Mauvaise journée

1772 Words
FABIOLA Ça fait une demie heure que je suis devant le miroir et jusque-là, je n'ai pas l'effet "waouh" que je recherche. C'est la douzième tenue que je mets mais j'ai toujours l'impression de ne pas être au top. Tant pis, j'irai avec cette robe car quoi qu'il en soit, je ne réussirai jamais à avoir l'effet que je recherche. Je n'ai pas le corps et la beauté pour ça. J'enfile mes sandales noires et je fais de nouveau un tour devant le miroir cette fois pour vérifier mon maquillage. Je ne me maquille pas d'habitude mais disons que là, c'est une occasion spéciale. Je ne suis toujours pas satisfaite du résultat mais je ne pourrais pas faire mieux. Je prends mon sac et descends faire un bisou à papa. Il est sorti de l'hôpital il y a trois jours. Il voulait retrouver un semblant de routine normale alors je m'efforce à le mettre le plus à l'aise possible. J'arrive dans sa chambre et le trouve en pleine dispute avec l'infirmière Jane. Jane : madame ça tombe bien que vous soyez là... Votre père ne veut pas manger. Papa : faux ! Je ne veux pas qu'on me donne à manger comme à un enfant. Et puis je croyais que j'allais être traité normalement. Moi : bien-sûr papa... Jane, laissez-le se nourrir tout seul, je vous en prie. Jane : ok madame. Elle dépose la cuillère dans l'assiette et s'en va vers la cuisine. J'en profite pour dire au revoir à papa en lui promettant d'être de retour avant la tombé de la nuit. Papa : tu as un rendez-vous ? Moi : on peut dire... Papa : tu es très belle... Moi (émue) : merci papa. Je lui fais un bisou au front et prend la porte. En sortant, je tombe sur le docteur Jacques. Il est venu pour vérifier que tout va bien avec papa. Lorsqu'il me voit, il se perd un moment avant de se reprendre. Jacques : tu es très belle. Moi : merci ! Jacques : un rendez-vous ? Moi : ... Jacques : désolé c'était indiscret de ma part. Moi : euh en fait oui... Jacques : super alors ! Je ne vous retiens donc pas plus longtemps. Amusez-vous bien... Moi : merci, on parlera du cas de papa à votre prochaine visite. Jacques : vous n'allez pas rentrer tôt ? Moi : non... Je ne pense pas. Jacques : ah d'accord. A la prochaine dans ce cas. Moi : super ! Je sors de la maison assez pressée parce que l'heure de mon rendez-vous approche à grand pas. J'ai décidé de ne pas prendre ma voiture parce que je ne sais pas à quelle heure je pourrais rentrer ni dans quel état. Je stoppe un taxi en dépôt direction Bastos. C'est un peu loin de mon quartier mais bon ça reste un coin chic que j'ai l'habitude de côtoyer. C'est sans compter sur les embouteillages de Yaoundé que j'arrive à mon lieu de rendez-vous avec une dizaine de minutes de retard. Ça commence mal hein. C'est un restaurant plutôt chic et calme. On peut dire qu'il a bon goût. J'entre et c'est sans peine que je le remarque assis sur une table près de la fenêtre. Lorsqu'il me voit arriver vers lui, il plisse des yeux. Si lui et moi n'avions pas rendez-vous, j'aurais dit qu'il n'est pas content de me voir ou plutôt qu'il semble surpris de me voir. J'avance en lui souriant histoire de le rassurer mais plus je me rapproche, plus je le sens nerveux, gêné, pas content... Je ne saurais décrire cette sensation. Lorsque j'arrive à sa table, il reste assis sans rien dire. Je commence à vraiment être mal à l'aise. Moi : bonjour ! Lui : euh désolée mais je pense que vous vous êtes trompée de table. Moi (sortant mon téléphone ) : mais c'est pas vous ici ? J'entre dans l'application ensuite dans son profil et lui montre sa photo. Lui : c'est bien moi... Euh c'est vous Fabiola ? Moi : mais oui... Lui : euh désolé... Je pensais que c'était l'autre. Moi : l'autre ? Il sort son téléphone à son tour et me montre mon profil. Ce n'est qu'en ce moment que je me rends compte que Cathya a mis une photo de nous deux en profil. Alors il a pensé qu'il avait plutôt rendez-vous avec Cathya. Quelle honte. Je reste silencieuse sans rien pouvoir dire. Je comprends mieux pourquoi j'avais autant de demandes d'amitié. Tous pensaient en fait que c'était le profil de Cathya. Lui : euh, je suis vraiment désolé mais... Moi : non c'est bon, vous n'avez pas à vous excuser. C'est à moi de m'excuser pour me désagrément causé. Lui : vous êtes une belle femme Fabiola, juste que vous n'êtes pas mon genre. C'est pas mieux de me planter un couteau en plein cœur une fois. Mince, on peut être cru comme ça ? Je n'ai qu'une envie en ce moment c'est disparaître. Sans rien lui répondre, je prends mon sac, me lève et me dirige vers la sortie. En sortant, je stoppe le premier taxi que je vois. Il me prend mais malheureusement pour moi toutes les places sont occupées et il ne reste qu'une place à l'avant où je dois me serrer avec une autre personne. De toutes les façons ça ne pourrait pas être pire que ce que je viens de subir. J'entre et la femme près de moi me regarde avec mépris comme si c'était son taxi parce qu'elle pense que moi-même je suis trop bien assise ? J'ai jamais compris c'était quoi l'idée des taximans de chez nous de mettre deux personnes sur un siège réservé au départ pour une personne. Après ce sont les gens qui sont mal à l'aise et lui aussi n'arrive même pas à bien tenir son levier de vitesse. C'est toujours l'argent qu'on cherche comme ça ? Le monsieur essaye de tourner son levier et ça gêne la femme à côté de moi qui est déjà bien en colère. Elle : c'est pas mieux de m'écraser la cuisse une fois ? Le taximan (à moi) : Madame vous mangez même quoi comme ça ? La dame : quand tu la prenais tu ne voyais pas son corps ? Moi : garez ! Taximan : hein ? Moi : j'ai dit garez ! Je ne vais quand même pas passer la journée à le faire humilier. Ça suffit à un moment quand même. Il gare et je sors un billet de 1000fcfa que je lui remets. Heureusement pour moi un taxi vide arrive juste derrière et je le stoppe en dépôt. Aujourd'hui là ce n'est vraiment pas mon jour... Que oh madame vous mangez quoi comme ça ? Pff ! Et s'il faille même répondre je dirai quoi ? Si c'était la nourriture c'est que Cathya était déjà obèse depuis longtemps. Parce que façon elle aime la nourriture, je ne comprends pas. Chaque fois que nous sommes ensemble, elle a toujours faim et quand elle mange, elle ne crâne pas. Elle mange en vrai. En parlant d'elle, elle va m'entendre passer parce que c'est de sa faute si je me suis faite humiliée ainsi. Non mais... Elle pensait à quoi même ? Le taxi me dépose devant la maison et je lui remets ce que je lui dois. Je sonne et le gardien ne tarde pas à m'ouvrir. En entrant, je trouve papa dans le jardin avec Jacques. Ils semblent tellement bien s'amuser qu'ils ne remarquent même pas ma présence et c'est tant mieux parce que je ne veux pas qu'ils voient dans quel état je suis... Oui j'ai un peu pleuré dans le taxi. Sincèrement vous pouvez pas savoir ce que ça fait. Je dois subir des remarques désobligeantes sur mon poids chaque jour. Et quand je me fais humiliée comme aujourd'hui, je suis obligée de craquer à un moment. J'entre et monte rapidement dans ma chambre me changer. Je me mets de l'anticerne pour masquer les traces de mes larmes et je descends ensuite dans la cuisine me prendre un verre d'eau. Lorsque j'ouvre la porte de la cuisine, je me trouve nez à nez avec Jacques. Moi : désolée, je ne savais pas que tu étais là... Jacques : euh c'est moi qui suis désolé, je venais chercher un verre d'eau pour ton papa... Tu es rentrée ? Moi : oui à l'instant ! Jacques : je pensais que tu rentrerais tard... Moi : bah je suis là. Jacques : ok... Je sais que j'ai été un peu sèche mais là je ne suis vraiment pas d'humeur. On se traverse et moi je vais chercher un verre dans lequel je mets de l'eau. Je n'ai même pas le temps de vider mon verre que je craque de nouveau. Moi (murmurant) : non mais c'est quoi cette vie de merde ? : essaye de la rendre moins merdique dans ce cas ? Je m'effraye en entendant la voix de Jacques. Jacques : j'ai oublié mon téléphone. Moi : en quoi faisant ? Jacques : bah quand je puisais de l'eau. Moi : non je demande comment je peux faire pour la rendre moins merdique. Jacques : ça dépend déjà de ce qui est une merde dans ta vie. Moi : c'est moi la merde en fait... Je ne suis ni belle, ni attirante. Jacques : ok... Alors sois belle et attirante ! Il le dit, récupère son téléphone et s'en va alors que je reste plantée là sans comprendre. Je ne m'attendais pas à une réponse aussi crue de sa part. Non mais... Je le suis et le rattrape en colère. Moi : alors tu dis que je suis laide et pas attirante ? Jacques (se retournant) : c'est toi qui l'as dit, je te rappelle ! Moi : mais tu ne dis pas le contraire. Il déposé la bouteille d'eau et le verre puis me regarde. Jacques : ton problème c'est quoi exactement. C'est que tu n'es pas belle ou que tu ne te sens pas belle ? Moi : je ne sais pas... Jacques : hum ! Il récupère la bouteille et le verre et se retourne pour partir mais se retourne de nouveau vers moi. Jacques : il n'y a rien qui cloche avec ton corps ou ta beauté. Le seul problème ici c'est toi. Il s'en va alors que moi je ne comprends toujours rien. Finalement, il me trouve belle ou pas ? Et puis même s'il me trouve laide ou est le problème. Pourquoi ça m'intéresse tant ce qu'il pense de moi ?
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