Le retour à la normalité, ou presque

1054 Words
Les jours suivants leur nuit ensemble furent marqués par une tension à peine dissimulée. Éléa et Alexandre continuaient à travailler ensemble, comme si rien ne s'était passé, mais la vérité était tout autre. Chaque geste, chaque regard portait un poids nouveau, un fardeau invisible qui pesait sur leurs épaules. Les échanges professionnels, qui jadis étaient simples et fluides, étaient désormais teintés d’un sous-texte qu’ils essayaient tant bien que mal de cacher. Éléa ne savait plus comment se comporter. Elle oscillait entre le désir de retrouver cette proximité avec Alexandre, cette connexion qu’ils avaient partagée, et la peur des conséquences de leurs actes. Elle se souvenait des mots de Sophie, des tensions non dites dans le mariage d'Alexandre, et elle se demandait si elle n'avait pas franchi une limite irréparable. Pourtant, une part d’elle ne pouvait s’empêcher de revivre ces moments, de se rappeler chaque b****r, chaque caresse, comme un souvenir gravé dans sa chair. Un matin, alors qu'elle travaillait à son bureau, Alexandre passa la tête par la porte. Leur regard se croisa, et elle sentit son cœur s’accélérer. Il semblait hésitant, presque inquiet. Il s’approcha et s’arrêta juste devant elle. — Est-ce que tu as un moment ce soir ?, demanda-t-il d’une voix basse. Nous devons parler. Éléa le fixa un instant, le silence pesant entre eux. Elle acquiesça finalement d’un signe de tête, son estomac se tordant légèrement. Alexandre hocha la tête en retour et repartit sans un mot de plus, la laissant seule avec ses pensées. Plus tard ce soir-là, ils se retrouvèrent dans un petit restaurant à l’écart, loin des regards de leurs collègues ou des clients potentiels. Éléa était nerveuse, ne sachant pas exactement ce qu’elle attendait de cette conversation. Alexandre, de son côté, paraissait tendu, mais déterminé à mettre les choses au clair. Le repas commença dans un silence relatif, interrompu seulement par des phrases banales, des échanges courtois. Mais il était clair que ni l’un ni l’autre ne parvenait à s’échapper de la gravité de ce qui les liait désormais. Finalement, Alexandre prit une profonde inspiration et posa sa fourchette. — Je ne peux pas continuer comme ça, déclara-t-il, le regard fixé sur elle. Je pensais que je pourrais, mais je n’y arrive pas. Éléa sentit son cœur s’emballer de nouveau, mais cette fois d'une manière différente. Il ne s’agissait plus seulement du désir, mais d’une angoisse sourde, une crainte de ce que ses mots allaient signifier. — Qu’est-ce que tu veux dire ?, demanda-t-elle doucement. Alexandre laissa passer un long silence avant de répondre, comme s’il pesait chaque mot avant de le prononcer. — Ce que nous avons partagé…, il marqua une pause, ce n’était pas qu’une erreur de jugement ou un moment d’égarement pour moi. C’était réel. Je le ressens encore. Éléa baissa les yeux, incapable de soutenir son regard. Elle sentait tout le poids de ses mots, mais elle savait aussi que la situation n’était pas simple. — Mais Sophie…, murmura-t-elle. Tu es marié, Alexandre. Il hocha la tête, une ombre de tristesse traversant son visage. — Oui, je le suis. Et je ne peux pas ignorer ça. Il inspira profondément. Sophie et moi, nous sommes mariés, mais nous sommes tellement éloignés l’un de l’autre. Nous ne sommes plus vraiment ensemble depuis longtemps. Et cette distance… elle me ronge, elle me fait me sentir vide. Ses mots la frappèrent plus fort qu’elle ne l’aurait imaginé. Éléa réalisa alors à quel point il souffrait, à quel point ce mariage qui semblait si solide de l’extérieur n’était en réalité qu’une façade. Mais cela ne rendait pas la situation plus facile. — Alexandre, commença-t-elle prudemment, cherchant ses mots, je ne peux pas… être celle qui détruit tout. Ce n’est pas juste pour toi, ni pour moi. Nous avons franchi une limite, et je ne sais pas si on peut revenir en arrière. Il leva les yeux vers elle, et cette fois, elle ne put pas détourner le regard. Il y avait une vulnérabilité dans ses yeux qu’elle n’avait jamais vue avant. — Je ne te demande pas de détruire quoi que ce soit, répondit-il d’une voix douce. Je sais que ce qui s’est passé entre nous a changé quelque chose. Mais je ne peux pas ignorer ce que je ressens pour toi, Éléa. Et je ne veux pas que tu l’ignores non plus. Elle sentit une vague d’émotion la submerger. C’était comme si toutes les questions qu’elle s’était posées, tous les doutes qu’elle avait eus trouvaient enfin une réponse. Mais cette réponse n’était pas simple. Elle avait des conséquences. Des conséquences pour lui, pour elle, pour leur carrière, et pour Sophie. — Je ne sais pas quoi dire, murmura-t-elle, ses mains tremblantes sous la table. Il posa une main sur la sienne, un geste simple, mais chargé de significations. Éléa sentit la chaleur de sa peau contre la sienne, et cela suffit à raviver toutes les émotions qu’elle essayait de contrôler depuis des jours. — Ne dis rien pour l’instant, répondit-il. Mais je veux que tu saches que, quoi qu’il arrive, je suis prêt à faire face aux conséquences. Je ne peux pas vivre dans le mensonge éternellement. Ils continuèrent le repas, mais les mots avaient été prononcés. Une ligne invisible avait été tracée, et bien que les doutes restaient présents, quelque chose de profond les liait désormais. Leur relation avait pris une tournure qu’ils ne pouvaient plus ignorer, et ils savaient que les jours à venir allaient définir leur avenir. Les jours qui suivirent cette conversation furent marqués par des décisions silencieuses. Éléa et Alexandre continuaient de travailler ensemble, mais la distance qu’ils avaient tenté de maintenir devenait de plus en plus difficile à garder. Chaque regard échangé, chaque geste partagé devenait plus intense, plus lourd de significations. Éléa essayait de se concentrer sur le travail, mais chaque fois qu’elle croisait Alexandre, ses pensées la ramenaient inévitablement à cette nuit, à ces mots échangés. Alexandre, de son côté, semblait être dans une lutte intérieure constante. Il n’était plus aussi jovial qu’avant, et ses silences étaient plus longs, plus lourds. Mais ils savaient tous les deux qu’ils étaient face à un choix impossible. Un choix entre la raison et le cœur, entre la réalité de leur situation et l’intensité de leurs sentiments.
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