Franchir la limite

Un Voyage Sous Haute Tension

Après un week-end ressourçant avec Katie, Éléa se sentait pleine d’énergie en ce lundi matin. Les rires et souvenirs partagés avec son amie lui avaient permis de se reconnecter avec une légèreté qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps. Alors qu’elle se dirigeait vers son bureau dans le 8e arrondissement de Paris, elle décida de s’offrir un petit-déjeuner pour prolonger encore un peu ce sentiment de bien-être.

Elle s’arrêta dans un café raffiné du quartier, un lieu qui séduisait par ses pâtisseries dorées, ses étagères débordantes de viennoiseries, et l’odeur envoûtante du café fraîchement moulu. Le décor chic et élégant, avec des présentoirs en bois et des banquettes en velours, rendait l’endroit accueillant. Alors qu’elle hésitait entre un croissant aux amandes et un pain aux raisins, une voix familière la tira de ses pensées.

— On a visiblement eu la même idée, lança Alexandre en souriant.

Éléa fut surprise de le voir là. Ils échangèrent quelques mots, puis commandèrent chacun un café et quelques viennoiseries avant de faire le trajet vers le bureau ensemble. Alexandre lui posa des questions anodines sur son week-end, s’intéressant notamment à la soirée qu’elle avait passée avec Katie. Elle lui répondit simplement, sans en dire trop, ne voulant pas dévoiler combien ces instants avaient été précieux pour elle.

— Ça fait du bien de se changer un peu les idées, ajouta-t-elle finalement, son sourire discret laissant transparaître sa satisfaction.

Alexandre sembla apprécier cet échange léger, mais son expression changea légèrement lorsqu’il aborda un autre sujet.

— Nous allons bientôt partir pour un voyage d’affaires, annonça-t-il d’une voix plus sérieuse. Le contrat avec nos nouveaux partenaires doit être signé, et cela nécessitera quatre jours de réunions et de dîners officiels. Tout est déjà organisé, y compris les chambres d’hôtel.

Après un moment d’hésitation, il ajouta :

— Sophie nous accompagnera.

Éléa nota un pincement de regret dans les yeux d’Alexandre lorsqu’il évoqua la présence de Sophie. Curieusement, elle ressentit un certain soulagement. Peut-être craignait-elle de se retrouver trop proche de lui dans un cadre plus détendu, une pensée qui la traversa un instant avant qu’elle ne la chasse rapidement.

Ils arrivèrent au bureau en silence, chacun plongé dans ses réflexions, laissant le calme s’installer entre eux. Mais Éléa savait que ce voyage pourrait réveiller des souvenirs qu’elle tentait d’oublier, et elle s’efforça de se concentrer sur son travail en attendant le départ.

Le voyage d’affaires débuta dans une atmosphère studieuse. L’accord à finaliser imposait à Alexandre et Éléa un emploi du temps chargé, rempli de réunions et de dîners d’affaires avec leurs nouveaux partenaires. Sophie, qui accompagnait Alexandre, lui offrait une présence constante et affectueuse. Leur proximité semblait inébranlable, et bien qu’Éléa s’efforçât de rester professionnelle, elle ne pouvait ignorer l’impact de cette situation sur son humeur.

Chaque jour, Alexandre et Sophie partageaient des discussions, des regards complices, affichant une aisance et une affection évidentes en public. Cette image pesait sur Éléa, qui devait se rappeler sans cesse de maintenir son calme et de ne pas laisser paraître ses émotions. Bien qu’elle ressente un malaise profond, elle s’appliquait à rester concentrée, consciente que sa réussite professionnelle passait par la performance de ce projet.

Le deuxième jour, au milieu des réunions stratégiques, arriva le moment pour Éléa de présenter les avancées et projections du projet. Tout le monde attendait sa présentation avec impatience, car elle avait été le moteur du développement des détails du contrat. Alexandre, bien qu’essayant de se montrer serein à côté de Sophie, paraissait légèrement tendu.

Éléa prit place devant ses collègues et partenaires, rassemblant tout son professionnalisme. Elle exposa les points clés avec assurance, captant l’attention de la salle. Sa gestuelle calculée, son ton convaincant et ses explications claires faisaient d’elle le centre de la réunion. Assis parmi l’audience, Alexandre ne pouvait détacher son regard d’elle. Il y avait quelque chose dans son aisance, sa confiance, et dans la passion qui animait ses propos, qui le fascinait.

Son regard n’était pas uniquement professionnel. Une admiration teintée de quelque chose de plus intense s’était ravivée, et il suivait chaque geste, chaque sourire d’Éléa. Sa concentration semblait vaciller, oscillant entre la reconnaissance professionnelle et une attirance qui lui échappait. Sophie, quant à elle, suivait la présentation sans remarquer l’attention qu’Alexandre portait à son assistante.

Éléa, bien qu’occupée par son exposé, sentait cette tension palpable. Elle connaissait ce regard, celui qui la dévorait presque. Elle se força à rester concentrée, affichant un sourire poli, mais son trouble intérieur commençait à poindre.

À la fin de la présentation, Alexandre s’approcha pour la féliciter.

— Bravo, Éléa. Tu as fait un travail exceptionnel. On voit ton expertise dans chaque détail.

Son ton était sincère, mais Éléa remarqua une lueur dans ses yeux, une étincelle qui semblait dire bien plus que de simples félicitations. Elle hocha la tête avec un sourire de circonstance, ses pensées mêlées de confusion et d’une certaine colère rentrée.

Profitant de l’absence de Sophie, partie faire du shopping, Alexandre invita Éléa à déjeuner pour préparer la suite des réunions. Assis dans un coin tranquille du restaurant de l’hôtel, il exprima à nouveau son admiration pour son professionnalisme et son sens de l’organisation.

Mais Éléa remarqua que son regard n’avait rien perdu de son intensité. Les compliments d’Alexandre la troublaient, car ils semblaient dépasser la simple appréciation professionnelle. Elle finit par le fixer avec une expression empreinte de détermination et d’une légère tristesse.

— Pourquoi me regardes-tu ainsi, Alexandre ? murmura-t-elle calmement. N’oublie pas que tu as fait ton choix. Tu es un homme marié.

Elle marqua une pause, soutenant son regard.

— Rejoins ta femme.

Le visage d’Alexandre se durcit un instant, pris au dépourvu par la perspicacité d’Éléa. Une ombre de regret passa dans ses yeux, mais il garda le silence. Son regard reflétait ce mélange de désir et de retenue, ce conflit intérieur qu’il tentait de masquer.

Éléa, déterminée, maintint son regard, comme pour lui rappeler la réalité qu’il semblait vouloir éviter. Puis, se levant avec calme, elle prit ses affaires.

— À la prochaine réunion, dit-elle en quittant la table.

Elle sortit du restaurant, laissant Alexandre seul, plongé dans ses pensées et dans le tourbillon d’émotions qu’il tentait tant bien que mal de dissimuler.