Discours premier-4

2065 Words
Qui a vu la statue de ladite Messaline trouvée ces jours passés en la ville de Bordeaux avouera qu’elle avait bien la vraie mine de faire une telle vie. C’est une médaille antique, trouvée parmi aucunes ruines, qui est très belle et digne de la garder pour la voir et bien contempler. C’était une fort grande femme, de très belle haute taille, les beaux traits de son visage et sa coiffure tant gentille à l’antique romaine, et sa taille très haute, démontrant bien qu’elle était ce qu’on a dit ; car, à ce que je tiens de plusieurs philosophes, médecins et physionomistes, les grandes femmes sont à cela volontiers inclinées, d’autant qu’elles sont hommasses ; et, étant ainsi, participent des chaleurs de l’homme et de la femme ; et, jointes ensemble en un seul corps et sujet, sont plus violentes et ont plus de force qu’une seule ; aussi qu’à un grand navire, dit-on, il faut une grande eau pour le soutenir. Davantage, à ce que disent les grands docteurs en l’art de Vénus, une grande femme y est plus propre et plus gente qu’une petite. Sur quoi il me souvient d’un très grand prince que j’ai connu : voulant louer une femme de laquelle il avait eu jouissance, il dit ces mots : « C’est une très belle p****n, grande comme madame ma mère. » Dont ayant été surpris sur la promptitude de sa parole, il dit qu’il ne voulait pas dire qu’elle fût une grande p****n comme madame sa mère, mais qu’elle fût de la taille et grande comme madame sa mère. – Quelquefois on dit des choses qu’on ne pense pas dire, quelquefois aussi sans y penser l’on dit bien la vérité. Voilà donc comme il fait meilleur avec les grandes et hautes femmes, quand ce ne serait que pour la belle grâce, la majesté qui est en elles ; car, en ces choses, elle y est aussi requise et autant aimable qu’en d’autres actions et exercices, ni plus ni moins que le manège d’un beau et grand coursier du règne est bien cent fois plus agréable et plaisant que d’un petit bidet, et donne bien plus de plaisir à son écuyer ; mais aussi il faut bien que cet écuyer soit bon et se tienne bien et montre bien plus de force et d’adresse : de même se faut-il porter à l’endroit des grandes et hautes femmes ; car, de cette taille, elles sont sujettes d’aller d’un air plus haut que les autres, et bien souvent font perdre l’estrier, voire l’arçon, si l’on n’a bonne tenue, comme j’ai ouï conter à aucuns cavalcadours qui les ont montées ; et lesquelles font gloire et grande moquerie quand elles les font sauter et tomber tout à plat : ainsi que j’en ai ouï parler d’une de cette ville, laquelle, la première fois que son serviteur coucha avec elle, lui dit franchement : « Embrassez-moi bien, et me liez à vous de bras et de jambes le mieux que vous pourrez, et tenez-vous bien hardiment, car je vais haut, et gardez bien de tomber. Aussi, d’un côté, ne m’épargnez pas ; je suis assez forte et habile pour soutenir vos coups, tant rudes soient-ils ; et si vous m’épargnez je ne vous épargnerai point. C’est pourquoi à beau jeu beau retour. » Mais la femme le gagna. Voilà donc comme il faut bien aviser à se gouverner avec telles femmes hardies, joyeuses, renforcées, charnues et proportionnées ; et, bien que la chaleur surabondante en elles donne beaucoup de contentement, quelquefois aussi sont-elles trop pressantes pour être si chaleureuses. Toutefois, comme l’on dit, de toutes tailles bons lévriers : aussi y a-t-il de petites femmes nabotes qui ont le geste, la grâce, la façon en ces choses un peu approchante des autres, ou les veulent imiter, et si sont aussi chaudes et âpres à la curée, voire plus : je m’en rapporte aux maîtres en ces arts. Ainsi qu’un petit cheval se remue aussi prestement qu’un grand, et, comme disait un honnête homme, que la femme ressemblait à plusieurs animaux et principalement à un singe, quand dans le lit elle ne fait que se mouvoir et remuer. J’ai fait cette digression ; en m’en souvenant il faut retourner à notre premier texte. – Et ce cruel Néron ne fit aussi que répudier sa femme Octavia, fille de Claudius et Messalina, pour adultère, et sa cruauté s’abstint jusque-là. Domitien fit encore mieux, lequel répudia sa femme Domitia Longina parce qu’elle était si amoureuse d’un certain comédien et bateleur nommé Pâris, et ne faisait tout le jour que paillarder avec lui, sans tenir compagnie à son mari ; mais au bout de peu de temps, il la reprit encore et se repentit de sa séparation ; pensez que ce bateleur lui avait appris des tours de souplesse et de maniement dont il croyait qu’il se trouverait bien. – Pertinax en fit de même à sa femme Flavia Sulpitiana, non qu’il la répudiât ni qu’il la reprît ; mais, la sachant f***********r à un chantre et joueur d’instruments, et s’adonner du tout à lui, n’en fit autre compte sinon la laisser faire, et lui f***********r de son côté à une Cornificia étant sa cousine germaine ; suivant en cela l’opinion d’Eliogabale, qui disait qu’il n’y avait rien au monde plus beau que la conversation de ses parents et parentes. Il y en a force qui ont fait tels échanges que je sais, se fondant sur ces opinions. – Aussi l’empereur Severus non plus se soucia de l’honneur de sa femme, laquelle était p****n publique, sans qu’il se souciât jamais de l’en corriger, disant qu’elle se nommait Julia et, pour ce, qu’il la fallait excuser, d’autant que toutes celles qui portaient ce nom de toute ancienneté étaient sujettes d’être très grandes putains et faire leurs maris cocus : ainsi que je connais beaucoup de dames portant certains noms de notre christianisme, que je ne veux dire pour la révérence que je dois à notre sainte religion, qui sont coutumièrement sujettes à être putts et à hausser le devant plus que d’autres portant autres noms, et n’en a-t-on vu guère qui s’en soient échappées. Or je n’aurais jamais fini si je voulais alléguer une infinité d’autres grandes dames et impératrices romaines de jadis, à l’endroit desquelles leurs maris, cocus et très cruels, n’ont usé de leurs cruautés, autorités et privilèges, encore qu’elles fussent très débordées ; et crois qu’il y en a eu peu de prudes de ce vieux temps, comme la description de leur vie le manifeste : même que l’on regarde bien leurs effigies et médailles antiques, on y verra tout à plein, dans leur beau visage, la même lubricité toute gravée et peinte ; et pourtant leurs maris cruels la leur pardonnaient et ne les faisaient mourir, au moins aucuns : et qu’il faille qu’eux païens, ne connaissant Dieu, ayant été si doux et bénins à l’endroit de leurs femmes et du genre humain, et la plupart de nos rois, princes, seigneurs et autres chrétiens, soient si cruels envers elles par un tel forfait ! – Encore faut-il louer ce brave Philippe Auguste, notre roi de France, lequel, ayant répudié sa femme Angerberge, sœur de Canut, roi de Danemark, qui était sa seconde femme, sous prétexte qu’elle était sa cousine en troisième degré du côté de sa première femme Isabelle (autres disent qu’il la soupçonnait de f***********r), néanmoins ce roi, forcé par censures ecclésiastiques, quoi qu’il fût remarié d’ailleurs, la reprit et l’emmena derrière lui tout à cheval, sans le su de l’assemblée de Soissons faite pour cet effet, et trop séjournant pour en décider. Aujourd’hui aucun de nos grands n’en font de même ; mais la moindre punition qu’ils font à leurs femmes, c’est les mettre en chartre perpétuelle, au pain et à l’eau et là les faire mourir, les empoisonnent, les tuent, soit de leur main ou de la justice. Et s’ils ont tant d’envie de s’en défaire et épouser d’autres, comme cela advient souvent, que ne les répudient-ils et s’en séparent honnêtement, sans autre mal, et demandent puissance au pape d’en épouser une autre, encore que ce qui est conjoint l’homme ne le doit séparer ? Toutefois, nous en avons eu des exemples de frais, et du roi Charles VIII et de Louis XII, nos rois ; sur quoi j’ai ouï discourir un grand théologien, et c’était sur le feu roi d’Espagne Philippe, qui avait épousé sa nièce, mère du roi d’aujourd’hui et ce par dispense, qui disait : « Ou du tout il faut avouer le Pape pour lieutenant général de Dieu en terre, et absolu ou non s’il l’est, comme nous autres catholiques le devons croire, il faut du tout confesser sa puissance bien absolue et infinie sur terre et sans bornes et qu’il peut nouer et dénouer comme il lui plaît ; mais, si nous ne le tenons tel, je le quitte pour ceux qui sont en telle erreur, non pour les bons catholiques et par ainsi notre Saint Père peut remédier à ces dissolutions de mariages et à de grands inconvénients qui arrivent pour cela entre le mari et la femme, quand ils font tels mauvais ménages ». Certainement les femmes sont fort blâmables de traiter ainsi leurs maris par leur foi violée, que Dieu leur a tant recommandée ; mais pourtant, de l’autre côté, il a bien défendu le meurtre et lui est grandement odieux de quelque côté que ce soit, et jamais guère n’ai-je vu gens sanguinaires et meurtriers, même de leurs femmes, qui n’en aient payé la dette et peu de gens aimant le sang ont bien fini ; car plusieurs femmes pécheresses ont obtenu et gagné miséricorde de Dieu, comme la Madeleine. Enfin, ces pauvres femmes sont créatures plus ressemblantes à la divinité que nous autres à cause de leur beauté ; car ce qui est beau est plus approchant de Dieu qui est tout beau, que le laid qui appartient au diable. – Ce grand Alphonse, roi de Naples, disait que la beauté était une vraie signifiance de bonnes et douces mœurs, ainsi comme est la belle fleur d’un bon et beau fruit, comme de vrai, en ma vie j’ai vu force belles femmes toutes bonnes, et, bien qu’elles fissent l’amour, ne faisaient point de mal, ni autre qu’à songer à ce plaisir et y mettaient tout leur souci sans l’appliquer ailleurs. D’autres aussi en ai-je vu très mauvaises, pernicieuses, dangereuses, cruelles et fort malicieuses, nonobstant songer à l’amour et au mal tout ensemble. Sera-t-il donc dit qu’étant ainsi sujettes à l’humeur volage et ombrageuse de leurs maris, qui méritent plus de punition cent fois, envers Dieu, qu’elles soient ainsi punies ? Or de telles gens la complexion est autant fâcheuse comme est la peine d’en écrire. – J’en parle maintenant encore d’un autre, qui était un seigneur de Dalmatie, lequel, ayant tué le paillard de sa femme, la contraignit de coucher ordinairement avec son tronc mort, charogneux et puant, de telle sorte que la pauvre femme fut suffoquée de la mauvaise senteur qu’elle endura pendant plusieurs jours. – Vous avez, dans les Cent Nouvelles de la Reine de Navarre, la plus belle et triste histoire que l’on saurait voir pour ce sujet, de cette belle dame d’Allemagne que son mari contraignait à boire ordinairement dans le crâne de la tête de son ami qu’il y avait tué ; dont le seigneur Bernage, alors ambassadeur en ce pays pour le roi Charles VIII, en vit le pitoyable spectacle et en fit l’accord. – La première fois que je fus jamais en Italie, passant par Venise, il me fut fait un conte pour vrai d’un certain chevalier albanais, lequel, ayant surpris sa femme en adultère, tua l’amoureux et de dépit qu’il eut que sa femme ne s’était contentée de lui, car il était un galant cavalier, et des propres pour Vénus, jusqu’à entrer en joute dix ou douze fois pour une nuit : pour punition, il fut curieux de rechercher partout une dizaine de bons compagnons et fort ribauds qui avaient la réputation d’être bien et grandement proportionnés de leurs membres et fort adroits et chauds à l’exécution ; il les prit, les gagea et loua pour argent et les serra dans la chambre de sa femme qui était très belle et la leur abandonna, les priant tous d’y faire bien leur devoir, avec double paye s’ils s’en acquittaient bien : ils se mirent tous après elle, les uns après les autres et la menèrent de telle façon qu’ils la rendirent morte, avec un très grand contentement du mari ; à laquelle il lui reprocha, tendante à la mort, que, puisqu’elle avait tant aimé cette douce liqueur, qu’elle s’en saoulât, à mode que dit Sémiramis à Cyrus, lui mettant sa tête dans un vase plein de sang. Voilà un terrible genre de mort ! Cette pauvre dame ne fût ainsi morte si elle eût été de la robuste complexion d’une g***e qui fut au camp de César en la Gaule, sur laquelle on dit que deux légions passèrent dessus en peu de temps et en partant de là fit la gambade, ne s’en trouvant point mal. J’ai ouï parler d’une dame française de ville et demoiselle et belle : en nos guerres civiles ayant été forcée, dans une ville prise d’assaut, par une infinité de soldats et, s’en étant échappée, elle demanda à un beau-père si elle avait péché grandement, après lui avoir conté son histoire ; il lui dit que non, puisqu’elle avait ainsi été prise par force et violée sans sa volonté, mais y répugnant du tout. Elle répondit : « Dieu donc soit loué, que je m’en suis une fois en ma vie saoulée sans pécher ni offenser Dieu ! »
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