Tenant fermement son petit sac frêle contre sa poitrine, Kenzie traversa la grille de la prison, arborant un visage triste et résigné. Les lourdes portes se refermèrent derrière elle, et elle se retrouva libre, mais sans savoir quel chemin emprunter désormais dans sa vie. Elle se demanda en jetant un regard circulaire sur le paysage qui s'étendait devant elle. Elle n'avait plus personne. Elle était désormais seule, puisque celui avec qui elle croyait pouvoir fonder une famille l'avait littéralement abandonnée. Préférant ne pas être mêlé à cette histoire de tentative de meurtre, il avait rompu leurs fiançailles sans lui laisser le temps de s'expliquer.
Prenant une profonde inspiration, Kenzie se dirigea vers la route, déterminée à laisser derrière elle cette période sombre de sa vie. Cependant, à peine avait-elle fait quelques pas qu'une foule de journalistes accourut vers elle, lui barrant le chemin. Une appréhension la gagna aussitôt. Elle voulut s'échapper de cette foule, mais les photographes qui mitraillaient son visage ne lui rendaient pas la tâche facile. Les questions fusaient de toutes parts, les journalistes cherchant à obtenir des déclarations exclusives.
— McKenzie Sawyer ! Que comptez-vous faire maintenant que votre innocence a été prouvée ?
— Allez-vous réclamer une indemnité pour cette erreur judiciaire ?
— Le bébé que vous aviez perdu...
— Stop ! Arrêtez de me harceler. Je ne répondrai à aucune de vos questions ! s'écria-t-elle, réprimant ses tremblements.
Malgré ses efforts pour rester impassible, les journalistes ne semblaient pas disposés à la laisser tranquille. Kenzie était désespérée. Alors qu'elle tentait vainement de se dégager, une main forte saisit la sienne. Son cœur s'alourdit lorsqu'elle reconnut l'homme qui la traînait loin de cette meute. Il marchait si vite pour semer les journalistes qu'elle dut presser le pas pour le suivre. Ils s'éloignèrent dans une ruelle, réussissant finalement à se débarrasser d'eux.
— Ils ne nous retrouveront pas ici, déclara-t-il d'une voix rassurante.
Kenzie retira doucement son poignet de l'étreinte de la main de Derrick, la fixant avec une sévérité déconcertante. Sur son visage, l'animosité était clairement visible, mais elle fut surprise de le voir là, debout devant elle, les yeux emplis d'une émotion indéchiffrable. Était-ce de la culpabilité ou de la colère qui brillait dans son regard ?
— Kenzie..., commença-t-il d'une voix à peine audible.
— Ne prononce plus jamais mon prénom, le coupa-t-elle d'un ton tranchant, s'éloignant de lui pour instaurer une distance raisonnable entre eux.
Sans attendre davantage, elle le dépassa, se dirigeant d'un pas déterminé vers la sortie, mais son regard fut soudain attiré par la présence intrusive des journalistes. Ne pouvaient-ils donc pas la laisser en paix ? L'idée de devoir rester coincée dans cette ruelle avec son ex-petit-ami jusqu'à ce que les journalistes se dispersent l'irritait au plus haut point. Soupirant profondément, elle fit volte-face.
— Qu'est-ce que tu préfères, Kenzie ? Affronter ces journalistes ou rester dans cette ruelle qui te protège d'eux et écouter ce que j'ai à te dire ? lui lança-t-il, son regard empreint d'une lueur d'espoir.
Si elle avait eu suffisamment de courage pour se jeter dans la mêlée, elle n'aurait pas hésité une seconde.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu étais à Londres, déclara-t-elle sans le regarder directement dans les yeux, cherchant à contenir ses émotions.
S'appuyant contre le mur froid, elle concentra toute son attention sur son petit sac, essayant de dissimuler la vulnérabilité qui menaçait de se répandre à travers ses yeux.
— J'ai pris un vol dès que j'ai appris qu'ils allaient te libérer, révéla-t-il d'une voix empreinte de sincérité.
Kenzie secoua vivement la tête, enfin capable de soutenir son regard.
— Pourquoi as-tu fait tout ce chemin ? À quoi pensais-tu en abandonnant tous tes devoirs pour revenir à Manhattan ? N'as-tu pas été assez clair avec moi ? s'enquit-elle, laissant échapper une pointe d'amertume.
— Il fallait que je revienne après ce que j'ai découvert, répondit-il d'un ton sérieux.
Le visage de Kenzie s'assombrit tandis qu'elle le fixait, mêlant crainte et déception dans son regard.
— Tu n'aurais jamais dû revenir, Derrick. Quoi ? Tu te rends compte de ton erreur maintenant que je suis innocente ? Tu peux être si ridicule parfois. Où est passée ta fierté ? Qu'espérais-tu gagner en revenant ? Mon pardon, peut-être ? lança-t-elle avec sarcasme.
La tête baissée, elle observa son visage, déchiffrant l'expression qui s'y dessinait. Une combinaison de tristesse, de regret et d'espoir. Elle pouvait voir qu'il espérait qu'elle accepte ses excuses, mais cette idée la contrariait encore davantage. Les mots blessants qu'il avait lancés à son encontre résonnaient encore douloureusement en elle, chaque phrase prononcée avait été comme un coup de poignard dans son cœur. Elle ne pouvait pas croire qu'il puisse la penser capable d'une telle chose, surtout lui qui la connaissait si bien, après toutes ces années passées ensemble. Elle avait toujours pensé qu'il était celui qui la comprendrait mieux que quiconque, celui qui la soutiendrait inconditionnellement. Mais elle avait été cruellement trompée, et maintenant, il était trop tard pour des regrets. Tout ce qu'elle ressentait envers lui était du mépris.
— Je voulais sincèrement croire en ton innocence, mais les découvertes que j'ai faites dans tes affaires ont semé le doute en moi, commença-t-il, sa voix chargée d'émotion. Et les prétendues preuves qui étaient contre toi ont finalement dissipé le bénéfice du doute que j'avais accordé. J'étais furieux, en colère contre toi, mais surtout, je m'en voulais terriblement de n'avoir pas pu remarquer plus tôt ta descente dans la d****e et tout ce qui en découle. J'ai bien vu que tu te comportais étrangement ces derniers temps, mais j'aurais dû creuser davantage, chercher à comprendre les raisons de ce changement brutal.
Il prit ses mains entre les siennes, plongeant son regard dans le sien, plein de remords.
— J'aurais dû te croire lorsque tu clamais ton innocence. J'aurais dû te soutenir, te défendre bec et ongles pour te faire libérer. Mais au lieu de ça, j'ai été celui qui a lancé la première pierre.
— Tu as fini ? cracha-t-elle, retirant vivement ses mains.
Il tenta de reprendre la parole, mais elle l'interrompit d'une voix tranchante.
— Si je n'avais pas été acquittée et si j'étais toujours derrière les barreaux, est-ce que tu serais venu exprimer tes regrets ? Je te pose cette question parce que si tu es ici aujourd'hui, c'est uniquement parce que tu as appris que j'allais être libérée.
— Il y a longtemps que je voulais revenir m'excuser, mais j'avais peur que tu ne veuilles pas me revoir, que tu me rejettes. Je le mérite amplement, avoua-t-il, la voix empreinte de regret.
— Qu'est-ce qui t'a fait changer d'avis ? demanda-t-elle, les sourcils haussés d'un air interrogateur.
— Il fallait que je revienne.
Ah oui ? Il fallait que tu reviennes parce que tu n'arrivais plus à supporter le fait que tu m'as abandonnée ? Je croyais que tu étais la seule personne sur qui je pouvais compter. J'avais plus que jamais besoin de toi, et pourtant, tu m'as laissée tomber. Tu as préféré croire les autres plutôt que celle qui était censée t'épouser et fonder une famille avec toi. Et maintenant, tu espères que je te pardonne ? Facile pour toi de mettre aux oubliettes toutes les horreurs que tu m'as dites. Moi, en revanche, je n'oublierai jamais comment tu m'as traitée, comme si j'étais une parfaite inconnue pour toi.
— Je suis bien conscient que ce serait difficile pour moi d'obtenir ton pardon, et que rien ne sera plus comme avant entre nous. Si je suis revenu, ce n'est pas seulement pour te présenter mes plus sincères excuses, mais aussi pour obtenir des réponses.
Elle se figea, reculant d'un pas. Se pouvait-il qu'il soit au courant de... Non, elle ne voulait même pas y penser. Pourtant, elle se demandait à quoi il faisait allusion.
— As-tu réellement provoqué la mort du bébé que tu attendais ?
Son corps se raidit, et elle se cloîtra dans le silence pendant de longues secondes. Voilà ce qu'elle redoutait. Comment diable avait-il pu être au courant ? Était-il possible que cette médecin qui l'avait soignée ait divulgué cette information, en dépit de son interdiction formelle ? Alors que les battements de son cœur s'accéléraient, elle détourna le regard, lui faisant face.
— Je t'ai posé une question. Tu me dois une réponse, Kenzie.
— Et... Pourquoi ? balbutia-t-elle d'une voix blanche.
— Pourquoi ? répéta-t-il, levant un sourcil d'étonnement. Dois-je te rappeler que ce bébé était le mien ? J'ai parfaitement le droit d'exiger une réponse, non ?
Les souvenirs de cet incident tragique affluèrent, envahissant son cœur de chagrin. Derrick lui saisit les épaules, l'obligeant à le regarder. Une terreur profonde s'empara d'elle, faisant trembler tout son être.
— Est-ce que...
— Lâche-moi, s'il te plaît, murmura-t-elle d'une voix tremblante.
Derrick la relâcha immédiatement, lui offrant l'opportunité de s'enfuir. Elle se mit à courir aussi vite qu'elle le pouvait, redoutant qu'il ne la rattrape. Heureusement, il n'y avait plus de meute de journalistes aux aguets. Elle pouvait s'échapper de cet endroit, loin de Derrick, sans être entravée par des questions insatiables des médias.
— Mademoiselle Sawyer ?
Kenzie s'arrêta brusquement et se retourna vivement. Sa stupeur fut immense lorsqu'elle reconnut l'homme qu'elle avait tenté de sauver neuf mois plus tôt, et qui hier avait témoigné en sa faveur pour obtenir sa libération. Que faisait-il ici ? se demanda-t-elle, fronçant les sourcils. Elle essuya rapidement ses larmes tandis qu'il s'approchait d'elle.
— Je suis si heureux de vous voir enfin libre, déclara-t-il.
— C'est grâce à vous, répondit-elle timidement.
— Je voulais m'assurer qu'ils vous avaient réellement libérée, c'est pourquoi je suis ici.
Alors qu'il l'examinait minutieusement, Damon ressentit un pénible sentiment de culpabilité, comme si sa présence était à l'origine de tous ses malheurs. Lorsqu'il avait aperçu les journalistes se presser autour d'elle, il avait ressenti une irrépressible envie de la protéger, de l'éloigner d'eux et de veiller à ce qu'elle ne soit plus importunée. Mais au moment où il s'apprêtait à la soustraire à cette foule, un homme l'avait entraîné dans une ruelle. Il les avait observés de loin, sans envisager immédiatement de les suivre. Ses recherches sur McKenzie Sawyer lui avaient révélé qu'elle n'avait plus personne dans sa vie, ayant perdu sa seule famille. De plus, cette affaire de tentative de meurtre avait eu des conséquences désastreuses sur ses relations sociales. Aucun de ses amis ne lui avait rendu visite en prison. Cela avait éveillé en lui une certaine curiosité à l'égard de cet homme. Qui était-il pour elle ? Cependant, il ne figurait pas parmi ses proches d'après les informations qu'il avait pu recueillir.
— Je pensais ne jamais pouvoir échapper à ce cauchemar. J'ai prié jour et nuit pour que vous sortiez du coma et puissiez raconter la vérité sur ce qui s'était réellement passé. Plus les jours passaient sans que vous ne donniez signe de vie, plus j'ai perdu espoir de connaître un jour la liberté. Et maintenant, de façon inattendue, mes prières ont été exaucées et je suis enfin libre.
— Je suis tellement désolée que vous ayez traversé tout cela à cause de moi.
— Ne vous excusez pas, ce n'est aucunement de votre faute. La seule responsable ici, c'est moi. J'ai été stupide d'avoir touché à l'arme du crime. Je voulais absolument tirer dans la jambe de cet homme pour l'empêcher d'aller plus loin. Malheureusement, j'ai mal visé et il s'en est sorti.
— Je ne savais pas que vous aviez été témoin de cet événement, ni que vous aviez vu celui qui m'a tiré dessus.
— Je ne l'ai vu que de dos. Si j'avais pu voir son visage, peut-être aurais-je pu éviter la prison.
Soudainement, Damon agrippa fermement le bras de Kenzie et la poussa avec hâte à l'intérieur de sa voiture. Surprise et déconcertée, Kenzie mit quelques instants à comprendre la raison de son geste. Les journalistes l'avaient repérée et se ruaient vers elle, assoiffés de nouvelles informations. Elle avait à peine eu le temps de savourer sa libération avant d'être de nouveau accablée par leurs interrogations incessantes.
— Je vais vous éloigner de ces journalistes, déclara Damon d'une voix déterminée, faisant rugir le moteur de sa voiture.
Kenzie, toujours sous le choc, hocha la tête en signe d'approbation. Damon lui demanda aussitôt d'attacher sa ceinture de sécurité, et elle obéit machinalement, sans poser de questions.
— Ces journalistes ne me lâcheront pas de sitôt », murmura-t-elle d'une voix tendue. Peu importe combien je tenterai de les semer aujourd'hui, je sais qu'ils ne renonceront pas tant qu'ils n'auront pas obtenu ce qu'ils veulent.
Damon posa sur elle un regard rassurant, teinté de détermination.
— Ne vous inquiétez pas pour ça , assura-t-il d'une voix calme et réconfortante.
Kenzie ne put s'empêcher de réagir avec frustration.
— Comment ne pas m'inquiéter ? s'exclama-t-elle avec émotion. J'ai cru avoir enfin retrouvé ma liberté, mais en réalité, je suis toujours enchaînée par ces fichus pigistes. Combien de temps vont-ils me traquer ?
Damon esquissa un léger sourire empreint de confiance.
— Je veillerai à ce qu'ils ne vous importunent plus , affirma-t-il d'une voix assurée. Faites-moi confiance, Kenzie. Je mettrai tout en œuvre pour vous protéger.
Son regard pénétrant enveloppa Kenzie, dissipant peu à peu son anxiété. Elle commença à se détendre, réalisant que, malgré les épreuves qu'elle avait traversées, elle était désormais libre. Une lueur d'espoir et de gratitude brillait dans ses yeux, car elle savait qu'elle pouvait compter sur Damon.
Le moteur vrombissait tandis que Damon conduisait à toute allure, s'éloignant rapidement de l'agitation des journalistes. Kenzie sentait l'adrénaline monter en elle, mêlée à un sentiment de soulagement. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentait en sécurité.
Alors que les bâtiments urbains défilaient à toute allure, Damon rompit le silence qui s'était installé dans la voiture.
— Je sais que ces derniers mois ont été éprouvants pour vous, commença-t-il d'une voix douce, sans quitter la route des yeux. Mais je suis là maintenant, et je ne vous laisserai plus affronter cela seule.
Kenzie leva les yeux vers lui, ses yeux emplis de gratitude.
— Je ne sais pas comment vous remercier, Damon.
Un léger sourire apparut sur les lèvres de Damon.
— Vous n'avez pas à me remercier. J'ai simplement fait ce que je pensais être juste. J'ai vu la vérité et je ne pouvais pas rester silencieux.
Le trajet se poursuivit dans un silence apaisant, Kenzie laissant échapper un soupir de soulagement. La présence de Damon à ses côtés lui procurait un sentiment de réconfort et d'espoir. Elle avait enfin trouvé quelqu'un sur qui compter.