7 - Détournements de fonds

1500 Words
Alekseï observa avec un brin d'inquiétude l'Alpha qui faisait des allers-retours entre la table de sa cuisine et la chaise qu'elle éloignait de plus en plus à chaque passage. Cette fille était sacrément têtue, il avait oublié ce détail avec les années. Elle n'avait pas été capable d'enfiler les vêtements que Bailey lui avait amenés donc elle se baladait actuellement avec l'un de ses propres pantalons de sport dont le cordon était serré au maximum pour ne pas qu'il retombe plus bas que ses hanches et d'un tee-shirt trop petit pour lui mais trop large pour elle dont l'encolure n'arrêtait pas de glisser sur l'une de ses épaules. — C'est bon Rya, assieds-toi maintenant, tu vas finir par épuiser tes forces! — Je ne peux pas! Il faut que je retrouve une vraie mobilité avant lundi matin pour pouvoir retourner au bureau sans que personne ne remarque rien. siffla-t-elle, en nage, avant de faire un nouveau passage devant lui. Évidemment, ce qui devait arriver, arriva. À bout de forces sur ses jambes flageolantes, elle s'écroula à genoux sur le carrelage manquant de peu de s'assommer sur le coin de la table dans sa chute. — Ne dis rien! gronda-t-elle avant qu'il ait pu ouvrir la bouche pour sortir un "Je t'avais prévenue!" qu'elle aurait bien mérité. Il soupira et la porta de nouveau jusqu'au lit où elle avait passé l'essentiel de sa journée à reprendre les quelques forces qu'elle venait de gaspiller bêtement. — Poses des congés! C'est toi la patronne après tout! — Impossible en ce moment, j'ai une grosse affaire sur le feu. Un contrat avec six zéros à la clef. Je dois rencontrer le PDG de Lombard Industrie à huit heure tapantes lundi matin. — Et si tu avais eu un accident? Comment aurais-tu fait? — Je ne sais pas mais la question ne se pose pas puisque je n'ai pas eu d'accident. — Et bien tu n'as qu'à prétendre le contraire. Une chute dans l'escalier pourrait être une bonne excuse. Elle y réfléchit un instant et secoua la tête. — Je n'ai pas de bleus! — À quoi sert le maquillage? Tu crois que les acteurs qui ont des blessures ou des cocards dans les films sont réellement blessés? Bébé pourrait s'en charger, elle a fait un stage en théâtre, il y a deux ans. — Je ne sais pas, passer pour une femme incapable de tenir sur des guibolles, je ne suis pas sûre que ça donne une bonne image de moi et d'ImExNor. soupira-t-elle doucement. — Alors sers-toi de l'incident avec ma mère, ce n'est pas un mensonge et tu passeras même pour une héroïne. Tu aurais pu me dire que c'était toi qui étais venue à son secours d'ailleurs, j'ai cru qu'elle s'était débarrassée seule de ses trois assaillants. — Non! Si j'ai laissé courir ce bruit, ce n'est pas pour rien! Aux yeux de tous, il faut qu'elle passe pour une femme forte qui a réussi à se débarrasser de trois gaillards plus costauds qu'elle. Ça évitera que d'autres essayent de s'en prendre à elle après ça! Je ne pourrais pas toujours être là pour la protéger et une bonne réputation de warrior sera toute aussi efficace qu'un garde du corps. Ceci dit, je vais quand même demander à Gary si un poste au bar l'intéresserait. — Ma mère ne pourra pas le salarier! — Qui a dit qu'elle paierait? Et puis, je suis sûre qu'elle ne cracherait pas sur une paire de bras supplémentaire. Je ne sais pas comment elle fait pour gérer le bar, la salle et la compta mais une chose est sûre, Dotty est impressionnante de faire ça toute seule depuis aussi longtemps! Regarde-moi, une seule soirée là-bas et je suis incapable de bouger! tenta-t-elle de plaisanter... mais sa vanne tomba à plat. Il ne décocha même pas un sourire du bout des lèvres, se contentant de la fixer, un pli pensif entre ses sourcils froncés. — Elle pourrait embaucher elle-même si elle payait moins de taxes. dit-il gravement. — Quelles taxes? Le bar est sur le territoire de Moon Falls, il n'y a pas d'impôts fonciers dessus! Il la dévisagea avec une intensité qui la mit mal à l'aise. — Alek? Pourquoi tu me regardes comme ça? — Tu n'es pas au courant?! lâcha-t-il à moitié en la questionnant, à moitié en l'affirmant. — Au courant de quoi? — De la dîme que ton père a mis en place pour les commerçants de Moon Falls. — Ah ça! Si. C'est pour l'entretien de la Meute, y compris les bâtiments desdits commerces d'ailleurs. — Tu as une idée du montant que payent les commerçants, Rya? — Cinq ou six pour cent de leur recette, selon les commerces, il me semble, c'est plutôt raisonnable même si je trouve ça un peu élevé. J'aurais plutôt mis deux à trois personnellement. D'ailleurs, je comptais baisser le montant cette semaine. — Tu peux multiplier tes premiers chiffres par dix! lui apprit-il alors. Ma mère verse plus de la moitié de sa recette mensuelle à la Meute. C'est à peine si elle se dégage un salaire de misère une fois qu'elle a payé ça, l'électricité et les fournisseurs. — Quoi? Je n'ai fait que jeter un coup d'œil rapide aux comptes pour voir si la Meute avait les reins solides mais je suis sûre des chiffres que j'ai vus! Ta mère était aux alentours de deux cent par mois, parfois moins! — Elle a payé plus de deux mille le mois dernier pour une recette de trois mille cinq! — Merde alors! Et depuis quand ça dure? — Toujours! Ça a légèrement augmenté il y a un an ou deux mais ça a toujours été aussi cher! — Tu étais ici plus souvent que moi, qui tenait les comptes, tu le sais? — Ton père je suppose. En tout cas, c'est Basile qui passait chaque mois pour encaisser les sommes. — Impossible que ce soit Père. dit-elle en secouant la tête vigoureusement. — Écoutes Rya, je sais que c'était ton père mais... — Non! Ça n'a rien à voir avec ça. L'Alpha était dyslexique, c'était un secret bien gardé mais c'est vrai. D'où crois-tu que je tienne ma facilité dans les affaires? J'ai commencé à tenir les comptes de la Meute dès que j'ai su calculer. À neuf ans, je gérais toute la partie financière et administrative de Moon Falls. Mon père ne savait même pas distinguer un "5" d'un "S" ou un "p" d'un "d", il était quasiment illettré et ne savait compter que sur ses doigts! — Mais alors qui...? — À qui profite le crime? J'ai été déchargée de mes "devoirs" envers la Meute quand Basile est devenu Bêta après la mort de Piotr. Basile qui a persuadé mon père de m'envoyer en pension en te prenant comme prétexte, Basile qui encaissait l'argent auprès des commerçants et maquillait les comptes derrière. Je ne m'étonne plus qu'il veuille prendre sa retraite maintenant, il doit avoir un matelas confortablement garni de vos économies après toutes ces années de bons et loyaux services. dit-elle avec un regard flamboyant. Et puisqu'il a cru qu'on avait eu un flirt autrefois, quand je lui ai dit que je ne voulais pas de Jay comme Bêta, il a lâché ton nom en pensant que je serais trop occupée à te faire les yeux doux pour contrôler les comptes de plus près. — Que comptes-tu faire? — Je lui botterais bien les fesses moi-même mais je suis pas trop en état actuellement et puisqu'il a recruté lui-même chaque lieutenant, je dois partir du postulat qu'ils ne feront rien contre lui! gronda-t-elle, exaspérée avant qu'un sourire malicieux n'éclaire soudain son regard. Tu as un ordi et une connexion internet ici? — Il y a le wifi gratuit mais je suis désolé, je n'ai pas de PC portable, uniquement mon smartphone. — Ce ne sera pas assez puissant. Je peux te demander un service? — Dis-moi et j'obéirais! lança-t-il alors. Elle le regarda pensivement avant de lui offrir un sourire taquin qui fit battre le cœur du mâle un peu plus vite et qui propulsa une vague de désir dans son entrejambe. — Ne dis pas ça trop vite ou je vais te prendre au mot! lâcha-t-elle avant d'ajouter une phrase qui fit aussitôt redescendre sa libido au degré zéro. J'ai toujours besoin d'un Bêta après tout. — Quel service as-tu besoin que je te rende? dit-il en soupirant. — Il faudrait aller jusqu'au bar, dans le coffre de ma voiture, sur le parking, il y a mon ordinateur portable. Le problème c'est que je n'ai aucune idée de l'endroit où j'ai laissé mes clés, peut-être dans la poche d'un de mes vêtements que j'ai laissés dans le bureau de ta mère. Autre problème, c'est Bailey qui doit avoir les clés du bar. Ça va te faire faire pas mal d'allers-retours. — Un seul en fait, ta voiture est garée devant chez moi. Je reviens! dit-il en s'éclipsant aussitôt. ~~~~~~~~~~~~~~~
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