Éléa et Alexandre étaient installés dans un coin paisible de l’hôtel, dans une petite salle de réunion disponible à l’étage réservé aux clients d’affaires. La pièce, sobre mais élégante, avec un bureau en bois massif et des fauteuils en cuir confortables, offrait un environnement propice à la concentration, bien que la proximité constante entre eux ajoutât une touche de tension presque palpable. La lumière tamisée et le murmure feutré des conversations de l’hôtel semblaient souligner cette atmosphère à la fois studieuse et électrique.
Éléa et Alexandre travaillaient sur un dossier stratégique, plongés dans des documents et des notes éparpillées. Ils s’échangeaient des informations, prenaient des notes et ajustaient leurs idées en silence, bien que chaque mouvement de l’un semblait attirer l’attention de l’autre. Parfois, leurs mains se frôlaient alors qu’ils cherchaient un même document, et chacun de ces contacts semblait envoyer une décharge d’électricité dans l’air.
Leurs regards se croisaient fréquemment, échappant à leur volonté. Éléa pouvait sentir la chaleur de la proximité d’Alexandre chaque fois qu’il s’approchait pour lui montrer un point particulier du dossier, et elle sentait cette attirance qui persistait malgré tout, résistant aux barrières qu’ils avaient tenté de mettre en place. La tension montait, et bien qu’ils tâchaient de rester concentrés, ils ne pouvaient ignorer cette alchimie qui n’avait jamais vraiment disparu.
C’est alors que la porte s’ouvrit, interrompant ce moment suspendu. Sophie fit son apparition, radieuse, et s’avança avec un sourire enthousiaste. Elle déposa un sac de shopping sur la table, signe d’une journée bien remplie.
— Vous ne devinerez jamais qui j’ai croisé ! s’exclama-t-elle joyeusement. Une b***e d’amies que je n’avais pas vues depuis des lustres ! C’était tellement inattendu et agréable de les revoir !
Alexandre, malgré son apparente concentration, accueillit la nouvelle avec un sourire sincère, heureux pour elle.
— C’est génial, ma chérie. Je suis content que tu aies eu cette surprise.
Puis, Sophie annonça avec excitation :
— On a décidé de se retrouver ce soir. On va dîner ensemble pour rattraper le temps perdu.
Alexandre fronça légèrement les sourcils, pris au dépourvu.
— Mais... on avait prévu de dîner ensemble ce soir, rappela-t-il calmement. J’avais réservé dans ce restaurant dont on avait parlé, tu te souviens ? Ça fait longtemps qu’on n’a pas pris le temps de passer une soirée en tête-à-tête.
Sophie lui adressa un regard doux, presque suppliant.
— Oh, je sais, Alex... Mais s’il te plaît, laisse-moi y aller. Je ne sais pas quand je les reverrai ! Ça fait tellement longtemps, et elles repartent demain...
Alexandre soupira, hésitant. Il lui rappela que ce dîner faisait partie de leur programme, une sortie qu’ils avaient convenu de partager.
— Tu avais promis, murmura-t-il, visiblement déçu.
Sophie insista encore, ses yeux pétillants d’espoir.
— Allez, juste pour ce soir. Je me rattraperai demain, promis. Pourquoi tu n’irais pas avec Éléa ? Elle est là aussi pour représenter l’entreprise, non ?
La suggestion prit Alexandre au dépourvu, et il jeta un regard rapide en direction d’Éléa. Un silence embarrassé s’installa dans la salle. Éléa elle-même ressentit une montée de gêne, sentant l’invitation inattendue lui échapper.
— Ce devait être une soirée en amoureux, Sophie, fit-il remarquer, tentant de minimiser l’idée.
Mais Sophie, avec un sourire malicieux, répliqua :
— Allez, Alexandre ! Tu ne vas pas laisser cette réservation se perdre, non ?
Elle se tourna alors vers Éléa, la suppliant presque.
— Accompagne-le, Éléa ! Ce restaurant est magnifique. Et puis, après tout le travail que vous avez abattu ensemble, vous méritez bien un bon dîner.
Malgré ses hésitations, Éléa finit par accepter. Elle savait que refuser serait inutile face à l’insistance de Sophie, qui semblait déterminée à la convaincre. Après tout, ce n’était qu’un dîner professionnel, se dit-elle, tentant de calmer les palpitations de son cœur.
Satisfaite, Sophie s’éclipsa pour aller se préparer pour sa soirée entre amies. Une fois seule dans la pièce avec Alexandre, Éléa sentit une gêne s’installer. Ils échangèrent un regard empli de questionnements silencieux, comme s’ils pressentaient que cette soirée pourrait devenir bien plus compliquée que prévu. Il y avait quelque chose dans les regards, un mélange d’appréhension et de nostalgie qui créait un léger malaise.
— Alors... à quelle heure devrions-nous partir ? finit-elle par demander.
— Disons... dans une heure ? Ça te laisse le temps de te préparer, proposa Alexandre, l’air pensif.
Elle acquiesça d’un signe de tête avant de quitter la salle de réunion, laissant Alexandre plongé dans ses pensées. Tandis qu’elle retournait à sa chambre pour se préparer, Éléa ne pouvait s’empêcher de ressentir un étrange mélange de hâte et de crainte. L’idée de se retrouver seule avec Alexandre dans un cadre aussi intime qu’un restaurant chic réveillait des sentiments qu’elle avait tenté de refouler. Elle se répétait qu’elle devait garder son calme et rester professionnelle, mais elle se demandait comment ils pourraient ignorer la tension qui s’était peu à peu réinstallée entre eux.
Plus tard, après s’être apprêtée, elle rejoignit Alexandre dans le hall de l’hôtel. Il l’attendait, vêtu d’un élégant costume sombre, et lorsqu’il la vit arriver, une lueur d’admiration traversa son regard. Éléa portait une robe discrète mais élégante, et bien qu’elle ne l’ait pas voulu, elle savait qu’elle avait soigné son apparence.
Sans un mot, ils quittèrent l’hôtel et se dirigèrent vers le restaurant. L’endroit était charmant, illuminé par des bougies et décoré avec un raffinement moderne. La table réservée offrait une vue magnifique sur la ville, créant une atmosphère à la fois romantique et élégante.
Installés l’un en face de l’autre, ils commandèrent leurs plats en échangeant des banalités. Mais rapidement, le silence s’installa, chargé de non-dits et d’émotions retenues. Alexandre la regardait intensément, et malgré elle, Éléa sentit son cœur battre plus fort. Elle tentait de se concentrer sur son assiette, mais ce regard insistant la troublait.
La conversation reprit peu à peu, et Alexandre lui parla du projet, des responsabilités qu’elle avait prises avec brio. Il la complimenta pour son travail avec sincérité, mais dans le fond de sa voix, elle percevait autre chose, une certaine tendresse. Ce dîner, qui devait être simplement professionnel, semblait peu à peu déborder des limites qu’ils s’étaient imposées.
Malgré elle, Éléa se surprit à rire, à se détendre, laissant momentanément tomber les barrières. C’était comme si les tensions accumulées depuis des semaines s’étaient dissipées dans cette ambiance feutrée, sous le charme discret du restaurant. Mais elle savait que chaque sourire, chaque regard échangé risquait de les rapprocher davantage, et cette pensée la troublait.
Finalement, au moment de quitter le restaurant, ils échangèrent un regard long et silencieux, comme pour se dire tout ce qu’ils n’osaient pas formuler. Ce regard leur rappelait qu’il y avait bien plus que des discussions professionnelles entre eux, et chacun le ressentait avec une intensité difficile à ignorer.