Chapitre 32 : Laissez tomber vos peurs

1580 Words
Jade — Déshabille-toi. — Je déglutis difficilement, je ne me sens pas bien, j'ai trop chaud, mais je ne veux pas me déshabiller, pas avec lui. — Où sont mes collèges ? — Je suis sûre que je suis venue avec quelqu'un d'autre, mais je ne me souviens plus très bien. — J'ai dit, déshabille-toi ! — Le coup sur ma joue me fait détourner le visage, ça fait trop mal ! — Laissez-moi partir, s'il vous plaît. — Je commence à me sentir vraiment mal, je suis fatiguée, épuisée. — Tu partiras, Jade, bien sûr que tu partiras quand tu auras réalisé tous mes fantasmes, et maintenant, déshabille-toi ! — Il lève à nouveau la main et j'ai peur. C'est étrange, je ne sais pas ce qui ne va pas chez moi, je ne devrais pas laisser cet homme me traiter comme ça. Je sais, mais même si c'est très clair dans mon esprit, je n'arrive pas à trouver un moyen de me défendre, je me sens si fatiguée et terrifiée. — Je vais le faire, ne me frappez plus, s'il vous plaît. — Je commence à déboutonner ma chemise, mes mains tremblent. — Dépêche-toi ! ¡Coño! — Les boutons de ma chemise sautent dans la pièce à cause du geste brusque de Cienfuegos qui ouvre ma chemise et commence à déboutonner mon pantalon. Je veux courir et le frapper, mais je n'en ai pas la force, j'ai peur ! — Non, non, mon Dieu, ne me touche pas, Cienfuegos, s'il te plaît. — Je sens l'humidité sur mes joues et je me réveille immédiatement. Je regarde autour de moi, le paysage défilé par la fenêtre du conducteur. — Jade, ce n'était qu'un cauchemar, tu es en sécurité — La voix de Darling m'aide à me calmer. Nous sommes en route pour Boston, j'ai très mal à la poitrine et je suis censée me reposer. J'ai dû supplier Darling de m'emmener, j'ai menacé de partir et de faire de l'auto-stop. Je suis sûre qu'elle ne m'a pas cru, mais malgré cela, elle a décidé de m'emmener parce que si elle ne le faisait pas, j'allais perdre mon sang-froid. — Ça va ? — Me demande-t-il. Je hoche la tête et regarde à nouveau par la fenêtre. Darling a l'air d'une femme dure et se comporte comme telle, mais elle semble si loyale et Jean lui fait confiance. Au début, j'avais des doutes sur leur relation, mais je suis de plus en plus convaincue qu'ils sont juste de bons amis. — Jean va me tuer, murmure-t-elle et je me tourne vers elle. Tu ne devrais pas faire des allers-retours. Ça pourrait te donner de la fièvre et infecter ta blessure, ça pourrait s'ouvrir à l'intérieur, qu'est-ce que j'en sais. Il peut se passer tellement de choses et je suis sûre que Jean ne me le pardonnerait pas. — Je suis désolée de la mettre dans cette situation, mais je ne peux pas permettre que Jean soit blessé par Cienfuegos. — Je suis désolée, Darling, je te promets que j'essaierai de prendre soin de moi et d'en faire le moins possible. — Je n'ai pas répondu aux appels de ma mère, je sais qu'elle est inquiète, mais je ne pourrais pas lui mentir et finir par lui dire que je vais retrouver Jean et Cienfuegos. — Je l'espère aussi, Jade. Personne ne mérite de vivre ce que tu as vécu. — Je la regarde et je sens que ses mots sont sincères. — Je suis désolée pour ton bébé, ce n'est peut-être pas mes affaires, mais j'espère que tu te sentiras mieux par rapport à sa perte — Mes yeux s'inondent de larmes, car même si je savais qui était son père et comment il avait été conçu, je le sentais faire partie de mon être, qu'il grandissait en moi. — Probablement que personne ne comprendra jamais, mais cela m'a profondément blessée de le perdre et, en même temps, je me sens soulagée parce que, d'une certaine manière, c'était comme une loterie et je ne savais pas à quoi ressemblerait physiquement mon bébé. Tu crois que c'est mal ? — Même si je l'aimais, ce qui m'inquiétait le plus, c'étaient ses gènes paternels. Je priais la nuit pour qu'il me ressemble en tous points. — Non. Je pense que c'est humain de ressentir cela et en plus, je suis de plus en plus convaincue que tu es l'être humain le plus sensible que j'aie jamais rencontré — Darling me tend la main, tandis que j'essuie une larme de ma main libre — N'oublie pas que tu es la lumière de Jean, mais avant tout, tu es ta propre lumière. — Je souris entre deux larmes, je dois être courageuse, embrasser la peur ou la laisser derrière moi. — Nous sommes arrivés. Je regarde l'endroit, quelques personnes font la queue et ça ressemble à un bar ordinaire, le genre qu'on trouve n'importe où sans que ça ait l'air suspect. — Allez, je suis sûr que Cienfuegos ne t'attend pas. — Bien sûr que non, ni lui, ni Jean. Je suis censée me reposer, mais je ne peux pas le faire en sachant ce qui se passe. — Jade, pourquoi ne l'as-tu pas signalé ? — Je ferme les yeux en me rappelant tout ce qui s'est passé il y a quatre mois. — Je l'ai fait — lui dis-je et je me dirige doucement vers l'entrée. Mes collègues et moi l'avons dénoncé à mon patron et, contrairement à ce que je pensais, il ne m'a pas soutenue. Je n'ai jamais utilisé le nom de famille de mon père dans mon travail, c'est un homme d'affaires très connu dans mon pays et mon grand-père était un homme politique, il avait donc beaucoup de contacts, donc être Jade Leblanc dans mon monde professionnel, c'était comme avoir tout sur un plateau d'argent. Mon patron ne savait donc pas qui était mon père et a fermé les yeux, et en Espagne, je me suis sentie jugée et accusée lorsque j'ai commencé à le dénoncer au moment où Cienfuegos m'a libérée. J'ai donc préféré quitter mon travail et je n'ai pas essayé de porter plainte en France parce que je ne voulais pas que mes parents souffrent aussi. À mon retour, pendant quelques semaines, je suis restée enfermée dans mon appartement. J'ai dit à mes parents que je partais en voyage et j'ai passé des heures et des jours devant la télévision, sans dormir et en mangeant mal. J'avais l'impression que mon monde s'était écroulé, je me sentais sale. Je me douchais constamment, j'évitais de dormir pour ne pas faire de cauchemars, je revivais chaque moment passé avec Cienfuegos et je me forçais à regarder des séries drôles pour ne pas penser. J'ai parlé à mes parents pour qu'ils ne s'inquiètent pas et je n'ai pu le faire que pendant quelques secondes ou minutes, avant de leur raccrocher au nez avec une excuse quelconque parce que je ressentais l'énorme besoin de pleurer. Je détestais Thym de m'avoir trompée il y a deux ans et je me détestais d'avoir laissé Jean partir. Le plus douloureux, c'est que je n'arrêtais pas de penser à lui, je lui écrivais des messages à n'en plus finir pour lui expliquer ce qui s'était passé et lui demander de me pardonner, mais à chaque fois, je n'envoyais pas les messages. Je regardais les quelques photos que Jean avait sur les médias sociaux, je me connectais avec le profil de ma meilleure amie, je me souvenais encore et encore de notre nuit de noces, mais l'image de Cienfuegos salissait tout et me plongeait dans l'enfer. J'ai survécu jusqu'à ce que j'apprenne que j'étais enceinte de l'homme qui avait abusé de moi. Ce jour-là, les idées les plus sombres ont dansé librement dans mon esprit ; j'ai pensé à tout arrêter et à cesser d'exister. Je ne voulais pas avoir l'enfant et je voulais juste trouver Cienfuegos et mettre fin à sa vie. Je voulais disparaître et m'éloigner de ma famille pour toujours. J'ai pensé à tant de choses, en plongeant dans mon enfer personnel, je me suis sentie si perdue que j'ai cru que je deviendrais folle. — Jade ? Jade, je suis désolée. J'ai une grande gueule, je n'aurais pas dû t'en parler — La voix agitée de Darling me ramène au présent et je sens mes larmes se mouiller, je pleure et nous sommes toujours sur le quai sans bouger. — Ne t'inquiète pas, parler est la moindre des choses, il faudra que je le voie — lui dis-je en essayant de sourire et je ressens le besoin de pleurer à nouveau, j'ai le court souffle, c'est quelque chose qui a commencé à m'arriver après mon enfermement et mon départ de l'appartement il y a deux mois. — Respire, calmement, c'est ça, Jade. Je suis avec toi, avec Jean et avec son abruti de frère chocolatier. Je souris parce que je pense que Darling aime Jérémie et le maltraite pour qu'il ne s'en aperçoive pas. Cette situation me fait reprendre le contrôle et mieux respirer — On ne va pas te laisser seule, en tout cas, moi, je ne le ferais pas, tu peux compter sur moi inconditionnellement. — Elle est loyale et je suis heureuse de savoir que Jean l'a eue à ses côtés toutes ces années. — Merci, Darling. — J'essuie mes larmes et je fais le premier pas vers l'antre de mon bourreau. — Allons-y, je suis prête.
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