CXCVIe nuit
Le prince de Perse ne se contenta pas d’avoir lu une fois cette lettre ; il lui sembla qu’il l’avait lue avec trop peu d’attention. Il la relut plus lentement ; et en lisant, tantôt il poussait de tristes soupirs, tantôt il versait des larmes, et tantôt il faisait éclater des transports de joie et de tendresse, selon qu’il était touché de ce qu’il lisait. Enfin il ne se lassait point de parcourir des yeux des caractères tracés par une main si chère ; et il se préparait à les lire la troisième fois, lorsque Ebn Thaher lui représenta que la confidente n’avait pas de temps à perdre ; et qu’il devait songer à faire réponse : « Hélas ! s’écria le prince, comment voulez-vous que je fasse réponse à une lettre si obligeante ? En quels termes m’exprimerai-je dans le trouble où je suis ? J’ai l’esprit agité de mille pensées cruelles, et mes sentiments se détruisent au moment que je les ai conçus, pour faire place à d’autres. Pendant que mon corps se ressent des impressions de mon âme, comment pourrai-je tenir le papier et conduire la canne pour former les lettres ? »
En parlant ainsi, il tira d’un petit bureau ; qu’il avait près de lui, du papier, une canne taillée, et un cornet où il y avait de l’encre…
Scheherazade, apercevant le jour en cet endroit ; interrompit sa narration. Elle en reprit la suite le lendemain et dit à Schahriar :