Ce soir-là, l’inquiétude d’Alexandre se transforma en obsession. Éléa n’avait pas répondu à ses appels, et bien qu’il ait laissé plusieurs messages vocaux, aucune réponse n’était venue. Il laissa un dernier message, plus insistant que les précédents : « Éléa, je commence à m’inquiéter sérieusement. Appelle-moi dès que tu entends ce message. » La nuit tombait, et avec elle, l’angoisse grandissait dans l’esprit d’Alexandre. Il commença à craindre le pire, imaginant qu’Éléa traversait peut-être quelque chose de plus grave qu’il ne le pensait.
Éléa, de son côté, avait vu les appels incessants d’Alexandre s’afficher sur son téléphone, mais elle choisit volontairement de les ignorer. Elle ressentait une colère profonde à son égard, une douleur qui lui pesait lourdement sur le cœur. Elle savait que la seule solution pour soulager cette souffrance était de mettre de la distance entre eux, même si elle devait le blesser en retour. Entendre sa voix, même au téléphone, serait trop difficile, alors elle préféra couper tout contact, du moins pour ce soir.
Mais Alexandre, incapable de se raisonner, décida d’aller directement chez elle pour obtenir des réponses. En arrivant devant l’appartement d’Éléa, il sentit son cœur battre frénétiquement. Il sonna, s’attendant à devoir attendre ou à repartir sans la voir, mais à sa grande surprise, Éléa ouvrit presque immédiatement la porte. Elle avait l’air fatiguée, mais elle semblait en meilleure forme que dans ses pires craintes. Soulagé, il sentit une vague de colère monter en lui.
Sans un mot, il écarta doucement Éléa de la porte et entra dans l’appartement sans y être invité. Surprise, elle le regarda, la bouche ouverte, avant de lui demander sèchement :
— Qu’est-ce que tu fais, Alexandre ? Pourquoi tu es là ?
Alexandre ne répondit pas tout de suite. Il cherchait quelque chose, fouillant dans la pièce d’un regard perçant. Éléa sentit la tension grimper et son impatience se transforma en agacement.
— Qu’est-ce que tu cherches ? Qu’est-ce que tu fais ? s’exclama-t-elle, exaspérée.
Alexandre finit par se retourner, la colère éclatant dans sa voix.
— Ton téléphone ! cria-t-il. Je cherche ton téléphone, Éléa. Pourquoi n’as-tu pas répondu à mes appels ?
Éléa resta sans voix, surprise par la véhémence de ses mots et l'intensité de sa colère. Elle sortit lentement son téléphone de sa poche et le lui tendit sans un mot. Alexandre prit l’appareil et vérifia le volume, le mode, et vit que tout fonctionnait parfaitement. Il comprit alors qu’elle avait volontairement ignoré ses appels.
— Tu te moques de moi, Éléa ? lâcha-t-il, les yeux remplis de reproches.
— Je ne comprends pas, Alexandre. Pourquoi cette colère ?
— Arrête de faire semblant, Éléa ! Arrête de jouer les innocentes !
Elle sentit sa propre colère monter en elle. Ses poings se crispèrent alors qu’elle luttait pour contenir sa voix.
— Jouer ? Moi, je joue ? Tu débarques chez moi sans invitation, tu fouilles, et tu oses m'accuser de jouer ? Qui, dans cette histoire, a vraiment joué ? dit-elle en le fixant, les yeux brillants de colère.
Alexandre se figea un instant, comme s'il prenait conscience de ses propres actions, mais il n’était pas prêt à se laisser déstabiliser.
— Je t’ai appelée des dizaines de fois, Éléa. J’ai laissé des messages, et tu m’as délibérément ignoré. Pourquoi ? cria-t-il, la voix tremblante de frustration.
— Je n’avais pas envie de te parler, répliqua-t-elle froidement. C’est tout.
Le choc se peignit sur le visage d’Alexandre, qui semblait chercher ses mots.
— Pas envie de me parler ? Tu te comportes comme une enfant gâtée, Éléa, murmura-t-il avec mépris.
— Non, c’est toi qui dois cesser ce petit jeu, Alexandre ! Tu arrives ici, tu imposes ta présence, tu me dis de cesser de jouer… Mais c’est toi qui joues depuis le début ! Laisse-moi tranquille, tu veux ?
Alexandre la regarda, ébahi.
— Maintenant, tu me mets dehors ? demanda-t-il, incrédule.
— Oui, Alexandre, je te mets dehors. C’est chez moi ici, et je ne veux plus que tu viennes, je ne veux plus de toi dans ma vie, murmura-t-elle en essayant de contenir ses larmes. C’est terminé, tu n’es que mon patron, et je t’interdis de franchir cette limite.
Alexandre haussa les épaules, un rire sans joie échappant de ses lèvres.
— Quelle limite, Éléa ? Nous avons déjà franchi toutes les limites possibles, souffla-t-il en la fixant avec une intensité presque douloureuse.
— Oui, et je paye les conséquences aujourd’hui ! Toi, tu vis ta vie avec ta femme, heureux comme si de rien n’était, et moi… moi, je...
Il la regarda, confus, hésitant.
— Toi, quoi, Éléa ? demanda-t-il finalement, la voix plus douce.
— Moi, j’essaie de tourner la page, Alexandre, comme toi tu l’as fait. Va vivre ta vie, et laisse-moi tranquille, répondit-elle en serrant les poings.
— Oh, vraiment ? Tu as tourné la page aussi facilement ? ironisa-t-il, blessé.
— Oui, comme toi, tu l’as fait ! Tu m’as utilisée, Alexandre. J’étais juste une roue de secours pour toi, une distraction !
— Ce n’est pas vrai, Éléa. Tu savais dans quoi tu t’engageais. Tu savais que j’aimais encore ma femme malgré nos problèmes, répliqua-t-il avec frustration.
Elle le fixa, des larmes aux yeux.
— Oui, je le savais, mais ça ne rend pas les choses moins douloureuses. Voir que tu es heureux avec elle… ça me tue, Alexandre, dit-elle, la voix brisée.
Il poussa un soupir profond, passant une main tremblante dans ses cheveux. Pour la première fois, il semblait comprendre l’impact de ses actions. Voyant Éléa se décomposer devant lui, il avança doucement et la prit dans ses bras. Elle se laissa aller, pleurant contre lui, ses mains agrippant désespérément sa chemise, comme si elle voulait se raccrocher à quelque chose de tangible dans cette tempête.
Après un moment, lorsqu’elle se fut calmée, Alexandre la regarda dans les yeux.
— Que veux-tu que je fasse, Éléa ? dit-il d’une voix sincère.
— Change-moi de service, souffla-t-elle, la voix faible mais résolue.
Alexandre recula brusquement, comme si elle venait de le gifler.
— Quoi ? murmura-t-il, abasourdi.
— Tu as bien entendu, Alexandre. Je ne veux plus travailler avec toi. Je veux passer à autre chose, et pour cela, j’ai besoin de distance, déclara-t-elle, la voix ferme.
Il resta immobile, fixant le sol. Puis, soudain, il se redressa, se dirigea vers la porte en attrapant sa veste.
— C’est hors de question, Éléa, répliqua-t-il froidement.
Elle resta pétrifiée, choquée par la violence de sa réponse.
— Alexandre, c’est mon droit ! cria-t-elle, la voix tremblante.
Il s’arrêta, la main sur la poignée, se tourna vers elle avec un regard glacé.
— Non, Éléa, et c’est définitif, dit-il avant de disparaître derrière la porte.
Éléa resta là, abasourdie, le cœur brisé, ne comprenant pas l’ampleur de ce qui venait de se passer.