. Pour compléter sa tenue, un masque traditionnel sculpté à partir du bois d'ébène et décoré de plume et divers symboles tribaux. Il était suffisamment imposant pour couvrir totalement sa tête, reflétant une touche d'ésotérisme malgré le charme autochtone de la tenue. Elle murmura des paroles inintelligibles puis leva ses bras en l'air, tout en carillonnant les clochettes. Dès cet instant, il régna un certain calme, toute l'attention était rivée sur elle, de même pour la lune qui projetait sa lueur sur toute sa silhouette l'entourant d'un halo éthéré. Lentement et avec subtilité qu'il était impossible de s'en rendre compte directement, elle devint littéralement lumineuse. Ébahis, les orbes oculaires de tout le monde s'agrandirent, les pupilles brillant de fascination. Pendant un moment, ils crurent même rêver. Peut-être c'était vraiment le cas, car la concernée ne semblait elle-même ne pas le remarquer. Quelques instants plus tard, ils se détendirent un peu quand la lueur s'atténua progressivement sans toutefois disparaître complètement. C'est ainsi qu'ils crurent que tout ceci devrait sûrement faire partie du spectacle. Kaya est une jeune fille aux multiples talents après tout. Akkun, de son côté, était quelque peu déconcerté, certes, sa danse se dénommait limbe astral, mais c'était juste une appellation fortuite d'après Kaya. Et donc, faire le constat direct de ce phénomène surnaturel, lui fit se demander s'il ne venait pas d'assister à un tour d'enchantement ou quelque chose en rapport. D'ailleurs, ce genre de pratique n'était pas courant dans le territoire, il s'agissait la plupart du temps de quelques tours de passe-passe montés de toute pièce pour impressionner et amuser la galerie. Sauf qu'à la fin, rien de tout ça ne semblait authentique, comparé à ceci. « Kaya s'est-elle entraînée pour produire cet effet ou alors est-ce vraiment l'œuvre d'un pouvoir surnaturel ? » A son grand dam, ce n'était pas la première fois qu'il constatait des faits 'étranges' se produisant tout autour de sa coéquipière, étant donné qu'ils étaient très souvent ensemble. Pendant tout ce temps, il avait l'impression d'être le seul à le remarquer, alors il n'en parlait en personne. Mais aujourd'hui, ces apparitions bizarres étaient à la vue de tous. Pour autant qu'il sache, elle n'a jamais semblé s'en soucier, sûrement parce qu'elle-même ne l'a jamais remarqué. Mais cela importe peu, car Kaya n'a jamais été une fille comme les autres. « C'est pourquoi je veux demeurer à ses côtés aussi longtemps qu'il le faut. » Akkun sait qu'ils peuvent survivre longtemps dans ce lieu maudit, après tout, ils font partie des combattants les plus forts et les plus résistants, ayant affronté mille dangers que nombreux d'entre eux ont eu à trépasser. Il ne pense pas qu'il y ait un obstacle qu'ils ne puissent vaincre à deux. Ensemble, ils protégeront le camp de Vanupas et briseront la malédiction. . . . Dans un lieu très éloigné, au-delà des limites du territoire d'Aroër, un zéphyr à l'aura ténébreuse perla sauvagement sur les dunes écarlates. Un instant plus tard, un éclair fougueux aux multiples prolongements vint déchirer le ciel faisant trembler les tréfonds du désert aride. La terre gronda puissamment pour ensuite germer de ses profondeurs des créatures malfaisantes, y sommeillant depuis très longtemps, jusqu'au moment fatidique où leur dessein ne se résumerait alors qu'à engouffrer la surface de la terre dans les ténèbres. Ce moment n'est plus pour très longtemps. Un évènement sombre, sinistre, annonciateur de chaos se rapprochait du camp de Vanupas avec une issue fatale. . . . . . . . ♦‡♦
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