XEn tournant à droite dans les broussailles, quand on avait suivi depuis une demi-heure le chemin d’Apiré, on trouvait un large bassin naturel, creusé dans le roc vif. – Dans ce bassin, le ruisseau de Fataoua se précipitait en cascade, et versait une eau courante, d’une exquise fraîcheur.
Là, tout le jour, il y avait société nombreuse ; sur l’herbe, on trouvait étendues les belles jeunes femmes de Papeete, qui passaient les chaudes journées tropicales à causer, chanter, dormir, ou bien encore à nager et à plonger, comme des dorades agiles. – Elles allaient à l’eau vêtues de leurs tuniques de mousseline, et les gardaient pour dormir, toutes mouillées sur leur corps, comme autrefois les naïades.
Là, venaient souvent chercher fortune les marins de passage ; là trônait Tétouara la négresse ; – là se faisait à l’ombre une grande consommation d’oranges et de goyaves.
Tétouara appartenait à la race des Kanaques noirs de la Mélanésie. – Un navire qui venait d’Europe, l’avait un jour prise à mille lieues de là, dans une île avoisinant la Calédonie, et l’avait déposée à Papetee, où elle faisait l’effet d’une personne du Congo que l’on aurait égarée parmi des misses anglaises.
Tétouara avec une inépuisable belle humeur, une gaieté simiesque, une impudeur absolue entretenait autour d’elle le bruit et le mouvement. Cette propriété de sa personne la rendait précieuse à ses nonchalantes compagnes ; elle était une des notabilités du ruisseau de Fataoua…