XIV
Un mauvais mariageDeux époux cosaques avaient un fils appelé Gritzko ; tandis qu’il gardait les brebis dans la steppe, son père et sa mère s’entretenaient à son sujet : « Vieille, il faut que nous mariions Gritzko. – Soit, marions-le. » Les parents firent chercher leur fils. « Bonjour, panotché, dit à ce dernier le domestique envoyé vers lui, ton père te demande. » Arrivé à la maison, le jeune homme y trouva les deux vieillards, qui l’accueillirent par les mots : « Bonjour, fils, comment vas-tu ? – Grâce à Dieu, je ne vais pas trop mal, papa et maman ; mais pourquoi donc m’avez-vous fait appeler ? – Vois-tu, reprit le père, ta mère et moi nous sommes vieux ; eh bien ! il faut que nous te mariions. – Je ne veux pas ! Je m’en irai dans la steppe. – Attends, n’aie pas peur ; nous consulterons de braves gens, nous verrons ce qu’ils disent. – Alors, c’est bien ». Les braves gens conseillèrent aux parents de donner à leur fils six sacs de grain et de l’envoyer au marché. « Recommandez-lui, dirent-ils, de ne les vendre ni aux Juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles femmes ; qu’il les cède seulement aux jeunes filles et qu’il réclame une passade pour le prix d’un sac. »
Revenu chez lui, le vieux Cosaque dit à son fils : « Gritzko, prends deux bœufs, attelle-les à la charrette et conduis six sacs de blé au marché ; seulement ne les vends ni aux Juifs, ni aux marchands, ni aux vieilles femmes ; vends-les aux jeunes filles. » Le gars attela les bœufs, mit les sacs de blé dans la charrette et se rendit à la ville. En approchant du marché, il rencontra un Juif qui lui dit : « Bonjour, panotché, qu’est-ce que tu as à vendre ? – Rien du tout, Juif ! » Le jeune homme fut ensuite accosté par un marchand : « Qu’est-ce que vous vendez, panotché ? – Rien du tout. » Puis une jeune fille vint à passer et lui adressa la même question : « Qu’est-ce que vous vendez ? – Du blé, répondit-il. – Combien en avez-vous ? – Six sacs. – Et qu’est-ce que vous demandez pour cela ? – Une passade ! – Vous ne pouvez pas prendre moins ? » interrogea la jeune fille, surprise d’une telle exigence. – Non, c’est le dernier prix : si vous m’accordez une passade, je vous donnerai mon blé. – Conduis tes sacs chez moi. » Ils se mirent en route. Quand on fut arrivé devant la porte de la maison, Gritzko demanda où il fallait déposer les sacs. La fille indiqua un endroit, entra chez elle, prépara une collation, puis appela le jeune homme : « Viens ici, panotché ! » Il se rendit auprès d’elle. « Eh bien ! panotché, fais de moi ce que tu veux ! » Gritzko profita aussitôt de la permission et, quand sa passion fut satisfaite, il remercia la jeune fille de sa complaisance. Elle alors de répondre : « Remercie le Dieu saint ! »
Lorsque le gars arriva chez lui, ses parents lui demandèrent : « As-tu vendu le blé, fils ? – Je l’ai vendu. – À quel prix ? – Pour une passade. – As-tu trouvé cela bon, fils ? – C’est meilleur que je ne saurais le dire. – Eh bien ! fils, marie-toi, et tu auras ce plaisir-là avec ta femme. – S’il en est ainsi, je suis prêt à me marier. – Allons, vieille, dit le père, Dieu soit loué ! notre Gritzko consent à se marier. » Les deux époux envoyèrent une marieuse chez un riche paysan. « Que Dieu vous assiste ! commença cette femme en entrant dans l’izba. – Bonjour, grand-mère ! Qu’est-ce que tu nous diras de bon ? – J’ai un acheteur pour votre marchandise. » Séance tenante, la marieuse obtint pour Gritzko la main de Gapka, la fille du moujik. On fit choix d’un garçon d’honneur, on invita des amis, on alla à l’église, le mariage fut célébré et le reste de la journée se passa à banqueter. Ensuite les époux furent conduits à la chambre nuptiale. « Attention, Gritzko ! dit alors le garçon d’honneur au nouveau marié, sais-tu où on f. . t ? – Comment ne le saurais-je pas ? – Eh bien ! où est-ce ? – C’est sur le lit. – Mais non, tu plaisantes, c’est où il y a des poils. – Bien ! » On laissa les mariés seuls ensemble et on retourna achever la fête. Quand il fut couché de quelque temps avec Gapka, Gritzko eut envie de f…re. Il se mit à tâter sur les meubles, sur les rayons, mais il n’y trouva pas ce qu’il cherchait. Dans cette chambre il y avait un sochet au haut duquel était accrochée une brosse. Ayant aperçu cet objet, Gritzko grimpa sur le sochet, allongea le bras, commença à tâter : « Non, se dit-il, il n’y a là rien à f…re. » Mais il n’osa pas descendre du sochet. Le garçon d’honneur arriva pour faire lever les époux. « Bonjour, jeune Gritzko, fait-il en cognant à la porte. – Bonjour, répondit l’interpellé, toujours huché sur le sochet. – Eh bien ! Gritzko, as-tu trouvé les poils ? – Oui. – Et tu es monté ? – Oui, mais le diable, c’est que je suis encore là. – Laisse-toi tomber sur le côté. » Le jeune homme suivit ce conseil et, en tombant, se fit à la tête une plaie saignante. « Eh bien ! reprit le garçon d’honneur, tu t’es laissé tomber ? – Oui. – Est-ce que cela a saigné ? – Pour sûr ! Ouvrez donc la porte ! » Dès qu’on l’eut ouverte, Gritzko sortit précipitamment de la maison et courut vers la steppe où paissaient ses brebis. Comme il passait devant la cour du pope, des chiens s’élancèrent tout à coup sur lui. Le jeune homme se sauva et chercha un refuge dans l’église, qu’il trouva remplie de monde (c’était un dimanche). « Que de gens ces chiens ont forcés à se réfugier ici, pensa Gritzko, surpris de rencontrer là une telle foule. Ils parlent à voix basse, ils saluent, qu’est-ce que cela signifie ? » Ensuite, il aperçut le pope vêtu d’une chasuble dorée ; l’ecclésiastique s’avançait en saluant toujours, accompagné d’un nombreux cortège ; il s’approchait de Gritzko. « Qu’est-ce que c’est ? fit à part lui ce dernier, il jette du feu sur les gens ! » Voyant enfin le pope tout près de lui, Gritzko lui dit : « Doucement, batko, ne me brûle pas les yeux. » Le pope ne parut pas avoir entendu ces paroles. Alors le jeune homme le repoussa si vivement que l’ecclésiastique tomba par terre, mais aussitôt cinquante individus assaillirent l’imbécile. Il parvint à se dégager de leurs mains et s’enfuit dans la steppe, fort étonné d’avoir eu à se défendre contre des gens qui tout à l’heure lui prodiguaient les saluts.
Cependant Gapka, sans son petit homme, s’ennuie et pleure. On lui conseille d’aller retrouver Gritzko dans la steppe, où il garde son troupeau à côté d’un étang : « Tu lui demanderas : Peut-on se baigner là, mon petit homme ? Il te répondra : Pourquoi pas ? On le peut très bien. » Tu répliqueras : « Mais l’eau est peut-être bien profonde, descends-y toi-même le premier », et l’affaire se fera ainsi. » Gapka se rendit dans la steppe. « Bonjour, panotché ! dit-elle en apercevant Gritzko qui se trouvait près d’un étang. – Bonjour ! répondit-il. – Est-ce qu’on peut se baigner ici, mon petit homme ? reprit-elle. – Pourquoi donc ne le pourrait-on pas ? – Mais l’étang est peut-être profond. Donne-moi l’exemple. » À ces mots ôtant sa chemise et son pantalon, Gritzko entra dans l’eau. « Tu vois, dit-il, je n’en ai que jusqu’aux genoux. » À son tour, Gapka descendit dans l’étang. « Qu’est-ce que cela ? questionna-t-elle en fixant ses yeux sur le v.t du jeune homme. – C’est du tabac, répondit-il. – À quoi sert-il ? Que fais-tu avec cela ? – Je pisse. – Et qu’est-ce que tu lui donnes à manger ? – Mais rien. – Voilà pourquoi il est si maigre. » De son côté, Gritzko, ayant remarqué le c.n de Gapka, demanda : « Et ce que tu as là, qu’est-ce que c’est ? – Une poche. – À quoi te sert-elle ? – C’est pour mettre du tabac. Mets-y un peu le tien. – Eh ! pour qu’elle me morde ! J’en ai peur ! – Non elle ne te mordra pas. » Après un moment d’hésitation, le gars consentit à mettre son tabac dans la poche de Gapka, ce à quoi celle-ci l’aida de son mieux. La chose plut à Gritzko ; il quitta aussitôt la steppe et revint chez lui en courant. « Papa, maman ! cria-t-il dès qu’il fut rentré à la maison, où est ma femme ? – Pourquoi te la faut-il ? – Je veux f…re ! – Elle va venir. » La jeune femme fut fort contente, néanmoins elle dit à son mari : « Attends jusqu’au dîner, ma mère a fait des beignets. – Non, je n’ai pas faim, répondit Gritzko, allons mettre du tabac dans ta poche. » Et il se hâta de passer des paroles aux actes.
Mais peu après Gapka se plaignit d’être souffrante. « Que faire ? demanda le jeune homme. – De braves gens m’ont dit, reprit-elle, que si le bœuf de notre voisin me léchait le c*l, cela me guérirait peut-être ; va le prier de nous le prêter. » Gritzko se rendit à la maison voisine : « Votre bœuf peut-il venir l****r le c*l de ma femme ? – Certainement. » Il revint chez lui et dit à Gapka : « Le voisin amène son bœuf. » La jeune femme se retrousse, tend son derrière devant la fenêtre et, pendant que son mari la tient, Ivachka, le fils du voisin, avec qui elle s’était entendue d’avance, lui fait passer sa fièvre grâce à un remède qu’on devine. « Eh bien ! comment cela va-t-il ? interrogea Gritzko. – Je me sens un peu plus soulagée. »
À quelque temps de là, Gritzko lui-même tomba malade. « Femme, dit-il, va demander le bœuf du voisin, qu’il vienne me l****r le c*l. » Bientôt Gapka revint avec l’animal : « Allons, va te mettre en position devant la fenêtre. » Gritzko ôta son pantalon, mais au moment où il présentait son postérieur au bœuf, celui-ci, d’un coup de corne, le lança en l’air.