Dust : Avant et Après

2. Quelqu’un d’autre est en vie

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Quelqu’un d’autre est en vie

Dust se figea, les yeux rivés sur les yeux rouges flamboyants du chien démoniaque, même s’il voulait se retourner vers la source de la voix. C’était la première voix autre que la sienne qu’il entendait en un an. Craignant d’avoir rêvé, il se tint prêt et garda le tuyau ensanglanté devant lui.

La bête s’avança encore d’un pas et grogna. De l’écume coulait de sa gueule et ses dents jaunes claquèrent tandis qu’elle franchissait la porte. Dust savait qu’elle était sur le point d’attaquer. Le son de la voix qui lui cria de bouger résonna dans les airs à l’instant même où une fine flèche vola au-dessus de son épaule droite.

Il sauta sur le côté et glissa sous une table vissée au sol. Son dos heurta le mur et il tira brusquement ses jambes hors d’atteinte tandis que l’épais corps noir de la bête glissait sur les quelques mètres d’espace dégagé sur le carrelage sale. Sous le choc, il fixa les deux épais tubes de bois des flèches qui dépassaient de sa gorge et de sous sa poitrine. Les yeux rouges de la bête étaient vides et sa mâchoire béait tandis qu’elle prenait sa dernière inspiration.

Dust sortit lentement de sous la table, les yeux rivés sur la créature par précaution. Il était en train de se relever lorsqu’un mouvement derrière le comptoir attira son attention. Il se retourna et tint le tuyau gris foncé devant lui. Deux silhouettes, l’une légèrement plus grande que l’autre, apparurent derrière un vieux présentoir. Dust déglutit et dévisagea les deux visages sales qui le dévisageaient également avec un mélange de curiosité et de peur. Il mit un moment à réaliser que la grande silhouette pointait l’une des longues flèches vers lui.

Dust attendit tout en observant la fille. Il la vit déglutir, mais elle ne baissa pas l’arc qu’elle tenait. Le petit garçon à côté se déplaça légèrement derrière elle lorsque Dust lui lança un regard. Son attention se reporta sur le visage de la fille. Il ferma ses mains en des poings serrés quand une vague de vertiges le traversa. La faim commençait à devenir insupportable. Il devait manger quelque chose.

— Vous êtes qui ? demanda Dust d’une voix rouillée, les yeux rivés sur le visage de la jeune fille dont l’âge semblait proche du sien.

Dust chancela alors qu’il attendait que la fille réponde. Il la vit déglutir à nouveau et mordiller nerveusement sa lèvre inférieure. Elle ne baissa toujours pas son arc bien qu’il eût baissé le tuyau le long de son corps. Le petit garçon à côté d’elle le dévisageait, les yeux écarquillés, d’un air curieux. Dust garda son regard rivé sur le visage de la fille.

— T’es qui ? demanda soudain la fille en le fixant, les yeux plissés.

Dust fléchit les doigts de sa main droite alors qu’il essayait de rester concentré.

— Dust, dit-il d’une voix basse et rauque.

— Sammy, il a pas l’air d’aller bien, murmura le garçon en tirant sur son haut.

— Qu’est-ce qui ne va pas ? demanda Sammy d’une voix tendue.

— Manger, murmura Dust, ouvrant les doigts de sa main gauche et laissant tomber le tuyau au sol dans un grand bruit sourd.

Il sentit ses jambes se mettre à trembler si fort qu’il ne put rester debout.

— J’ai besoin de manger.

La fille baissa l’arc lorsque ses genoux cédèrent sous lui et qu’il s’effondra au sol. Sa tête tomba en avant et il prit une grande inspiration avant d’avoir un haut le cœur lorsque la puanteur du chien démoniaque mort emplit ses narines. Il secoua la tête, ferma les yeux et leva faiblement le bras pour se couvrir le nez.

— On doit se tirer d’ici, dit la fille à voix basse avant de faire le tour du présentoir. Todd, donne-moi une des barres de céréales.

— Mais Sammy, protesta Todd, il nous en reste que trois.

Sammy regarda le petit garçon qui semblait avoir environ sept ans en fronçant les sourcils.

— Maintenant on en a deux, déclara-t-elle avant de tendre la main. Passe-m’en une.

Dust ne prit pas la peine d’ouvrir les yeux. Il avait peur que s’il les ouvrait, ils disparaîtraient tous deux. Au lieu de cela, il appuya sa joue contre son bras replié.

— Tiens, dit Sammy. Mange ça, mais lentement pour ne pas être malade.

Dust releva la tête et ouvrit les yeux. Sammy lui tendait une petite barre de céréales aux fruits. Il eut l’eau à la bouche et il tendit une main tremblante pour l’attraper. Leurs doigts se frôlèrent un bref instant et il faillit retirer sa main. Il vit qu’elle était aussi surprise que lui par ce contact. Il prit la petite barre de céréales et hocha la tête en guise de remerciement avant de la lever à sa bouche et de prendre une bouchée.

En un rien de temps, tout fut englouti. Ses yeux se fermèrent encore une fois l’espace d’un instant tandis qu’il sentait un afflux d’énergie. Cela ne durerait pas longtemps, mais cela suffirait pour qu’il continue à avancer. Ses yeux se rouvrirent brusquement lorsqu’il sentit à nouveau un toucher timide sur son bras.

— Il faut vraiment qu’on parte, dit Sammy en se relevant avant de lui tendre la main. Je ne sais pas combien de ces créatures il reste. J’en ai compté quatre tout à l’heure.

Dust hocha la tête, tendit le bras et attrapa sa main. Il se releva maladroitement puis se pencha et ramassa le tuyau métallique ensanglanté. Il jeta un coup d’œil à Sammy et Todd tout en manipulant le tuyau.

— J’en ai tué deux. Ça fait trois, marmonna-t-il tandis qu’il regardait par l’embrasure de la porte. Il faut que je mange plus.

— Il y a une petite épicerie au bout de la rue, dit Sammy, mal à l’aise. On y allait quand on a vu ces choses et on s’est cachés ici. C’est seulement à quelques portes d’ici.

Dust leva le bras pour arrêter Sammy lorsqu’elle commença à le contourner. Son regard passa de Todd à elle puis d’elle à Todd. S’il y avait encore une de ces créatures dehors, il passerait en premier.

— Je passe en premier, tu suis, dit-il d’une voix bourrue. Garde le garçon entre nous.

— Je sais comment nous protéger, grommela Sammy avant de jeter un coup d’œil à Todd. Passe-moi le sac à dos, Todd.

— Je m’en occupe, Sammy, marmonna Todd. Tu dois avoir les mains libres.

Dust fut pris d’une vague d’émotion quand Sammy sourit tendrement au garçon. L’espace d’un instant, il ressentit de l’envie. Il y avait eu des moments durant cette année où il aurait tout donné pour avoir quelqu’un à qui parler. Il prit une grande inspiration. Ce n’était pas le moment de penser au passé. Il devait trouver plus de nourriture avant que le peu de force qu’il avait ne le quitte.

Il saisit le chambranle et jeta un coup d’œil à l’extérieur. Son regard parcourut avec attention la rue dans les deux directions avant de se poser sur le bâtiment de l’autre côté de la rue. S’il n’y avait que quatre de ces chiens démoniaques, alors ils devraient s’en sortir. Il pouvait tuer le dernier. Il regarda par-dessus son épaule et fit un signe de tête à Sammy et Todd. Il s’avança à l’extérieur et marcha lentement le long du trottoir qui bordait les bâtiments, faisant des pauses régulières pour fouiller les ombres du regard.

Un soupir de soulagement s’échappa de Dust lorsqu’il vit le panneau de la petite épicerie qui pendait à un angle étrange. Il espérait vraiment qu’il y aurait encore de la nourriture à l’intérieur. Sa foulée augmenta au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient. Il passait devant un barbier lorsqu’un mouvement à l’intérieur attira son attention. La forme fantomatique explosa à travers la fenêtre juste au moment où il se retournait.

La mâchoire claquante du chien démoniaque manqua sa gorge de peu quand il heurta son torse. La seule chose qui le sauva, ce fut la barre métallique qu’il avait levée et saisie à deux mains. Un grognement de douleur lui échappa quand les griffes acérées de la créature déchirèrent son t-shirt et lui griffèrent le torse. Il se tordit, trébucha contre le bord du trottoir et tomba lourdement sur le dos sur la route.

Dust rejeta sa tête en arrière lorsque la bête s’élança à nouveau vers son cou. Ses bras étaient tendus pour la maintenir éloignée mais ses pattes avant et arrière le lacéraient à travers ses vêtements. Un cri rauque lui échappa lorsque la bête glapit soudainement et roula loin de lui. Il se tourna sur le côté et observa la bête chanceler l’espace d’un instant avant qu’elle ne se retourne et ne s’enfuie en courant et en boitant à moitié, le tube d’une des flèches de Sammy dépassant de son épaule.

— Tu saignes, dit Sammy en s’agenouillant à côté de lui. Tu t’es fait mordre ?

Dust secoua la tête et grimaça sous la douleur des nombreuses lacérations.

— Non, juste quelques égratignures, marmonna-t-il avant de s’appuyer sur le tuyau tandis que Sammy glissait son bras autour de sa taille.

— Je passe devant, dit-elle avant de se tourner vers Todd. Tu l’aides.

Ce dernier se contenta de hocher la tête. Ses yeux étaient écarquillés sous l’effet de la peur. Il s’avança et se tint près de Dust.

— Et s’il y en a d’autres ? murmura Todd en jetant un coup d’œil vers l’endroit où le chien démoniaque avait disparu entre deux bâtiments.

— Alors on s’occupera d’eux, dit Sammy en ajustant sa dernière flèche dans l’arc. Je dois récupérer les flèches que j’aie tirées ou en trouver d’autres.

— Je dois manger d’abord, marmonna Dust qui recommençait à s’affaisser. Manger, puis on cherche.

— Avec un peu de chance, on y trouvera aussi du matériel médical, dit Sammy en regardant avec inquiétude le sang qui recouvrait le devant du t-shirt déchiré de Dust. Allons-y.

Dust se contenta de hocher la tête. Une fois qu’il aurait mangé, sa peau ne mettrait pas longtemps à guérir. C’était l’une des choses qu’il avait apprises quand il s’était réveillé après le changement. Il serra les dents de douleur et s’appuya sur Todd pour ne pas tomber à nouveau la tête la première. Ils remontèrent sur le trottoir et continuèrent sur les quelques mètres jusqu’à l’entrée du magasin.

La grande vitrine et les vitres de la porte d’entrée étaient brisées. Sammy baissa son arc et jeta un coup d’œil à l’intérieur avant de tendre la main et de tirer sur la porte pour l’ouvrir. Le bruit strident du métal frottant contre le verre tandis qu’il était repoussé sur le béton les fit tous grimacer. Sammy regarda en arrière vers Todd et Dust avant de redresser ses épaules et de s’avancer dans l’intérieur sombre.