1. Avant et Après

1685 Words
1 Avant et Après Dust se réveilla et cligna des yeux en regardant le ciel sombre et gris. Il vit le tourbillon de nuages acides à travers le trou dans le plafond. Son corps mit un moment à rattraper son esprit. Il oubliait souvent de se concentrer dessus. Depuis le matin où il s’était réveillé seul dans un bâtiment effondré qui avait autrefois été sa maison, il avait réalisé que les choses ne seraient plus jamais pareilles. Avant, il était simplement un garçon de quatorze ans qui adorait jouer aux jeux vidéo et détestait aller à l’école. Un an s’était écoulé depuis le jour où la comète avait frappé la Terre. Un an depuis que l’étrange nuage avait envahi la petite ville dans laquelle il avait vécu Avant. C’était comme cela qu’il appelait sa vie… Avant. À présent, il était dans l’Après. Son corps le tirailla violemment lorsqu’il revint à sa forme solide. Il était habitué à la sensation à présent et il ne pensait plus à sa capacité inhabituelle à se dissoudre dans l’ombre. Il se releva, s’étira et se retourna. Il regarda autour de lui et marcha jusqu’au casier métallique renversé dans lequel il avait caché son sac à dos. Il contenait un jean, une chemise, un caleçon et une paire de chaussettes propres, et une bouteille d’eau. D’un mouvement de sa main, les débris devant le casier s’envolèrent dans les airs et s’éloignèrent. Il ouvrit la porte et sortit le sac à dos vert foncé qu’il avait trouvé durant l’une de ses nombreuses expéditions de l’année passée. Il glissa une bretelle sur son épaule, pivota et quitta silencieusement le bâtiment. Dust fit une pause sur le trottoir devant la petite épicerie dans laquelle il avait trouvé refuge. Ses cheveux bruns et ébouriffés partaient dans toutes les directions. Ses yeux marron foncé balayèrent les alentours avant de s’arrêter sur une ombre en mouvement entre deux voitures abandonnées un peu plus loin dans la rue. La sensation de danger envahit ses tripes. Son regard se fixa sur les trois formes fantomatiques qui sortirent lentement de leur cachette. Des chiens démoniaques. Il ne savait pas si c’était vraiment leur nom, mais c’était comme cela qu’il les avait nommés. Ils étaient comme lui… différents. Il se retourna et glissa les bretelles de son sac sur ses épaules afin de pouvoir courir plus vite. Il était temps de se mettre en route. Là où il y avait trois de ces créatures, il pouvait y en avoir plus. Dust sentit l’adrénaline le parcourir tandis qu’il décampait à un rythme soutenu tout en jetant des coups d’œil à droite à gauche alors qu’il courait à travers le centre de la petite ville dans laquelle il était arrivé tard la nuit précédente. Il avait espéré y trouver de la nourriture. Les changements de son corps exigeaient de lui qu’il mange plus souvent. La nourriture n’était pas toujours la chose la plus facile à trouver. C’était parce qu’elle manquait qu’il avait finalement dû quitter la petite ville où il avait vécu avec sa famille pendant la période d’Avant. En tant qu’unique survivant, il avait fouillé pour dénicher le moindre petit bout de nourriture durant l’année passée jusqu’à ce qu’il n’en trouve plus. Dust ne prit pas la peine de se retourner pour voir où se trouvaient les créatures. Il savait qu’elles le suivaient. Elles étaient affamées. Il le savait car il ressentait la même faim. Il devrait se battre, il en était persuadé. La carcasse d’un bâtiment à deux étages se dressait devant lui. D’un mouvement de sa main, la porte fut arrachée de ses gonds et vola derrière lui. Il entendit un grognement et un bruit sourd. Elles étaient plus proches qu’il ne l’avait imaginé. Il courut le long du trottoir, disparut dans l’obscurité et laissa son corps se dissoudre. Il lui serait difficile de rester sous sa forme d’ombre bien longtemps. Il avait désespérément besoin de nourriture s’il voulait continuer à utiliser la quantité d’énergie qui lui était nécessaire pour maintenir cette forme. Il ramassa un tuyau en métal et se retourna juste au moment où la première silhouette passait la porte derrière lui. L’extrémité du tuyau frappa la créature à la poitrine, l’empala, ce qui projeta Dust contre le mur. Son corps se solidifia sous l’effet de la force et il eut le souffle coupé lorsqu’il s’écrasa contre le mur. Les yeux rouges et brillants de la créature clignèrent et sa mâchoire claqua, mais il pouvait déjà voir la lumière dans ses yeux commencer à s’estomper. Il comprit immédiatement que les créatures devaient mourir de faim pour l’attaquer de façon si téméraire. Non seulement cela, mais elles ne pouvaient guère maintenir leur forme d’ombre plus longtemps que lui. Il appuya la barre métallique contre le sol, enfonça le bout en métal plus profondément dans la bête et la tourna. Les grognements sonores de la créature se transformèrent en un cri avant que le silence n’enveloppe la pièce. Dust n’attendit pas plus longtemps. Il y en avait encore deux, peut-être plus. Arrachant le tuyau de la créature, il pivota en direction de la cage d’escalier ouverte. Le bruit étouffé de verre se brisant sous des pas lourds attira son attention vers le plafond. Il en entendit une. Elle avait dû passer par une fenêtre à l’étage supérieur. Dust serra les dents. Il allait devoir toutes les tuer ou les créatures le suivraient et il ne trouverait jamais ni nourriture ni repos. Ses doigts s’enroulèrent autour du métal froid et il commença à gravir les marches à un rythme lent et régulier. Il était presque en haut lorsque l’énorme créature noire apparut en haut de l’escalier. Dust jeta un coup d’œil par-dessus son épaule quand il entendit un deuxième grognement derrière lui. Il était coincé entre les deux bêtes. Son regard alla d’avant en arrière et il réalisa qu’elles lui avaient tendu un piège. Il fut parcouru d’un frisson. Il sursauta quand celle au-dessus de lui bondit soudain. Il se concentra, utilisant encore plus de sa précieuse énergie. La créature traversa son corps, lui faisant ressentir une vague de nausée. Son corps se solidifia encore une fois et il leva les bras, enfonçant la barre dans le ventre mou de la créature alors qu’elle était encore dans les airs. Il laissa le poids de la créature l’emporter. La puissance du mouvement et l’affaiblissement graduel de ses forces arracha le tuyau en métal de ses mains lorsqu’elle s’écrasa contre la bête qui montait les escaliers à ce moment-là. Il trébucha en arrière contre le mur et regarda la créature mourante heurter sa compagne. Il s’agrippa à la cage d’escalier et se remit debout. Il devait trouver une autre arme avant que la dernière bête ne reprenne pied. Ses jambes tremblaient alors qu’il remontait l’escalier en rampant à moitié. Il eut à peine le temps de rouler sur le côté avant que la troisième créature n’apparaisse par l’étroite ouverture et ne se tourne. Dust roula sur le ventre, son regard se figeant sur la poitrine haletante et la mâchoire pleine d’écume. Ses bras tremblèrent et il sut qu’il n’avait plus la force de se dissoudre. Il se releva d’un mouvement lent et régulier, sans jamais quitter la bête des yeux. Il était presque debout lorsqu’elle bondit. Il sauta, pivota et roula. Il se releva presque immédiatement et regarda autour de lui. La bête avait glissé et avait percuté un grand bureau en bois. La puissance de son corps s’écrasant contre le bureau en brisa l’un des pieds et le meuble lourd s’effondra sur elle. Il profita de ce répit pour se lancer dans l’escalier. Il sauta par-dessus la créature morte au bas des marches et arracha le tuyau métallique qui dépassait de sa poitrine avant de sortir en courant. Un fracas puissant résonna derrière lui. Dust ne s’arrêta pas. Repérant un SUV abandonné dont la portière était partiellement ouverte de l’autre côté de la rue, il envoya la moindre once d’énergie qu’il lui restait dans ses jambes tremblotantes. Il tendit la main et saisit la poignée de la portière afin de l’ouvrir suffisamment pour s’y glisser. Il eut à peine le temps de la refermer avant que la bête ne heurte la portière avec assez de force pour renverser le SUV sur deux roues. La force du coup propulsa Dust contre le tableau de bord et il finit sur le siège passager. Il replia rapidement ses jambes lorsque la vitre de la portière côté conducteur vola en éclat. Dust chercha à tâtons la poignée derrière lui lorsque la bête enfonça sa longue tête noire à l’intérieur et fit vicieusement claquer sa mâchoire vers ses jambes. Du sang goutta sur l’intérieur en cuir raffiné à l’endroit où le verre brisé entaillait le cou de la bête. Cela ne l’arrêta pas. La créature devint même plus enragée ; elle mit des coups de griffes au verre et le retira afin de pouvoir tenter de se faufiler dans le véhicule. Dust envoya un coup de pied qui arriva sur le museau à l’air canin. Elle rejeta sa tête en arrière ce qui lui permit d’avoir juste assez d’espace pour attraper la poignée de la portière. Il tomba de l’autre côté et atterrit lourdement sur le dos. Il lança à nouveau un coup de pied et claqua la portière au moment où la créature sauta sur le siège conducteur. Il roula avec raideur pour se mettre à quatre pattes, saisit la barre métallique et se releva. Il jeta un coup d’œil à la bête hargneuse et partit en courant. Après seulement quelques secondes, il entendit à nouveau le bruit du verre qui volait en éclat. Il se faufila sous un auvent déchiré et franchit la porte ouverte d’un autre bâtiment. Il réalisa rapidement son erreur. La partie arrière du bâtiment était bloquée par un effondrement de débris. La seule chose qui le séparait de la mort, c’était une grande vitrine réfrigérée et le tuyau en métal dans sa main. Il pivota et recula quand l’ombre noire s’arrêta à l’entrée. — Ne bouge pas avant que je te le dise, dit une voix basse derrière lui.
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