MARIAGE À TOUT PRIX

La vie est une succession d'événements auxquelles nous ne sommes à chaque fois jamais préparé. L'on passe le temps à nous répéter qu'aucune situation n'est éternelle et que la vie ne met devant nous que des épreuves que nous sommes prêt à passer. J'y ai cru et j'aimerais continuer d'y croire sauf que cette fois, c'est différent. Je ne m'en remettrais certainement jamais. Je lance le regard vers lui... Il dort. Voici maintenant deux mois qu'il n'a pas ouvert les yeux. Il semble si apaisé, si calme, si... Je me lève et vais me placer près de la fenêtre et j'observe le ciel en implorant le bon Dieu une nouvelle fois de bien vouloir m'épargner cette épreuve. Mais il semble que le ciel se soit fermé à mes prières. Je ne sais comment exprimer comment je me sens... Je suis abattue, triste, en colère mais j'ai surtout très mal... Je suis sur le point de le perdre. Cet homme qui depuis 27 ans partage ma vie... Mon père ! Voici maintenant que 5 ans que ce foutu cancer le ronge à petit feu et faut croire que cette fois, c'est bien la fin. J'ai pourtant espéré et gardé la foi mais il semble que cela ne suffise plus. Je retourne m'asseoir près de lui, lorsque je vois sa main bouger. Un message du ciel ? Dieu aurait-il enfin entendu ma prière ? Je me lève et vais au pas de course appeler son médecin. Lorsque le docteur arrive, il me demande de sortir un moment afin d'examiner papa. Après une quinzaine de minutes, il revient vers moi. Moi (impatiente) : alors ? Docteur: il semble aller mieux. D'ailleurs, je pense que ce petit coma lui a fait du bien à lui ainsi qu'à ses cellules. Il pourrait à présent supporter une chimiothérapie et si tout se passe bien, il pourrait enfin vaincre le cancer. Moi : vous en êtes sûr docteur ? Docteur : oui mais je vais quand même lui faire passer d'autres examens pour... Je ne le laisse pas terminer sa phrase et me jette dans ses bras en pleure. C'est devenu monnaie courante mais cette fois, ce sont des larmes de joie. Moi : merci pour tout, docteur ! Docteur : tu peux m'appeler Jacques. Moi : Ok... Je peux le voir ? Docteur : bien-sûr ! Moi je vais prévenir l'infirmière pour les examens. Elle passera le voir tout à l'heure. Moi : merci ! Je me précipite vers la chambre. Lorsque je vois papa, je fonds de nouveau en larmes. Je suis si heureuse de le voir réveillé et ce sourire qu'il m'adresse, j'ai cru un moment ne plus jamais le revoir. Moi (émue) : papa ! Papa (sourire) : tu n'en as pas encore terminé avec moi. Je vais me jeter dans ses bras tellement je suis heureuse. Mon papa ! Mon petit papa... Je suis si heureuse. Moi : le docteur a dit que tu es assez fort à présent pour... Papa (mettant son doigt sur ma bouche) : shuut ! Raconte moi plutôt comment tu vas et qu'est-ce que tu as fait durant mon absence ? Je me lance dans un long bavardage. Je lui raconte tout ce que j'ai fait de mes journées. Je lui raconte mes joies et mes peines mais surtout je lui dis à quel point je suis heureuse de l'avoir dans ma vie. Papa: c'est moi qui ai de la chance de t'avoir. Mais je serai encore plus heureux si tu pouvais enfin trouver ton bonheur. Moi : mais je suis heureuse papa... Papa: je ne parle pas de ce bonheur ci... Tu as fait de grandes études et aujourd'hui tu as un bon emploi mais tu ne trouves pas ta vie un peu vide ? Moi : tu es là pour combler ce vide... Papa: je ne serai pas toujours là... Et mon rêve serait de te voir mariée et avec des enfants. Tu ne sais pas à quel point j'aimerais te conduire moi-même à l'autel le jour de ton mariage. Moi: tu le feras papa ! Papa: oui mais quand ? Le temps passe... Bientôt, je ne serai peut-être plus là. Moi : ne dis pas ça papa... Et puis il y a la chimio... Papa : c'est non ! Moi (choquée) : comment ? Papa : je ne ferai pas de chimiothérapie. Le peu de temps qu'il me reste à vivre, j'aimerais le passer comme une personne normale. Je veux te voir heureuse, je veux sortir, je veux sentir le vent sur mes lèvres et l'air de l'extérieur sur mon visage. Je veux sentir les gouttes de pluie sur mon visage mais surtout je veux porter mes petits enfants et te conduire à l'autel. Voilà ce que je veux... Mais pas de chimio. Alors que cherche mes mots, l'infirmière arrive au même moment. Elle emmène papa en salle d'analyses. Je reste là sans savoir quoi faire ou dire... Ses paroles raisonnent dans ma tête mais elles ont du mal à passer. Comment ça, il ne veut pas de chimio ? Le docteur enfin, Jacques fait à son tour son entrée dans la chambre. Jacques : l'infirmière est passée ? Moi : oui... Elle vient juste de l'emmener pour ses analyses. Jacques : ça va ? Vous allez bien ! Moi : il ne veut pas de chimio. Jacques : Comment? Moi : la chimio il n'en veut pas... Il veut que je me marie et que j'aie des enfants alors que moi je veux juste qu'il vive. Pourquoi est-il aussi têtu ? Il vient s'asseoir près de moi le regard plein de compassion. Jacques : tu dois savoir que ce n'est pas facile pour lui aussi toute cette situation. Moi : je sais mais je ne peux pas le laisser partir ainsi, pourquoi il ne veut pas se battre ? Pourquoi il veut abandonner. Et puis je trouve un mari où moi ? Jacques : je crois que tout ce que ton père souhaite c'est ton bonheur. Moi : alors pourquoi il ne se bat pas ? Jacques : la chimio n'est pas facile et tu le sais. Il en fait du courage pour le faire et il l'a fait une fois et ça n'a pas vraiment fonctionné. Moi : mais ça lui a fait du bien... D'ailleurs c'est grâce à ça qu'il est toujours en vie. Jacques : mais ça n'enlève rien à la souffrance qu'il continue d'endurer. Tu dois comprendre que c'est sa décision. Tout ce que tu peux faire, c'est le soutenir et prendre soin de lui. Moi (triste) : combien de temps ? Jacques : hein ? Moi : combien de temps lui reste-t-il à vivre s'il ne fait pas chimio... Jacques (mal à l'aise ): 12 mois ou 18 tout au plus. Je me lève complètement dépassée. Et il faut que j'accepte ça ? Sniff c'est très difficile pour moi tout ça. Jacques : je suis désolé Fabiola. Je pleure mais ça n'enlève rien à la douleur que je ressens. Un an ? Mon Dieu mais pourquoi ? J'essuie mes larmes et vais me placer près de la fenêtre. Jacques (sortant) : il aura besoin de toi. Je réfléchis un long moment et puis finalement je me dis que je suis peut-être un peu égoïste. Je ne pense qu'à ma douleur de le perdre mais je ne pense pas à la douleur qu'il ressent à cause de cette maladie. Même si ça me fait mal, je dois respecter sa décision et être là pour lui. Et puisqu'il ne compte pas changer d'avis, je vais devoir faire des compromis. J'ai exactement un an pour trouver un mari et tomber enceinte.