Le soleil était déjà haut dans le ciel quand Arya se réveilla, ankylosée comme si elle avait participé à un triathlon. Elle était bien trop courbaturée pour se lever immédiatement alors elle observa ce qui l'entourait avec curiosité. La dernière chose dont elle se rappelait c'était Bailey qui allait déposer la recette dans le coffre de sa tante, après ça, c'était le trou noir!
Premier constat : elle n'était pas dans sa chambre!
Seconde observation : elle n'était pas non-plus dans une chambre de femme, donc pas dans celle de Bailey non-plus!
Tout dans ce qu'elle pouvait voir était masculin : le mobilier sombre, la peinture des murs, la montre qui était posée sur la table de nuit. L'air lui-même était saturé par l'odeur d'un mâle. Une odeur qu'elle connaissait sans toutefois la reconnaître. Ce n'était pas celle de Basile ou de Jay, ça c'était une certitude mais elle n'arrivait pas à mettre un nom sur cette odeur de pin et d'ambre gris si familière.
Elle réussit à basculer tant bien que mal sur le dos pour observer l'autre côté de la pièce. Le décor était minimaliste pour ne pas dire spartiate. En dehors de la table de chevet de son côté, du grand lit dans lequel elle gisait, il n'y avait qu'une petite commode à trois tiroirs, un grand bureau et une chaise. Rien de plus.
Elle poussa un cri de douleur lorsqu'elle voulut s'asseoir, elle avait l'impression que quelqu'un s'était amusé à lui rouler dessus et que ses os n'étaient plus que des esquilles qui lui lardaient les muscles comme autant d'aiguilles.
La porte de la pièce s'ouvrit à la volée et une grande et large silhouette s'avança précipitamment vers le lit où elle se trouvait. L'odeur d'ambre gris et de pin se fit plus intense toutefois, les larmes que la douleur avait provoquées chez la jeune femme l'empêchèrent de distinguer le visage du mâle qui était penché sur elle.
— Rya?
Ce n'est qu'en entendant ce surnom qu'elle comprit à qui elle avait à faire.
— Salut Alek, contente de te voir... Enfin, façon de parler! dit-elle en tentant de sécher ses larmes.
Il posa une main sur son front, elle était fraîche et sèche contre sa peau moite et brûlante.
— Ta fièvre est redescendue. constata-t-il avec une pointe de satisfaction dans la voix.
— Vraiment? J'ai l'impression d'être en feu pourtant. Désolée de te demander ça mais j'arrive pas à lever mes bras, tu veux bien m'essuyer les yeux que je puisse te voir?
Un gant frais vint se poser sur son front et ses yeux. Une fois ses larmes absorbées par le tissu, elle ne put que l'observer pendant qu'il continuait à balader le gant sur le reste de son visage et jusque dans son encolure. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle réalisa qu'elle était nue, ou presque!
— Puisque tu es réveillée, je vais te faire couler un bain. Comment te sens-tu?
— Je pense que je suis en meilleure forme que ta mère. Comment va-t-elle? Tu as pu la voir?
— J'y suis passé ce matin. Ses os se ressoudent bien mais c'est douloureux. Elle te remercie d'avoir gardé le bar ouvert hier d'ailleurs.
— Si j'avais su, je me serais abstenue. grommela la jeune femme. Je suppose que c'est Bailey qui t'a contacté.
Il hocha la tête en se dirigeant vers la salle de bain contiguë à la chambre.
— Elle t'a dit pour mon Âme-sœur? Si ça ne t'embête pas, j'aimerais que ça reste entre nous! grogna-t-elle en l'entendant acquiescer.
— Pourquoi crois-tu que tu es ici et pas à la clinique? demanda-t-il ironiquement.
— Merci.
— Remercié bébé, c'était son idée.
— Alors merci de m'avoir empêchée de couler il y a dix ans! Ça, c'est à toi que je le dois et je n'ai jamais pu le faire puisque Basile et mon père s'étaient mis en tête qu'on se faisait un bain de minuit en amoureux! soupira-t-elle.
— Tu aurais pu leur dire ce qui s'était passé! grommela-t-il.
— J'aurais pu si j'en avais eu l'occasion. Je sais pas si tu étais déjà parti ou pas mais mon père m'a expédiée en Angleterre dès le lendemain. Si j'avais su que c'était à cause de ça, évidemment que j'aurais insisté pour lui parler. Mais bon, Père...
— Était un lâche doublé d'un imbécile insatisfait. dit le mâle en la fixant sévèrement.
— Je ne le reconnaîtrais pas en publique mais, oui! Et bien d'autres choses encore!
Le regard d'Alekseï s'adoucit lorsqu'il l'entendit confirmer ses dires.
— Je parlais de toi avec Basile hier soir justement. Il pense que mon père avait peur de toi!
— Et comment en êtes-vous arrivés à parler de moi?
— J'ai besoin d'un Bêta. Basile m'en a proposé un.
— Qui est l'heureux élu?
— Jay! cracha-t-elle dédaigneusement ce qui lui valut un regard surpris d'Alek.
— Mouais... Pas mal mais pas très fiable. Il perd la tête dès qu'il y a une jupe qui passe. Sinon, c'est un bon gars.
— C'est bien pour ça que j'ai dit à Basile que je voulais quelqu'un d'autre et que ton nom est venu dans la conversation.
Il la regarda, choqué par ce qu'il venait d'entendre. Lui, Bêta?
— C'est Basile qui a proposé mon nom ou toi?
— Basile mais il a lourdement insisté pour dire que Père aurait désapprouvé... Ceci dit, l'approbation de feu mon géniteur, passe-moi l'expression mais je m'en tamponne un peu le coquillard!
— Là, je te reconnais enfin! dit-il en riant.
Il revint vers elle et retira la couette qui la couvrait. Elle tenta désespérément de s'accrocher du bout des doigts au tissu mais celui-ci vola dans la pièce, la laissant exposée devant Alek. Elle écarquilla les yeux mais ne dit rien puisqu'il garda ses yeux gris fixés sur son visage, il la souleva sans difficulté, lui arrachant un cri de surprise et de douleur en même temps.
— Ça va aller, tu es forte, tu t'en remettras! lui dit-il contre sa tempe avant de la plonger doucement dans l'eau agréablement tiède de la baignoire.
— Ouais mais bordel, que c'est douloureux! haleta-t-elle.
— C'est qui cet Alpha?
— Trelaunay, Wolf Creeks. soupira-t-elle.
— Et ta louve, comment se sent-elle?
— En colère et mal en même temps. Surtout en colère.
— Je peux comprendre. Tu n'as rien à regretter, sa Meute est aussi bidon que lui. Tout pour les apparences..
— Comment sais-tu ça?
— On discute entre chasseurs pendant les campagnes. J'en connais deux de Wolf Creeks. Cette Meute court à sa ruine, surtout avec Quentin aux manettes. C'est un gosse de riche qui n'a jamais rien fait de sa vie. Il ne vit que de l'argent de son père qu'il dilapide à tout va en achetant voiture de luxe et bimbos décoratives.
— T'aurais vu la dégaine de sa dernière poule! se mit-elle à pouffer. Teinture carotte, décolleté jusqu'au nombril et pantalon fendu jusqu'aux hanches. À chaque fois qu'elle faisait un pas, elle était littéralement à poil!
— Tu veux dire qu'il t'a présentée à sa copine du moment? s'exclama-t-il d'un air outré.
— Non, il n'a pas poussé le vice jusque là! Mais, contrairement à lui, je ne suis pas stupide, j'ai vite compris. Pauvre fille, je la plains au fond! Elle est persuadée qu'il va la prendre comme Luna.
— Et pourquoi penses-tu le contraire?
— Il va se servir d'elle jusqu'à ce qu'il en ait marre et la jettera comme un mouchoir usagé. D'ailleurs, la fin est proche. Son loup lui a grogné dessus hier et tu sais comment sont les loups une fois qu'ils ne peuvent plus sentir quelqu'un! La question que je me pose c'est : a-t-elle cru qu'elle allait devenir Luna parce qu'il le lui a dit pour la faire grimper dans son plumard ou s'est-elle fait des films toute seule parce qu'elle couche avec lui? Si c'est la première solution, elle est vraiment plus à plaindre qu'à critiquer, dans l'autre cas...
— Elle est plus à critiquer qu'à plaindre! continua-t-il pour elle
— C'est ça!
— Le bain à l'air de te faire du bien. constata-t-il soudain en enlevant une mèche de cheveux.
— Oui, je suis courbaturée de partout, c'est horrible mais j'ai un peu moins mal.
— Ne bouge pas, tu risques de glisser! Je vais appeler bébé pour qu'elle t'amène des vêtements. Pas que tes sous-vêtements soient moches mais je suppose que tu n'as pas vraiment envie de te promener dans cette tenue toute la journée.
— Bah, au pire, je laisserais ma louve sortir si quelqu'un vient!
— Quelqu'un est déjà là. dit-il en se pointant du doigt avec un clin d'œil complice avant de quitter la pièce.
Elle l'entendit parler au téléphone dans la chambre et se détendit un peu. Il n'avait fait aucun commentaire sur son apparence et elle lui en était reconnaissante. Elle avait hâte de remettre sur le tapis cette histoire de Bêta qu'il semblait prendre un peu à la légère.
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