Cette dame aussi ne voulut jamais permettre que ses inférieurs la baisassent jamais à la bouche, « d’autant, disait-elle, que le toucher et le tact de bouche à bouche est le plus sensible et précieux de tous les autres touchers, soit de la main et autres membres » ; et pour ce, ne voulait être haleinée ni sentir à la sienne une bouche sale, impure et non pareille à la sienne.
Or, sur ceci, c’est une autre question que j’ai vu traiter à aucuns : quel avantage de gloire a plus grand sur son compagnon, ou l’homme ou la femme, quand ils sont en ces escarmouches ou victoires vénériennes ?
L’homme allègue pour soi la raison précédente, que la victoire est bien plus grande quand l’on tient sa douce ennemie abattue sous soi, et qu’il la subjugue, et la dompte à son aise et comme il lui plaît ; car il n’y a si grande princesse ou dame que, quand elle est là, fût-ce avec son inférieur ou inégal, qu’elle n’en souffre la loi et la domination qu’en a ordonné Vénus parmi ses statuts ; et pour ce, la gloire et l’honneur en demeurent très grande à l’homme.
La femme dit : « Oui, je le confesse, que vous vous devez sentir glorieux quand vous me tenez sous vous et vous me suppéditez ; mais aussi, quand il me plaît, s’il ne tient qu’à tenir le dessus, je le tiens par gaîté et une gentille volonté qui m’en prend, et non pour une contrainte. Davantage, quand ce dessus me déplaît, je me fais servir à vous comme d’un esclave ou forçat de galère, ou, pour mieux dire, vous fais tirer au collier comme un vrai cheval de charrette, en vous travaillant, peinant, suant, haletant, efforçant à faire les corvées et efforts que je veux tirer de vous. Cependant, moi, je suis couchée à mon aise, je vois venir vos coups, quelquefois j’en ris et en tire mon plaisir à vous voir en telles altères ; quelquefois aussi je vous plains selon ce qui me plaît ou que j’en ai de volonté ou pitié ; et après en avoir en cela très bien passé ma fantaisie, je laisse là mon galant, las, recru, débilité, énervé, qu’il n’en peut plus, et n’a besoin que d’un bon repos et de quelque bon repas, d’un coulis, d’un restaurant ou de quelque bon bouillon confortatif. Moi, pour telles corvées et tels efforts, je ne m’en sens nullement, sinon que très bien servie à vos dépens, monsieur le galant, et n’ai autre mal sinon de souhaiter quelque autre qui m’en donnât autant, à peine le faire rendre comme vous ; et, par ainsi, ne me rendant jamais, mais faisant rendre mon doux ennemi, je remporte la vraie victoire et la vraie gloire, d’autant qu’en un duel celui qui se rend est déshonoré, et non pas celui qui combat jusqu’au dernier point de la mort. »
– Ainsi que j’ai ouï conter d’une belle et honnête femme, qui une fois, son mari l’ayant éveillée d’un profond sommeil et repos qu’elle prenait, pour faire cela, après qu’il eut fait elle lui dit : « Vous avez fait et moi non » ; et, parce qu’elle était dessus lui, elle le lia si bien de bras, de mains, de pieds et de ses jambes entrelacées : « Je vous apprendrai à ne m’éveiller une autre fois » ; et, le démenant, secouant et remuant à toute outrance son mari qui était dessous, qui ne s’en pouvait défaire, et qui suait, ahanait et se lassait, et criait merci, elle le lui fit faire une autre fois en dépit de lui, et le rendit si las, si exténué et flasque, qu’il en devint hors d’haleine et lui jura un bon coup qu’une autrefois il la prendrait à son heure, humeur et appétit. Ce conte est meilleur à se l’imaginer et représenter qu’à l’écrire.
Voilà donc les raisons de la dame, avec plusieurs autres qu’elle put alléguer.
Encore l’homme réplique là-dessus : « Je n’ai point aucun vaisseau ni bachot comme vous avez le vôtre, dans lequel je jette un gassouil de pollution et d’ordure (si ordure se doit appeler la semence humaine jetée par mariage et paillardise), qui vous salit et vous y pisse comme dans un pot. – Oui, dit la dame, mais aussitôt ce beau sperme, que vous autres dites être le sang le plus pur et net que vous avez, je le vous vais pisser incontinent et jeter ou dans un pot ou bassin, ou en un retrait, et le mêler avec une autre ordure très puante et sale et vilaine ; car de cinq cents coups que l’on nous touchera, de mille, deux mille, trois mille, voire d’une infinité, voire de nul, nous n’engrossons que d’un coup, et la matrice ne retient qu’une fois ; car si le sperme y entre bien et y est bien retenu, celui-là est bien logé, mais les autres fort salaudement nous les logeons comme je viens de dire. Voilà pourquoi il ne faut se vanter de gazouiller de vos ordures de sperme, car, outre celui-là que nous concevons, nous le jetons et rendons pour n’en faire plus de cas aussitôt que l’avons reçu et qu’il ne nous donne plus de plaisir, et en sommes quittes en disant : "Monsieur le potagier, voilà votre brouet que je vous rends et le vous claque là ; il a perdu le bon goût que m’en avez donné premièrement. " Et notez que la moindre bagasse en peut dire autant à un grand roi ou prince, s’il l’a repassée ; qui est un grand mépris, d’autant que l’on tient le sang royal pour le plus précieux qui soit point. Vraiment il est bien gardé et logé bien précieusement plus que d’un autre ! »
Voilà le dire des femmes, qui est un grand cas pourtant qu’un sang si précieux se pollue et se contamine ainsi si salaudement et vilainement ; ce qui était défendu en la loi de Moïse, de ne le nullement p********r en terre ; mais on fait bien pis quand on le mêle avec de l’ordure très orde et sale.
Encore si elles faisaient comme un grand seigneur dont j’ai ouï parler, qui, en songeant la nuit, s’étant corrompu parmi ses linceuls, les fit enterrer, tant il était scrupuleux, disant que c’était un petit enfant provenu de là qui était mort, et que c’était dommage et une très grande perte que ce sang n’eût été mis dans la matrice de sa femme, dont possible l’enfant eût été en vie.
Il se pouvait bien tromper par là, d’autant que de mille habitations que le mari fait avec la femme l’année, possible, comme j’ai dit, n’en devient-elle grosse, non pas une fois en la vie, voire jamais, pour aucunes femmes qui sont bréhaignes et stériles et ne conçoivent jamais ; d’où est venu l’erreur de certains mécréants, que le mariage n’avait été institué tant pour la procréation que pour le plaisir ; ce qui est mal cru et mal parlé, car, encore qu’une femme n’engrosse toutes les fois qu’on l’entreprend, c’est pour quelque volonté de Dieu à nous occulte, et qu’il en veut punir et mari et femme, d’autant que la plus grande bénédiction que Dieu nous puisse envoyer en mariage, c’est une bonne lignée, et non par concubinage ; dont il y a plusieurs femmes qui prennent un grand plaisir d’en avoir de leurs amants, et d’autres non, lesquelles ne veulent permettre qu’on leur lâche rien dedans, tant pour ne supposer des enfants à leurs maris qui ne sont à eux, que pour leur sembler ne leur faire tort et ne les faire cocus si la rosée ne leur est entrée dedans, ni plus ni moins qu’un estomac débile et mauvais ne peut être offensé de sa personne pour prendre de mauvais et indigestifs morceaux, pour les mettre dans la bouche, les mâcher et puis les cracher à terre.
Aussi par le mot de cocu porté par les oiseaux d’avril, qui sont ainsi appelés pour aller pondre au nid des autres, les hommes s’appellent cocus par antinomie quand les autres viennent pondre dans leur nid, qui est le c… de leurs femmes, qui est autant à dire leur jeter leur semence et leur faire des enfants.
Voilà comme plusieurs femmes ne pensent faire faute à leurs maris pour mettre dedans et s’ébaudir leur saoul, mais qu’elles ne reçoivent point de leur semence ; ainsi sont-elles consciencieuses de bonne façon : comme d’une grande dont j’ai ouï parler, qui disait à son serviteur : « Ébattez-vous tant que vous voudrez, et donnez-moi du plaisir ; mais, sur votre vie, donnez-vous garde de ne m’arroser rien là-dedans, non d’une seule goutte, autrement il vous y va de la vie. » Si bien qu’il fallait que l’autre fût sage et qu’il épiât le temps du mascaret quand il devait venir.
– J’ai ouï faire un pareil conte au chevalier de Sanzay de Bretagne, un très honnête et brave gentilhomme, lequel, si la mort n’eût entrepris sur son jeune âge, eût été un grand homme de mer, comme il avait un très bon commencement : aussi en portait-il les marques et enseignes, car il avait eu un bras emporté d’un coup de canon en un combat qu’il fît sur mer. Le malheur pour lui fut qu’il fut pris des corsaires et mené à Alger. Son maître, qui le tenait esclave, était le grand prêtre de la mosquée de là, qui avait une très belle femme qui vint à s’amouracher si fort dudit Sanzay qu’elle lui commanda de venir en amoureux plaisir avec elle et qu’elle lui ferait très bon traitement, meilleur qu’à aucun de ses autres esclaves, mais surtout elle lui commanda très expressément, et sur la vie, ou une prison très rigoureuse, de ne lancer en son corps une seule goutte de sa semence, d’autant, disait-elle, qu’elle ne voulait nullement être polluée ni contaminée du sang chrétien, dont elle penserait offenser grandement et sa loi et son grand prophète Mahomet ; et, de plus, lui commanda qu’encore qu’elle fût en ses chauds plaisirs, quand bien même elle lui commanderait cent fois de hasarder le paquet tout à trac, qu’il n’en fît rien, d’autant que ce serait le grand plaisir duquel elle était ravie qui le lui ferait dire, et non pas la volonté de l’âme.
Ledit Sanzay, pour avoir bon traitement et plus grande liberté, encore qu’il fût chrétien, ferma les yeux pour ce coup à sa loi ; car un pauvre esclave rudement traité et misérablement enchaîné peut bien s’oublier quelquefois. Il obéit à le dame, et fut si sage et si attentif à son commandement qu’il commanda fort bien à son plaisir et moulait au moulin de sa dame toujours très bien, sans y faire couler d’eau ; car, quand l’écluse de l’eau voulait se rompre et se déborder, aussitôt il la retirait, la resserrait et la faisait écouler où il pouvait ; dont cette femme l’en aima davantage pour être si attentif à son étroit commandement, encore qu’elle lui criât : « Lâchez, je vous en donne toute permission. » Mais il ne voulut jamais, car il craignait d’être battu à la turque, comme il voyait ses autres compagnons devant lui.
Voilà une terrible humeur de femme ; et, pour ce, il semble qu’elle faisait beaucoup, et pour son âme qui était turque, et pour l’autre qui était chrétien, puisqu’il ne se déchargeait nullement avec elle : si me jura-t-il qu’en sa vie il ne fut en telle peine.
Il me fit un autre conte, le plus plaisant qu’il est possible, d’un trait qu’elle lui fit ; mais d’autant qu’il est trop s****d je m’en tairai, de peur d’offenser les oreilles chastes.
Or, depuis, ledit Sanzay fut racheté par les siens, qui sont gens d’honneur et de bonne maison en Bretagne, et qui appartiennent à beaucoup de grands, comme à M. le connétable, qui aimait fort son frère aîné et qui lui aida beaucoup à cette délivrance, laquelle ayant eue, il vint à la cour et nous en conta fort, à M. d’Estrozze et à moi, de plusieurs choses, et entre autres il nous fit ces contes.
Que dirons-nous maintenant d’aucuns maris qui ne se contentent de se donner du contentement et du plaisir paillard de leurs femmes, mais en donnent de l’appétit soit à leurs compagnons et amis, soit à d’autres ; ainsi j’en ai connu plusieurs qui leur louent leurs femmes, leur disent leurs beautés, leur figurent leurs membres et parties du corps, leur représentent leurs plaisirs qu’ils ont avec elles et leurs folâtreries dont elles usent envers eux, les leur font b****r, toucher, tâter, même voir nues ?
Que méritent-ils ceux-là, sinon qu’on les fasse cocus bien à point, ainsi que fit Gygès, par le moyen de sa bague, au roi Candaule, roi des Lydiens, lequel, s*t qu’il était, lui ayant loué la rare beauté de sa femme, comme si le silence lui faisait tort et dommage, et puis, la lui ayant montré toute nue, en devint si amoureux qu’il en jouit tout à son gré et le fit mourir, et s’impatronisa de son royaume. On dit que la femme en fut si désespérée pour avoir été représentée ainsi qu’elle força Gygès à ce mauvais tour en lui disant : « Ou celui qui t’a pressé et conseillé de telle chose, faut qu’il meure de ta main, ou toi, qui m’as regardée toute nue, que tu meures de la main d’un autre. » Certes, ce roi était bien de loisir de donner ainsi appétit d’une viande nouvelle, si belle et bonne, qu’il devait tenir si chère.