Chapitre 2

3041 Words
Tout au long du chemin qui menait jusqu'à chez moi, je ne cessais de réfléchir à ce que j'avais entendu. Ça expliquerait cette sensation que j'éprouve à chaque fois. Mais c'était si fou. Quand j'y repensais, le vieux propriétaire avait l'air heureux de se débarrasser de la maison tout en faisant une bonne affaire. À l'époque je ne m'étais posée aucune question, me contentant de signer les papiers de la vente après lecture. Lorsque je refermai la porte de la maison derrière moi, je frisonnai. Tout était calme et même trop silencieux. Je regardai un peu partout comme si un esprit allait surgir de nulle part et sauter sur moi pour me v****r. Cette idée était si saugrenue que je ne pus m'empêcher de rire en me moquant de ma propre bêtise. Non, tout cela avait été inventé par Lucianna. Une voyante de pacotille, une menteuse, voilà ce qu'était cette bohémienne. Je venais de perdre dix maudits dollars dans cette futilité. Ça aurait pu m'aider à payer les factures. Au lieu de ça, je les avais jeté dans une histoire de prédication et je m'étais stupidement faite escroquée. Qu'est-ce-que je pouvais être conne parfois. Après une bonne douche chaude pour me remettre les idées en place, je séchai mes longs cheveux noirs m'arrivant à la taille et m'habillai d'une nuisette blanche. Après avoir préparé un thé à la camomille, je m'installai devant la cheminée pour coudre. Des verres médicaux placés devant les yeux, je m'étais mise à la tâche. Je devais terminer une robe pour la femme du maire Mills. Elle comptait la porter la semaine prochaine lors d'un événement organisé dans une ville voisine et à laquelle elle et son mari avaient été invités. Deux heures de temps plus tard, je coupai enfin le dernier fil du vêtement en satin. Satisfaite du résultat, je tendis le bras pour saisir ma tasse. J'avalais les dernières gorgées de mon liquide à présent tiède. Je le reposai ensuite et enlevai mes lunettes. Alors que de fatigue je me frottais paresseusement les yeux, la bretelle de ma nuisette en soie glissa le long de mon épaule en révélant mon sein plantureux. Ce sont des choses qui peuvent arriver me direz-vous. Sauf que cette fois-ci, on aurait dit que quelqu'un l'avait intensionnellement fait. J'avais senti une caresse légère sur ma peau. Et ça, c'était tout sauf normal. Je me relevais précipitamment en bousculant ma chaise. Certains outils de travail tombèrent au sol sans que je m'en préoccupe. Je marchai à reculons en sillonnant la pièce du regard. Seules les flammes de la cheminée l'éclairaient. Je pris peur en voyant une ombre contre le mur. Il me fallut quelques secondes pour m'apercevoir qu'il ne s'agissait que du reflet d'une pile de vêtements accrochés au portemanteau. Que m'arrivait-il ? J'agrippai vivement la bretelle en la remplaçant correctement et en cachant mon sein à découvert. Je me supris à repenser à ce toucher aérien. Étrangement j'avais aimé ça. J'avais ressenti un élan de désir à travers ce sentiment de peur qui m'avait tétanisée et ébranlée. Je me suis dégoûtée et me suis giflée mentalement pour retrouver ne serait-ce qu'un peu de bon sens. Etais-je donc devenue tarée ? Sûrement. Exténuée, je décidai d'aller dormir. Pourtant cette nuit là, je ne trouvais pas le sommeil. J'avais peur dans ma propre maison. Qu'est-ce-que je raconte ? Cette maison n'était pas la mienne mais celle d'un homme qui serait décédé et dont l'âme n'aurait pas encore trouvé le repos éternel. Pire, il se serait entiché de moi. Quel histoire. Je n'y croyais toujours pas trop alors je décidai d'aller voir le vieux qui me l'avait refilé afin d'avoir le cœur net. Et si tout cela s'avérait vrai, pourrais-je me résoudre à partir et à m'installer ailleurs ? Pourrai-je tout recommencer à zéro alors que je venais à peine de réorganiser ma vie ? me demandais-je sans cesse. Dès le lendemain, je me rendis chez Monsieur Gallagher avec des questions plein la tête. Il allait m'entendre celui-là. Son vieux pick-up était garé devant la propriété, signe qu'il devait sûrement être chez lui. Après avoir tambouriné sa porte comme une possédée et ce pendant une bonne dizaine de minutes, le vieil ivrogne qu'il était finit par m'ouvrir en papillonnant des cils car la lumière du jour l'aveuglait. _ Monsieur Gallagher, il faut que je vous parle. C'est à propos de la maison. _ Hmph...? _ Vous vous rappelez au moins de moi ? Je suis Kyla Cunningham, tentai-je alors qu'il me regardait sans vraiment me voir. Vous m'avez vendu le cottage se trouvant au bord du petit lac. _ Mmh... _ Il y a des choses étranges qui s'y déroulent. Je ne comprends plus rien ! _ ... _ Mais répondez-moi merde ! Cet homme commençait à m'énerver. On aurait dit qu'il s'en foutait ou presque de ma situation. Il avait eu son argent, il avait bu avec. _ Monsieur, j'ai vraiment besoin de réponses, je suis à bout ! dis-je les larmes aux yeux. Ma détresse sembla le sortir de sa torpeur de soulard et il ouvrit la bouche pour parler. Son horrible haleine parvint jusqu'à moi mais je fis abstraction de ça. Il parut avoir subitement dessoûlé et c'était le plus important. Au moins j'allais avoir des réponses claires. _ Entrez. Il s'écarta et je pus enfin quitter le pas de la porte. La vieille maison puait le renfermé et il faisait sombre. En titubant, il alla ouvrir quelques fenêtres. À travers la lumière qui éclaira de lieu, je distinguai des particules de poussière. Il m'invita à m'asseoir et je m'installai sur un siège en bois tandis qu'il se laissait tomber sur son fauteuil défraîchi et usé par des années d'utilisation. Il posa lourdement son pied de boiteux sur un guéridon servant de table basse. _ Monsieur Galla- _ Appelez-moi Abraham. _ Très bien Abraham. Comme je viens de vous le dire, quelque chose cloche avec la maison que je vous ai achetée. Vous allez peut-être me prendre pour une folle mais j'ai l'impression de ne pas être là seule à y vivre. Pendant près d'une minute, j'attendis une réponse qui ne vint pas. Le vieil homme fuyait mon regard. Il savait quelque chose que j'ignorais, compris-je. _ Vous savez quelque chose à propos de cette histoire n'est-ce-pas ? _ Il s'est donc remis à manifester sa présence. _ Quoi ? Avant de me répondre, il se leva pour aller ouvrir un tiroir. Il en sortit une album photo assez volumineux et marcha jusqu'à moi. _ Cette demeure appartement à mon neveu, Chase McKay. Il déposa lourdement l'album photo sous mes yeux et me fis signe de l'ouvrir. Je me mis à le feuilleter. Les premières pages montraient des photos de famille et principalement ceux d'un bébé. Je reconnus Abraham plus jeune sur un des clichés. Il tenait un petit garçon brun d'environ deux ans dans les bras. Au fur et à mesure que je défilais les pages, l'enfant grandissait. Il finit par laisser place à un beau jeune homme musclé et au cheveux mi-longs. Quelques mèches lui tombaient devant les yeux. Son visage était d'une beauté ténébreuse et envoûtante. Il possédait des yeux verts uniques. Cet homme était purement magnifique. Sans comprendre pourquoi, j'étais troublée. J'avais peur de saisir ce qui se passait et les révélations de Abraham confirmèrent mes craintes. _ Chase est décédé dans un accident de voiture il y a un peu plus de deux ans. Il vivait seul dans la maison qui est désormais la vôtre. Visiblement son esprit refuse de trouver le repos. _ Vous voulez dire qu'il hante cette maison ? _ Oui et vous l'avez vous aussi compris il me semble. J'avalai péniblement ma salive tellement j'eus de plus en plus froid dans le dos. Une question me brûla soudainement les lèvres. _ Où s'est produit l'accident ? _ Juste à quelques mètres de là. Il venait à peine de sortir de chez lui et de grimper dans sa voiture lorsqu'il fut fauché par la voiture d'un homme ivre qui allait à contre sens. Chase est mort sur le coup avant même que l'ambulance n'arrive. _ Mon Dieu..., m'étais-je étranglée de stupeur. Cest horrible. _ Effectivement. Tout en disant cela Abraham posa le front contre le bois de la table qui nous séparait. L'effet de l'alcool ne s'étant pas totalement dissipée, il était sans doute encore fatigué. Je regardai une nouvelle fois la photo du fameux Chase McKay. Il était si beau et semblait avoir l'avenir devant lui, quel gâchis. Profitant que le vieil homme ait la tête baissée, je volai la photographie et la glissai dans la poche de mon haut. C'en était moins une car il releva le visage vers moi la seconde d'après. _ Je ne comprends toujours pas ce que j'ai à voir dans cette histoire. Ce n'est pas comme si j'étais liée à ce accident. Pourquoi me torture-t-il de sa présence ? _ Les agissements des âmes des défunts peuvent parfois être incompréhensibles. Peut-être est-ce le fait de voir quelqu'un d'autre habiter une maison qui a toujours été là sienne qui l'irrite un peu. Il finira par s'y faire. "Il finira par s'y faire" ?! répétai-je en silence. Ce vieil homme ne se foutait-il pas de ma gueule par hasard ? Il croiyait quoi ? Que j'allais attendre sagement que ce satané fantôme se calme un beau matin ? Et qu'est-ce-qui me garantissait qu'il va se calmer un jour ? Abraham était entrain de poursuivre sans tenir compte de mon air abattu. – Je me souviens que pendant plusieurs années, Janine ma femme a hanté les murs de cette maison. Je regardai autour de moi et frisonne. _ Oh ne vous en faites pas, elle a rejoint l'autre monde à présent. Et puis elle n'était pas bien méchante. Quant-à ce qui concerne la maison de Chase, je pense que vous n'avez rien à craindre. De son vivant, c'était un homme froid mais honnête et droit. Ce n'est très certainement pas la mort qui le rendra rustre au delà de la limite. _ Vous saviez tout ça et vous me l'avez quand-même vendue, l'accusé-je en le pointant du doigt. _ Vous êtes la première personne à y habiter depuis sa mort. Il se manifestait à moi en de rares occasions, mais à un moment donné j'ai cru qu'il était parti pour de bon car il avait cessé de le faire. J'ignorais que c'était le calme avant la tempête. Je vous ai vendu la maison sans savoir que cela aurait des répercussions aussi néfastes sur vous. _ Eh bien c'est le cas. Je vous la retourne, je veux mon argent. Je veux quitter cet endroit. _ Un contrat est un contrat Mademoiselle Cunningham. _ Pas quand il y a un tromperie sur la chose vendue. _ Vous vouliez un toit, je vous l'ai trouvé. _ Je ne voulais pas d'une maison à problème ! _ De toute façon j'ai déjà dépensé l'argent alors je ne pourrai rien vous retourner. _ Vous êtes sérieux là ? Il alla ranger l'album et se servit un verre en m'en proposant un. Je décliné l'offre en l'insultant mentalement. Il avait bouffé tout l'argent, certainement dans de l'alcool et des jeux. Maintenant j'allais devoir faire face à la situation toute seule, du moins le temps de réunir assez d'argent pour aller m'installer ailleurs. Si seulement à New-York je ne dilapidait pas mes salaires, je n'aurai pas eu ce petit soucis d'argent aujourd'hui. Je me levai rageusement et quittai la maison de Abraham. J'étais venue chercher des réponses, j'en ai eu mais elles n'étaient pas si satisfaisantes que ça. Je suis repartie le cœur plus lourd qu'il ne l'était déjà. Ma vie avait pris une tournure inimaginable et je ne m'attendais pas à vivre tout ça. Le pire était que je n'étais qu'au début de mes peines. En arrivant près de chez moi, je m'arrêtai à l'endroit où l'accident avait dû se produire. J'imaginai la scène. Un frisson me parcourut l'échine et me glaça le sang. Une fois à l'intérieur, je fus à nouveau confrontée au silence pesant. Prise de colère d'être la cible de ce Chase décédé, je criai: _ Je sais que vous êtes là... Manifestez-vous. Rien. Que du silence. p****n, serai-je vraiment entrain de parler dans le vide ? Encore heureuse que j'étais seule sinon on m'aurait embarquée direction l'asile psychiatrique. Je me faisais pitié. Soit j'étais réellement zinzin, soit ce fantôme me narguait. Qui sait ? Peut-être qu'il se moquait actuellement de moi. _ Vous allez me foutre la paix c'est clair ? Je ne plaisante pas. Si vous ne me laissez pas tranquille, je vous jure que je vais... ARGH! J'avais sursauté pour ensuite lâcher un cri d'effroi en sentant comme un courant d'air sur la peau de ma nuque, comme si quelqu'un avait soufflé dessus tendrement. Je courus comme un timbrée pour aller m'enfermer à double tour dans la chambre à coucher. Comme si cela allait me protéger. Il aurait d'ailleurs facilement pu y entrer. Je n'avais plus aucun doute, plus aucun. J'avais bel et bien affaire à un esprit, celui de Chase McKay. Je sortis sa photo de ma poche et l'admirai. La même sensation délicieuse embrasa mes reins sans que je ne puisse la contrôler. Épuisée par tout ça, je fondis pitoyablement la larme. La photo tomba au sol. Ça faisait longtemps que je n'avais pas pleuré comme ça. Pourquoi il me faisait ça ? Pourquoi moi ? Voulait-il que je quitte la maison ? D'après Lucianna, il me voulait moi. Mais rien n'était sûr et je refuse d'y croire que ce fantôme voulait me b****r. Comment ce Chase peut-il me désirer alors qu'on ne se connait même pas. Il devrait plutôt penser à quitter ce bas monde une bonne fois pour toute et me foutre la paix. Coucher avec un revenant. Et puis quoi encore ? C'était tout simplement inconcevable. Et pourtant à cette idée, mon intimité se tordit. Je m'étais maudie pour ça. Bien décidée à avoir des réponses, je me rendis le jour même dans un magasin de trouvant dans la ville voisine la plus proche pour acheter une planche Ouija. J'avais entendu parler de gens qui avaient tenté cette expérience. On n'en ressortait rarement comme on y était entré, c'est-à-dire "intact". C'était dangereux mais je voulais quand-même m'y risquer. Pour ne pas faire jaser West-Sosa, je me suis donc éloignée pour faire mes achats secrets. Je rentrai vers le soir après de longues heures de route. J'avais également acheté un petit livret contenant des prières. D'après le vendeur, ces dernières permettraient de chasser les mauvais esprits. Mais Chase était-il vraiment un spectre malveillant ? Il ne m'avait pas encore fait de mal. Quoi qu'il en soit, il vallait mieux prévenir que guérir. D'après Lucianna il risquait de devenir ingérable si je ne lui donnais pas ce qu'il désirait, c'est-à-dire moi. Le soir même, après un dîner dégusté du bout des lèvres, j'allumai des bougies et éteignis les autres lumières. Il était vingt-trois heures dépassées mais ça ne m'arrêta pas. Si je ne l'avais pas fait cette nuit là, je me serais dégonflée éternellement par la suite. En plus c'était le seul moment où je pouvais avoir la certitude de ne pas être dérangée en pleine séance. Je sortis la planche de sa boîte ainsi que la goutte qui allait avec. Elles avaient un aspect boisé et neuf, signe que personne ne les avait encore utilisées et c'était tant mieux. Au moins elles n'avaient pas servi à appeler un quelconque mauvais spectre qui aurait pu surgir à la place de ce Chase. Le vendeur m'avait donné les consignes nécessaire et je m'étais documentée brièvement sur le sujet. J'avais donc éteints tous les appareils électriques émettant des ondes y compris mon téléphone portable. Il m'avait également conseillé de faire la séance avec une ou deux autres personnes. Ce n'était pas du tout intelligent de ma part de le faire seule, surtout en considérant le fait que j'étais une novice. Mais même si j'avais pensé à Lucianna pour m'assister, je n'avais pas spécialement envie d'embarquer d'autres personnes dans cette histoire glauque. Qui savait ce qui pouvait se passer si ça tournait mal. J'avais choisi le salon pour faire ma petite expérience. Dans ma chambre, c'était hors de question. Je n'aurai plus jamais eu le courage d'y dormir. Je vous mentirais si je vous disais ne pas avoir eu peur. J'avais une sacrée trouille. Pendant que je préparais le matériel, mon cœur battait à cent à l'heure. Je savais qu'il était présent et qu'il m'observait. Je devais néanmoins le faire car c'était le seul moyen pour communiquer intelligemment avec lui... À condition bien-sûr qu'il soit disposé à discuter. Après avoir écarté les sièges ainsi que la table basse afin d'avoir de l'espace au centre du salon, je m'étais alors installée à même le sol du parquet recouvert d'un doux tapis. Je plaçai la planche par terre devant moi et l'examinai avec attention. Les lettres de l'alphabet latin y étaient inscrites ainsi que les mentions «oui» et «non», dix chiffres. Il y avait également un "bonjour" et "au-revoir". Le principe était simple : je devais placer la main sur la goutte préalablement posée sur la planche. Ensuite je pouvais poser des questions à l'esprit. La goutte se déplacerait alors sur des lettres, formant ainsi des réponses. La réponse pouvait également être un simple «oui» ou un «non». Après avoir essayé de retrouver un semblant de calme, j'ouvris le livret et récitai une prière spécialement conçue pour des séances de spiritisme de ce genre. Elle était destiné à me protéger car j'aurais pu malencontreusement invoquer un esprit malveillant du bas astral. Plongée dans une obscurité uniquement éclairée par la lumière des bougies, je prie finalement la goutte en forme de cœur. Il y avait un trou au centre de l'objet fait du même bois que la planche rectangulaire et son extrémité était pointue. J'espérais ne pas entrer en contact avec une entité démoniaque. C'est avec Chase que je voulais parler. Le plus dur aurait été de garder mon calme dans le cas où je me serai rendue compte de la présence d'un esprit étranger. Quoi qu'il en soit, j'étais prête à faire rencontrer et à discuter spirituellement avec Chase McKay.
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