II

399 Words
IIIl rentrait tantôt de bonne heure, tantôt plus tard. Une fois même, l’astre était couché depuis longtemps lorsque le fer de son cheval résonna sur le pavé de la cour ; mais la nuit était si noire qu’il s’était égaré dans la forêt. Une autre fois, il était près de minuit ; mais la nuit était si claire que c’était presque le jour, et que la chasse n’avait cessé que par pitié pour les jambes des chevaux. Ce jour-là, madame Hélène avait été vraiment inquiète ; elle ne le fut pas le lendemain quand le soir ne ramena pas le chasseur : c’était la nuit de la tout à fait pleine lune ; on aurait lu dans le missel ! Elle ne l’attendit pas avant l’achèvement de toute la soirée. Et elle fit bien. Le soir vint, personne ; la nuit vint, pas un bruit de cor ni un hennissement de cheval ; à minuit, personne encore. Elle commença un peu à se troubler ; toute chasse est dangereuse : les bêtes sont si méchantes qu’un loup attaqué se jette sur le chasseur ; et puis, la lune a beau vouloir, elle n’est jamais le soleil, un cheval butte et précipite le cavalier ; enfin, toutes les chimères de l’attente. Elle passa ainsi plusieurs heures, ne se couchant pas, écoutant à sa fenêtre ouverte, envoyant des gens sur la route, y allant elle-même, n’entendant rien, décidément tourmentée. La lune disparut à l’horizon, et alors la chasse n’eut plus aucun bon motif de ne pas être terminée. Il est vrai que l’aube allait se lever, et que ce n’était pas bien la peine de rentrer pour ressortir aussitôt. Tout à coup, une idée plus cruelle mordit la pauvre dame. Cette fois comme les autres, son seigneur ne l’avait pas quittée sans jurer de ne pas aller au dragon cette journée encore ; mais la journée était finie depuis plusieurs heures : c’était maintenant le lendemain, et il n’avait pas juré pour le lendemain ! Elle interrogea tous ceux qui étaient debout et fit lever tous ceux qui étaient couchés ; mais personne ne savait rien de son seigneur, ni la route qu’il avait prise, ni l’habit qu’il avait. Elle courut à la salle où étaient les armures. Là, elle apprit la vérité. La plus serrée cotte de mailles, la plus longue lance, l’épée la mieux trempée et le casque le plus horrible, étaient absents. En revanche, il y avait, pendus à un clou, et dépaysés parmi le fer et l’acier, le justaucorps de peau, le ceinturon de cuir et la toque à plumes de coq, dont son seigneur s’était habillé devant elle.
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