Chapitre 6

2228 Words
Assise sur le rebord de la baignoire, je retirais les débris coupants de mes plaies en serrant la mâchoire. C'était si douloureux que j'en avais les larmes aux yeux. J'examinai attentivement les dégâts. J'allais devoir me passer de tenues courtes durant quelques semaines. C'était visuellement désastreux et j'avais affreusement mal. Mon dos et ma poitrine me faisaient également souffrir. Après m'être assurée qu'aucun bout verre ne restait prisonnier de ma chair, je me laissai glisser dans l'eau qui se mêla à mon sang. Durant plusieurs minutes je restais ainsi dans cette position à attendre... À attendre quoi au juste ? Qu'il m'attaque à nouveau ? Mes larmes chutèrent le long de mes joues se mêlèrent à l'eau. Je fixais intensément mes pieds à travers le liquide légèrement trouble. Pourquoi est-ce-que je restais quand-même ici malgré le danger ? J'étais peut-être atteinte d'une sorte de syndrome de Stockholm. Il fallait avoir la boîte crânienne vide pour être aussi bornée que je l'étais. Au lieu de prendre mes jambes à mon cou dès cette nuit même, j'étais encore là entrain de me soigner en pensant à lui. Et demain ? Qu'allait-il se passer demain ? Allais-je mourir ? De quelle façon allait-il prendre un malin plaisir à me tuer ? Après m'être enveloppée dans un court peignoir blanc, je sortis des produits désinfectants de mon armoire à pharmacie et m'assis à même le sol de la salle de bain pour désinfecter les traces encore rougeâtres. La douleur avait étrangement disparu à force de m'avoir broyé les jambes. L'alcool ne me piqua pas tant que ça. Et pour cause, la douleur émotionnelle et le traumatisme étaient plus forts que n'importe quelle sensation de brûlure sur ma peau. Une fois fini, je rangeai tout et dicidai d'aller me poser dehors. Je me fichais complètement de devoir subir à nouveau l'attaque de Chase. Avec toujours mon peignoir pour seul vêtement, je traversai la terrasse de la maison et je marchai jusqu'au petit pont en bois dont la limite s'arrêtait dans l'eau du lac. J'y plongeai mes pieds tout en fixant l'horizon. L'autre côté n'était végétation, champs, et collines s'étendant à perte de vue. Cette beauté me laissa insensible. Et pour cause, dans ma tête je rembobinais sans cesse l'horreur indescriptible que je venais de vivre. Les battements de mon cœur me paraissaient toujours anormals, preuve que le choc n'était pas encore passé. D'ailleurs, finira-t-il par passer ? J'en doutais fortement. M'avait-il vraiment fait subir cette expérience traumatisante ? Mes plaies étaient là pour me fournir la réponse à ma question. Leur vue me répugnait autant que le souvenir de ses doigts en moi. Qu'allais-je faire à présent ? Il me fallait un plan bien élaboré. Ma vie et ma santé mentale en dépendaient. D'abord je devais retrouver mon crucifix. Ensuite il fallait que j'aille trouver Lucianna pour voir si elle pouvait m'aider à combattre Chase. Mais pouvait-on vraiment combattre un fantôme ? Tout ce que je voulais, c'était qu'il disparaisse de ma vie. Était-ce trop demander ? Je voulais juste retrouver la tranquillité et la paix que j'avais perdu en foulant le sol de cette maison dès le premier jour sans savoir ce qui m'attendait et qui était Chase McKay. Je le haïssais. Finalement, la fatigue eut raison de moi et je m'endormis sur le petit pont. Lorsque je me réveillai quelques heures plus tard, le soleil n'était toujours pas levé. Mes yeux rencontrèrent la boule blanche qu'était la lune. Il devait être à peine quatre heures du matin et j'étais couchée sur le dos, mes pieds étant restés dans l'eau rafraîchie. C'était d'ailleurs la sensation désagréable du froid pénétrant dans mes orteils qui m'avait arrachée à mon sommeil tourmenté de cauchemars. Je les ôtai de là et me redressai en me frottant le front. Une fois de plus, ce qui s'était produit la veille traversa mon esprit embrumé. Je me rappelai de la rage que j'avais à l'encontre de Chase et elle n'était pas dissipée. Poussée par la colère, je partis enfiler un survêtement noir à capuche et un jean. Il était à peine quatre heures du matin lorsque je quittai la maison pour prendre la direction du cimetière de West-Sosa. La ville était encore endormie et seule les lampadaires éclairaient ma route. J'arrivai au bout d'une heure de minutes de marche. Devant l'entrée une pancarte désignait qu'il s'agissait du cimetière de la ville. Une autre - qui était dans un fort mauvais état - tentait avec un message intimidant de dissuader les visiteurs impudents d'entrer. Pas de gardien en vue. Je poussai alors la vieille et haute grille en fer forgé qui grinça sinistrement. L'endroit était un peu effrayant mais ça ne m'arrêta pas. Je foulai le sol du boulevard des allongés et me mis en quête de la tombe de Chase. Il faisait sombre alors je dû me servir d'une lampe torche que j'avais emportée avec moi. Il me fallut une quinzaine de minutes pour la trouver. Et vu le nombre de tombes, j'aurai pu y passer des siècles. La tombe de Chase était parfaitement entretenue. La pierre tombale surmontée d'une croix portait l'inscription de sa date de naissance et celle de son décès. Une photo de lui s'y trouvait. Aveuglée par la rage, je m'étais alors mise à lui lancer des insultes et à lui hurler dessus comme si c'était lui qui se tenait là. J'exprimai toute ma haine en me défoulant comme une folle. Je pris une poignée de terre et la balançai sur sa photo. _ VA EN ENFER ESPÈCE DE DÉMON ! FILS DE p**e, avais-je craché sur lui. _ HEY ! QUI ÊTES-VOUS ET QUE FAITES-VOUS LÀ ? Je sursautai en entendant la voix de celui qui devait sûrement être le gardien. Il était à plusieurs mètres de ma droite et n'avait pas pu bien discerner mes traits à cause de l'obscurité. Néanmoins je remis rapidement la capuche de son sweet noir sur ma tête et éteignis ma lampe torche. Je pris ensuite la fuite avant que la lumière émise par la sienne qu'il venait d'allumer ne rencontre mon visage. L'homme me criait de m'arrêter comme si j'étais assez stupide pour m'exécuter. Par chance, il n'avait pas de chien et il était trop vieux pour me poursuivre. Je courus comme une tarée et ne m'arrêtai qu'en voyant ma maison se dessiner au loin. Épuisée, je claquai la porte avant de m'y adosser le cœur battant. Si cet homme m'avait reconnue, ma réputation aurait été ternie à jamais, toute la ville m'aurait traitée de profanatrice de tombe. Je me rendis alors compte de la stupidité de mon acte. Sous l'effet de l'impulsion, j'avais perdu le contrôle de moi même. Je me mis à sangloter contre ma porte d'entrée, cette même porte contre laquelle j'avais failli perdre la vie quelques heures plus tôt. Une fois de plus je fus furieuse. Je n'en pouvais tout simplement plus de cette situation étrange. J'essayai mes larmes et regardai le plafond en soufflant pour me redonner contenance. Mon instinct me soufflait qu'il était dans la pièce et qu'il me regardait comme à son habitude. Je lui demandai avec un voix colérique s'il était fier de lui, si ça l'amusait de me rendre barge. Je lui avais hurler des insultes comme tout à l'heure dans le cimetière. Après des minutes passées à exprimer ma rage dans le vide, je finis par me calmer avec une respiration saccadée à l'appui. Peut-être que la solution n'était pas de s'emporter. Peut-être que je devrais l'amadouer pour l'attendrir et quand il s'y attendra le moins, j'attaquerai en le poignardant dans le dos. Tel fut mon intention alors je me mis à parler doucement. _ Écoutez, il est vrai que je suis sur votre territoire mais n'empêche qu'on pourrait cohabiter dans la paix sans que vous ne cherchiez à me tuer ou à me v****r non ? Je mènerai ma vie tranquillement de mon côté sans vous gêner. Et vous, vous ferez ce qu'il vous plaira mais sans me jouer vos petits tours de fantôme. On est bien d'accord ?... Ce que je disais était clairement stupide, surtout que j'avais connaissance de ses cruelles et sadiques intentions. Mais il fallait bien le caresser dans le sens des poils. Une fois de plus le silence acceuillie ma proposition et fut la seule réponse que j'obtiens. Ça eut le dont de m'énerver. Il allait me rendre folle. J'en avais marre qu'il me fasse passer pour la folle de l'histoire. C'est moi qui était poursuivie par un diablotin et si cette histoire venait à être entendue, je risquais de finir entre quatre murs blancs. _ On est bien d'accord ? j'avais répété entre mes dents serrées. _ ... _ ESPÈCE DE CONNARD, FAITES-MOI UN SIGNE MERDE ! Chase répondit enfin mais de façon brutal. Un verre se trouvant sur l'îlot fut projeté dans la cheminée éteinte. Je voulais un signe, je l'avais eu. Mais ça m'avait encore plus effrayée. J'avais oublié qu'il pouvait me ratatiner d'une seule main. En courant, je partie me réfugier dans ma chambre comme à mon habitude. C'était toujours ainsi. Au départ j'étais fière comme une guerrière et dès qu'il se montrait v*****t, je devenais une petite souris avec laquelle il jouait. Lorsque le jour se leva enfin, je décidai d'aller m'entretenir avec la voyante car j'en avais plus qu'assez. Il était grand temps que ça finisse. J'estimais que Chase m'avait assez pourri la vie comme ça. Après m'être habillée d'un vieux jean et d'une chemise à carreaux rouges et noirs sous lequel je portais un haut moulant à fines bretelles, je mis des tennis et me rendis dans la salle de bain. Mes yeux tombèrent sur l'image que me renvoyait le miroir. J'avais une mine épouvantable comme si je n'avais pas dormi depuis des jours. Mes cernes cadavériques, mon teint blafard et ma maigreur soudaine m'alarmèrent. Il fallait vraiment que je me reprenne en main. Et ça ne pouvait être possible qu'après le départ définitif de Chase. Ma gorge portait les affreuses traces de sa main. On était en été et je ne pouvais pas cacher cette monstruosité sous un pull à col montant. Je la camouflai donc avec une couche de fond de teint sans prendre la peine d'en mettre sur mon visage. À quoi bon se maquiller ? Ça n'allait pas me guérir du mal dont je souffrais et je m'en fichais de ce que penseraient les autres en voyant la tête de déterrée. Je me rendis par la suite sur le lieux où s'était tenue la fête foraine. Vu l'heure matinale, le parc était vide de monde et je n'eus aucun mal à retrouver l'emplacement que je cherchais. La tente avait été démontée mais la caravane était toujours là. La femme d'âge mûr était assise sur les marches de celle-ci avec en main ce qui me sembla être une tasse de café. En me voyant arriver, elle m'offrit un sourire chaleureux que je ne lui rendis pas. L'heure n'était pas à la courtoisie. _ Bonjour. Je suis ravie de te revoir aussi vite Kyla. _ J'ai besoin de votre aide, l'avais-je agressée. Je veux me débarrasser de lui immédiatement. _ Chaque chose en son temps ma jolie. Un café ? _ Non. Dites-moi juste comment- _ Et si tu te calmais ? _ Me calmer ? Vous me demandez de me calmer ? Il a failli me tuer pas plus tard qu'hier. Alors non, je ne vais pas me calmer. Vous m'entendez ? j'avais presque hurlé. _ Moins fort ! Ne vois-tu pas que je ne suis pas encore complètement réveillée ? J'ai passé une mauvaise nuit alors vas-y mollo quand tu cries, elle rouspéta à mon encontre tout en déposant sa tasse à même le sol. Je fus obligée de réfréner mon excitation colérique devant son ton réprobateur. J'avais l'impression d'être une petite fille grondée par sa mère. Mais je doutais que sa nuit ait été plus catastrophique que la mienne et je le lui dis en ajoutant que mes problèmes méritaient d'être urgemment résolus. _ Ah la jeunesse, toujours aussi impatiente et capricieuse. Viens avec moi. Elle se leva et m'invita à entrer dans le camping-car qui lui servait de maison. L'intérieur était moins colorée que l'extérieur mais toujours dans un style bohème. Il y avait un kitchenette, un coin salon avec un vieux poste téléviseur, une porte scellant ce qui me parut être la salle de bain et au fond une cabine servant sûrement de chambre à coucher. Je fus étonnée de voir que malgré les tas de babioles décoratives, l'intérieur semblait très spacieux par rapport à la taille qu'avait la caravane lorsqu'on l'admirait de l'extérieur. C'était plus grand que je ne l'aurais cru. Pendant un court instant, je m'étais mise à rêvasser à propos de ce qu'on éprouverait en voyageant avec une telle maison sur pneus. Aucun attache, juste du voyage et des découvertes d'autres horizons. C'est peut-être ce que j'aurai dû faire au lieu de venir m'installer dans cette ville problématique. Lucianna pris place sur un petit fauteuil rempli de coussins colorés et croisa les jambes malgré l'espace restreint. _ Comment tuer Chase McKay ? _ Assois-toi. _ Non merci. Répondez juste à ma question. _ Kyla assois-toi, elle répéta calmement mais avec une fermeté qui me contraignit à m'exécuter. Je pris place sur la chaise qu'elle me désignait des yeux. _ Comment puis-je tuer Chase ?
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