ALEPH

CHAPITRE 2

-Oui?

- T’es où ?

- Je suis chez moi, à l'appartement que j'ai loué près du port... tu te rappelles ?

- Tu n'es pas partie me chercher un paquet de cigarette ?

Elle entendait le bruit d'une déglutition à travers le téléphone.

Bruit régulier qu’elle faisait lorsqu'elle buvait une gorgée d'alcool cul sec.

Bordel, il n'était même pas encore 8 heures du matin.

- Ah oui, comment j'ai pu oublier, tu m'as abandonné et pris la fuite. T’es vraiment qu’une salle fille, aucune considération pour ma personne, dit la génitrice sur un ton plus que sec.

- Maman s'il te plait on en a déjà parlé, ma rentrée commence dans 10 minutes, je ne veux pas être en retard, pourquoi tu m'appelles ?

- Je voulais que tu m’amènes un paquet de cigarettes, mais on dirait que je vais devoir me débrouiller seule.

Elle avait raccroché.

Mei mit sa veste, des gants, une grosse écharpe et rabattit sa capuche sur sa tête, il faisait un froid glacial ce matin, elle prit la direction de son université le nez et les joues rougies par le temps hivernal.

La ville se réveillait doucement, certains magasins étaient toujours fermés, d'autres, en revanche, n'ouvriront plus jamais, faute de client.

Le temps était humide, Mei pouvait sentir des relents d'alcools, mais aussi des odeurs de sous-bois, comme des odeurs d'humus, de terre ou encore un mélange de feuilles séchées.

Mei regarda derrière elle instinctivement, sa maison était encastrée à la limite des docks et de la naissance d'une immense forêt verdoyante et dense.

Elle avait choisi cet endroit, spécifiquement.

De la cuisine elle pouvait voir le jour se lever sur le dock et un magnifique coucher de soleil, et de sa chambre elle pouvait voir la végétation s'épanouir dans la forêt aux premières lueurs du soleil.

La seule tache sur le tableau, c'était que, dès la nuit tombée, lorsque la lune apparaissait, elle ressentait une certaine couardise émanent d'elle à la vue de cette même forêt.

Étonnant comme un endroit peut être aussi changeant en fonction de l'heure et de la luminosité.

Elle remarqua une ombre à la lisière de la forêt qui semblait regarder dans sa direction, elle abaissa sa posture et fixa longuement son regard vers cette ombre, comme si en étant concentré, elle pourrait faire un zoom, mais en vain, l'ombre avait disparu.

Cela n'étonna pas plus que ça Mei, elle était nouvelle, et certaines personnes voulaient surement lui faire peur, ça devait être un gamin qui coupait à travers la forêt pour se rendre à son école.

Elle continua sa route rapidement, il faisait vraiment trop froid et elle rêvait d'une bonne tasse de café.

10 minutes plus tard elle se trouvait dans l'immense hall de l'université, chose incongrue pour le peu d'habitant mais après quelques bavardages avec Mac, son guide attitré, elle sut que les villages avoisinants n'avaient pas de structures universitaires, ainsi tous les jeunes se retrouvaient ici à portland.

- Alors, pourquoi tu as quitté LA ?

Les gens sont beaucoup trop curieux et intrusifs, ils ne connaissent pas la notion de vie privée.

- Eh bien, j'avais envie d'un peu de verdure alors j'ai atterri ici.

- Drôle d'endroit après LA! dit-il en rigolant à gorge déployée, ici on n'a pas les chaleurs ni le soleil de LA ! c'est même tout l'inverse, en tout cas n'hésite pas à m'interpeller si tu as besoin d'aide pour t'intégrer, je te laisse devant ta classe, tu as math ce matin pendant quatre heures, je reviens te chercher tout à l'heure pour t'emmener au réfectoire si tu es toujours seule.

Je lui avais adressé un signe de tête en guise de remerciement.

Quatre heures de math... dit-elle en soufflant, j'aurais mieux fait de rester au lit, il n'y a rien de plus ennuyant que ça.

Mei ouvrit la porte et fit face à une trentaine de regards rivés sur elle, et la seconde d'après d'incessants bavardages faisaient leur apparition.

Un brouhaha si fort qu'elle en eut mal à la tête presque instantanément.

Super, ça commence bien.

Mais au fond, Mei s'y attendait, une nouvelle personne dans une structure universitaire, ça fait toujours beaucoup de bruit.

Ces jeunes devaient se connaître depuis leur plus jeune enfance, alors j'allais être l'événement de la semaine, peut-être même du mois, s'il n'y avait pas d'autres rumeurs ou ragots plus intéressant entre temps.

C'était comme ça, c'était toujours comme ça, le même cycle.

Mei avait très souvent changé d'école, sa mère trouvait toujours le moyen de la changer de structure aussitôt qu'elle entendait qu'une nouvelle école avait vu le jour.

La raison ? Elle n'en savait rien, souvent il ne valait mieux ne pas en chercher, sa mère avait une logique qui lui était propre.

Les conséquences en revanche, pour Mei, était le fait qu'elle n'avait pas le temps de se faire des amis, elle était seule, toujours étiquetée comme "la nouvelle" et dès lors qu'elle réussissait à se faire un ou deux amis, elle devait changer d'école.

Autrefois, elle avait pensé qu'il s'agissait d'une punition de la part de sa mère, comme son père était parti après sa naissance, peut-être, était-ce une façon pour sa mère de se venger sur elle.

Aucune idée.

Elle prit une grande inspiration et dit :

- Bonjour je m'appelle Mei O'connell et je suis nouvelle.