La soirée organisée par Sophie battait son plein, rassemblant collègues et employés dans une ambiance élégante et festive. Éléa n’avait pas vraiment envie d’y assister, mais elle s’était résolue à venir, espérant se distraire. Cependant, dès son arrivée, la vue qui s’offrit à elle derrière les grandes baies vitrées lui fit l’effet d’un coup de poignard. Elle aperçut Alexandre et Sophie enlacés, souriants, dans une complicité évidente.
Sophie, resplendissante dans une robe qui soulignait sa silhouette élancée, incarnait la réussite et le bonheur. Son visage rayonnait tandis qu’elle échangeait un regard tendre avec Alexandre, qui lui rendait son sourire avec une douceur déconcertante. Éléa sentit son cœur se serrer. Elle n’était plus seulement témoin de leur bonheur ; elle ressentait pleinement à quel point elle en était exclue. La douleur de cette vision l’envahit, lui rappelant brutalement qu’elle n’avait été qu’une parenthèse dans la vie d’Alexandre. Leur amour semblait intact, comme si rien n’avait pu l’entacher.
Les yeux embués de larmes, Éléa détourna le regard et s’éloigna à pas rapides, cherchant à fuir ce tableau qui la brisait. Elle erra dans les rues, essayant d’oublier ce qu’elle venait de voir, mais l’image d’Alexandre et Sophie, soudés, heureux, la hantait. Elle n’arrivait pas à se détacher de cette amertume, se sentant trahie et abandonnée. Ce soir-là, elle passa une nuit agitée, ruminant sa tristesse et le sentiment de n’avoir été qu’un exutoire temporaire pour Alexandre.
Le lendemain, les conversations tournaient autour de la soirée. Les éloges fusaient : « Sophie a un goût exquis pour la décoration », « On voit bien que Sophie et Alexandre sont faits l’un pour l’autre », « Quelle soirée inoubliable ! ». Chaque remarque semblait poignarder un peu plus Éléa, lui rappelant qu’elle n’avait été qu’une passagère dans la vie d’Alexandre. Elle essayait de garder son calme, cachant sa peine derrière un sourire poli, mais chaque souvenir partagé par ses collègues la ramenait à son propre chagrin.
Au milieu de cette tourmente intérieure, elle entra dans le bureau d’Alexandre pour déposer un dossier. Alors qu’elle faisait demi-tour pour repartir, sa voix la stoppa.
— Pourquoi tu n’es pas venue hier soir ? demanda-t-il brusquement.
Éléa sentit son cœur s’accélérer. Elle chercha une excuse, tentant de rester sereine.
— J’avais prévu de venir, mais j’ai eu un empêchement de dernière minute, répondit-elle d’un ton neutre.
Il la fixa, l’air dubitatif, avant de répliquer d’une voix plus dure :
— Arrête de mentir, Éléa. Je t’ai vue arriver hier soir, puis tu es repartie sans entrer. Pourquoi ?
Elle sentit sa gorge se nouer. Elle cherchait désespérément quoi dire lorsqu’un bruit de talons résonna dans le couloir. Sophie entra dans le bureau, un sourire radieux aux lèvres.
— Éléa ! On t’a cherchée hier soir ! Tous les employés étaient là, il ne manquait que toi, dit-elle avec une bienveillance évidente, visiblement ignorante du tourment d’Éléa. Elle poursuivit avec enthousiasme : La soirée a été un véritable succès ! J’espère qu’on pourra renouveler ça bientôt, et j’aimerais vraiment que tu sois là la prochaine fois.
Éléa força un sourire, mais elle sentait le regard insistant d'Alexandre, comme s’il attendait toujours une réponse honnête. Sophie, remarquant enfin l’air fatigué d’Éléa, ses cernes et son teint pâle, s’inquiéta.
— Oh, ma pauvre, tu as l’air épuisée ! Peut-être es-tu malade ? Ça expliquerait pourquoi tu n’étais pas là hier soir.
Alexandre, jusque-là sérieux, se rapprocha d’Éléa, l’inquiétude se lisant dans ses yeux.
— Elle a raison, tu n’as pas l’air bien, dit-il d’une voix douce. Tu devrais peut-être consulter un médecin.
Éléa tenta de protester, mais il prit le dossier qu’elle tenait et la raccompagna gentiment jusqu’à la porte, lui conseillant de prendre sa journée pour se reposer. Elle sortit sans un mot, sentant un mélange d’humiliation et de tristesse l’envahir.
Elle savait au fond d’elle que sa relation avec Alexandre n’avait été qu’une illusion. Cependant, voir cette histoire se dissiper pour laisser place à l’image d’un couple parfait et uni la faisait souffrir plus qu’elle ne l’aurait imaginé. Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’Alexandre s’était servi d’elle pour combler ses frustrations avant de la rejeter dès que ses propres problèmes s’étaient dissipés.
Assise dans un parc plus tard dans la journée, Éléa observa les passants, perdue dans ses pensées. La présence de Sophie, si élégante et pleine d’assurance, et l’affection visible entre elle et Alexandre avaient réveillé en elle une douleur profonde. Elle revoyait Alexandre entourant tendrement Sophie de ses bras, et un sentiment de jalousie intense l’envahissait. Peut-être n’avait-elle été qu’un simple « répit » pour lui, une échappatoire provisoire qu’il avait utilisée sans réfléchir aux conséquences. Et aujourd’hui, c’était elle qui souffrait de cette histoire avortée.
Les pensées tourbillonnaient dans son esprit. Elle comprenait qu’elle devait tourner la page et retrouver son propre équilibre, mais chaque souvenir, chaque regard échangé avec Alexandre revenait à la surface. Elle avait cru, naïvement, que cette relation pouvait signifier quelque chose. Mais la réalité l’avait rattrapée : Alexandre avait toujours été amoureux de Sophie, et leur relation n’avait jamais eu un véritable avenir.
Les rires des enfants qui jouaient dans le parc lui rappelèrent qu’il lui fallait revenir à l’essentiel. Elle ne pouvait pas continuer à vivre dans le passé, à se tourmenter avec des illusions. C’était difficile, mais elle savait que pour retrouver la paix intérieure, elle devait se détacher de tout ce qu’elle avait cru partager avec Alexandre.