Chapitre 2

1494 Words
– Deux milles dollars cash. Bobbie abattit les billets sur le comptoir avec un sourire éclatant à l'appui. Aux yeux de certaines personnes, elle était peut-être entrain de commettre une folie en dépensant une telle somme pour un vulgaire violon. Mais pour elle, ce n'était pas le cas. Aucun violon n'était quelconque d'ailleurs. Sa passion pour cet instrument de musique n'avait pas de bornes. Bobbie n'avait jamais appris à jouer dans une école de beaux-arts. Ce n'était pas qu'elle n'en avait pas envie mais ses parents n'avaient pas les moyens nécessaires. Tout ce qu'elle connaissait, tout ce qu'elle avait appris c'était grâce à ses propres recherches sur internet. Depuis toute petite, elle avait accumulé les connaissances. Elle ne voulait pas forcément devenir prof de musique ou violoniste célèbre, elle voulait juste être elle, Bobbie, la petite australienne jouant sur le toit de son immeuble une fois la nuit tombée. En résumé : elle venait de saigner son portefeuille pour la bonne cause. Le vieil homme derrière le comptoir nettoya ses lunettes tandis que ses yeux dont un des deux globes était laiteux, voyageaient de la jeune femme souriante aux billets posés sur le meubles et vice-versa. – Vous y êtes finalement arrivée miss Wiggins ? Bravo ! – Je t'avais dit que je les aurais Everett. Et arrête de me vouvoyer ! elle ronchonna boudeuse en faisant rire le septuagénaire. – Je n'en doutais pas. – Je peux l'avoir maintenant ? elle fit en sautillant sur place telle une gamine. – Bien sûr. Mais avant... signe ceci. Il sortit un attaché-case de sous le comptoir et en retira une feuille. C'était un second contrat stipulant que la vente avait été finalement faite et que les engagements avaient effectivement été honorés. Bobbie avait toujours trouvé ces papiers inutiles mais le vieux Everett était de la vieille école et il était très pointilleux sur ce genre de choses. Il lui laissa un stylo pour qu'elle s'en serve. Ensuite il ramassa l'argent. Bobbie s'étonna de le voir le mettre directement dans la caisse. – Tu ne comptes pas ? – Une personne comme toi mérite mon entière confiance, fit le borgne avec un clin d'œil à travers ses verres médicaux. D'une démarche fatiguée et propre aux gens de son âge, le vieux antiquaire se dirigea vers l'arrière de sa boutique pour chercher le précieux violon tant convoité par la petite Bobbie pour laquelle il s'était pris d'affection. En effet ça faisait cinq ans qu'elle venait au moins une fois par semaine pour admirer ce violon de collection assez rare. Ça faisait cinq ans qu'elle venait pour s'assurer que personne ne l'avait acheté. Elle avait même gentiment -et un peu sérieusement aussi- menacé Everett de ne plus jamais lui adresser la parole s'il osait vendre l'instrument de musique à quelqu'un d'autre. Ils avaient même signé un contrat : le vieil homme retirait l'instrument de la vitrine ou il était exposé et Bobbie se donnait trois ans pour acheter ce trésor. Ça coûtait beaucoup plus mais le gentilhomme lui avait fait un petit rabais. Pendant ce temps, Bobbie lisait ledit contrat qui faisait à peine sept lignes et était rédigé en gros caractères. On lui apporta le violon et on le déposa sous ses yeux brillants. Everett souffla sur le dessus de l'écrin un peu poussiéreux et l'ouvrit après l'avoir tourné l'ouverture face à Bobbie. C'était comme si le saint graal venait d'être déposé à sa portée. – Il. Est. Trop. Beau ! elle s'extasia toute guillerette. L'antiquaire retira le violon hors de sa protection afin d'inspecter cette dernière. – Laisse-moi aller chercher un autre écrin dans le débarras car celui-ci n'a pas l'air en très bon état. Tu as de la chance, je crois en avoir une de cette taille. Par contre il n'est pas conçu pour être durable alors je te conseille d'en payer un nouveau lorsque tu auras les sous nécessaires. – D'accord. – Pendant ce temps Dustin va faire une copie du contrat et te donner l'origine. Dustin ?... Dustin ! Dustin était le petit-fils de Everett. Il gérait la boutique avec lui. Il avait un an de moins que Bobbie, avait de longs cheveux flamboyants et un corps de gringalet, un vrai petit androgyne à la voix fine. – Quoi ?! – Une copie, c'est urgent ! – Mais je suis entrain de nettoyer les vinyles à l'étage ! – C'est pour Bobbie. Un petit silence se fit avant qu'on entende des bruits lourds de pas comme si la personne se retenait de courir franchement. Dustin apparut aussitôt sous l'air amusé de son grand-père. C'était évident que le garçon roux avait le béguin pour la jeune demoiselle. Everett s'en alla chercher l'étui neuf. Se retenant de chouchouter son jouet, Bobbie se reconcentra sur la lecture de ce qu'elle devait signer. Pendant ce temps le garçon aux mille et unes tâche de rousseur admirait la brune se trouvant accoudée au comptoir de la boutique. Une main sous le menton, elle fixait obstinément la feuille et paraissait ne même pas avoir remarqué sa présence. – Salut Bobb. – Hey Dus ! répondit sympathiquement la concernée mais sans lever le regard de la feuille. Malheureusement pour le jeune homme frêle, Bobbie n'avait jamais remarqué à quel point elle lui plaisait. Elle le voyait sans jamais le voir, l'écoutait sans jamais l'écouter. De nature un peu timide, il n'osait pas dire ce qu'il ressentait mais aujourd'hui, il était prêt à prendre le taureau par les cornes. – Je suis content de te voir, tu m'as manqué. Et pourtant elle était là la semaine passée pour son rituel. – Ça y est, enfin ! elle s'ecria sans répliquer à ce qu'il venait de dire. Bobbie brandissait joyeusement la feuille signée. Son rire était contagieux à un tel point que le petit-fils de l'antiquaire se joignit à elle. – Donne, je vais faire une copie. – Tiens. Pendant qu'elle admirait sa nouvelle et belle acquisition sous toutes les coutures, Dustin se dirigea vers la photocopieuse. Il se mit à l'œuvre tout en espionnant la jeune femme de temps en temps. Lorsqu'il eut la copie entre les mains, il revint vers elle. Everett aussi se montra à ce moment là avec ce qu'il était parti chercher. – Voilà l'original. – Merci ! Il déposa la copie sur le meuble derrière lequel se trouvait le patron des lieux. Celui-ci mit la petite luth à manche court dans sa nouvelle protection portative en plastique transparent mais dur. Son aspect ne gêna pas la jeune violoniste en herbe. Elle n'était pas dérangée que tout le monde voit son violon. Au contraire, elle en était fière. Il ferma la protection avant de la pousser vers Bobbie. Elle s'en s'empara avec joie en se disant que cette nuit, une mélodie allait de nouveau raisonner dans le ciel de Redfern son quartier. En effet son ancien violon et son archet avaient rendu l'âme depuis des mois déjà. À ses côtés, Dustin refusait de partir. Son regard croisa celui de son grand-père qui lui adressa alors un acquiescement encourageant. Le vieux s'écarta ensuite pour leur donner un peu d'intimité. Tout cramoisi d'appréhension, le beau Dustin se tourna timidement vers Bobbie qui rangeait la feuille dans son sac. C'était maintenant ou jamais car à présent que Bobbie avait eu ce pour quoi elle venait fréquemment, sa venue en ces lieux allait de faire de plus en plus rare. – Dis Bobb... Elle redressa la tête vers lui en comprenant qu'il s'adressait à elle. – Oui ? – Je voulais savoir si... ça te dirait d'aller... d'aller..., il hésita timidement. La belle brune afficha une mine remplie d'incompréhension, ce qui accentua la nervosité de jeune homme dont la couleur sombre des iris tranchait avec sa peau sans pigmentation. Il respira un bon coup, se força à se calmer puis enchaîna d'un trait en coupant sa respiration. – Est-ce-que tu voudrais sortir avec moi un de ces quatre ? Restaurant, cinéma, fête foraine, peu importe, c'est toi qui choisit le lieu, l'heure et je viendrai te chercher. Je ne te force à rien mais j'aimerais juste passer du temps avec toi si tu es d'accord. C'était dit si maladroitement. L'objet de sa convoitise était pétrifiée car elle ne s'y attendait pas. À travers sa bouche tordue par une moue embarrassée, elle passa nerveusement la langue sur ses dents supérieures ornées par son appareil orthodontique. Le roux attendait toujours sa réponse alors elle se força à entrouvrir ses lèvres. – Oh... Je... Elle lança un coup d'œil vers Everett. À quelques mètres d'eux, le vieillard faisait semblant de lire son petit journal quotidien. Bobbie reporta son attention sur Dustin qui semblait avoir des étoiles dans les yeux et de l'agitation dans les veines. – C'est que... hum... En fait tu me prends par surprise et... – Elle ne peut pas, acheva une voix sombre à sa place. Bobbie sursauta et poussa un petit hoquet de surprise au son de cette voix. Hakim...

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