Retour à la civilisation-1

3002 Words
Retour à la civilisation La berline s’arrêta devant le perron de la riche villa victorienne. Kelly et Allison en descendirent avec précaution pour ne pas froisser leurs toilettes, avec l’aide de John. C’était dimanche, un chaud dimanche de début juin et ces dames revenaient d’entendre la messe à Cheyenne, la ville d’à côté. Ryan Demming était absent depuis plus d’un mois, exactement depuis l’arrivée d’Edwina. Parti le lendemain pour Washington afin de régler un problème de machines défectueuses dans l’une de ses usines, il devait, si tout allait bien, rentrer dans la soirée après un voyage de plusieurs jours où tout pouvait arriver ; des b****s d’Indiens sévissaient toujours et les brigands de tout poil ne manquaient pas. Mère et fille, bras dessus, bras dessous, gravirent gracieusement la volée de marches qui les séparait du péristyle à colonnes blanches, typique de ce style de bâtisse, flanquée de part et d’autre d’une rotonde vitrée du plus bel effet. Jérémy, le majordome noir, revêtu de sa belle livrée à rayures noir et or, vint en personne recueillir le chapeau à voilette et le châle de soie de Kelly qui fila aux cuisines d’où s’échappait une alléchante odeur de viande rôtie. Joviale et ronde, Leslie, reine des lieux, penchée dans la cheminée où brasillait un feu d’enfer, tournait à la broche une pièce de bœuf, secondée d’un jeune marmiton d’une quinzaine d’années et d’une vieille servante qui s’affairaient autour des plats. - Est-ce prêt, Leslie ? S’informa Kelly par la porte entrebâillée. La cuisinière leva une figure enluminée, fendue d’un large sourire. - Presque, Madame, dans un quart d’heure on pourra servir. - Parfait, juste le temps de me changer, ajouta Kelly pour elle-même. Gagnant le spacieux vestibule dallé de marbre noir et blanc, elle aperçut sa fille dans la bibliothèque en train de replacer leurs missels dans une vitrine et croisa Andrea, la domestique en charge des chambres. - Je monte Andrea, fit-elle, ne vous dérangez pas, je vais appeler Madame Anderson en passant. Déjà dans l’escalier à la rampe de fer forgé artistiquement ouvragée qui menait à l’étage, accompagnée par le bruissement soyeux de sa robe en faille mauve, Kelly n’entendit pas le : « Madame Anderson n’est pas revenue » énoncé tout bas par Andrea qui craignait des éclats de voix. Parcourant à pas feutrés le long couloir parqueté aux murs tendus de moire jaune paille, Madame Demming se dirigea droit sur la chambre attribuée à Edwina, avant de rejoindre ses appartements privés. Elle frappa plusieurs petits coups à sa porte, sans obtenir de réponse en retour. - Edwina ? Nous passons à table. Ce silence intrigua Kelly. Certes, elle savait la jeune femme peu loquace, voire farouche, aux activités se résumant soit à se cloîtrer durant des heures dans sa chambre, soit à parcourir leur propriété avec sa jument, mais jusqu’ici elle était toujours présente aux moments des repas. C’était la seule chose qu’avait exigée d’elle Kelly dès son installation et Edwina s’y était conformée sans protester, puisque le reste du temps elle avait quartier libre. Que se passait-il donc aujourd’hui ? - Edwina, êtes-vous souffrante ? Rien que le silence. Kelly osa alors pousser la porte, et là… La jeune femme avait hérité de la chambre la plus gaie de la maison. Tapissée de papier peint rose saumon semé de motifs floraux, agrémentée de meubles au chaleureux bois blond, elle était orientée sur le jardin et bénéficiait du soleil une grande partie du jour. L’exclamation de surprise de Kelly suivie de : « Andrea, Andrea ! », fit accourir la domestique et Allison. - Que signifie ce bazar, pouvez-vous m’expliquer, Andrea ? Les trois femmes s’avancèrent dans la pièce au parquet enjolivé de somptueux tapis en soie importés des Indes. Sur quatre chaises face à la cheminée, était tendu un drap qui formait une sorte de tente. Dans le foyer des braises finissaient de se consumer et à proximité une pile de bûches attendait de remplir son office. Au pied de la cheminée, l’édredon du lit était étalé avec une couverture jetée dessus. Et, à un pas de cette tente improvisée, trônait sur un guéridon un cadre contenant au préalable une aquarelle, à présent remplacée par la photographie d’Edwina et de Fils d’Aigle se tenant par les mains, prise à Fort Ellis et qu’Allison lui avait donnée. Ce cliché provenait du journal pour lequel elle travaillait. Les ornements de coiffure de la jeune femme entouraient le cadre en compagnie de pierres qu’elle avait ramassées au hasard de ses promenades et d’un bouquet de sauge, le tout éclairé d’une bougie retirée d’un chandelier en argent. L’ensemble faisait penser sans un gros effort d’imagination à un autel. Quant au restant de l’installation, là aussi ce n’était pas difficile à deviner, Edwina avait essayé de reconstituer une imitation d’intérieur de tipi. Allison et Kelly échangèrent un regard atterré. Andrea triturait son tablier dans l’attente d’être admonestée. Elle prit les devants : - Le lendemain de son arrivée, Madame, quand je suis venue faire la chambre et que j’ai trouvé l’édredon avec la couverture devant l’âtre, j’ai compris que Madame Anderson avait dormi là. Au soir, elle m’a implorée de lui apporter un peu de bois pour allumer la cheminée. Elle avait l’air si triste, que je n’ai pas pu refuser. Quelques jours plus tard, j’ai découvert le drap tendu sur les chaises et par la suite, lorsqu’elle a été en possession de la photographie, elle a aménagé le guéridon de cette façon. Je l’ai d’ailleurs surprise une fois agenouillée auprès. Elle chantonnait en Indien en contemplant la photographie. Je me rappelle lui avoir dit que cet air était beau. Elle m’a répondu, des larmes dans les yeux qu’il s’agissait de la berceuse qu’elle fredonnait à son fils. J’aurais peut-être dû vous prévenir, Madame, des agissements de Madame Anderson, mais je l’ai laissée faire à sa guise en pensant que cela lui faisait sans doute du bien de recréer un peu l’univers dans lequel elle avait évolué. Je crois Madame Anderson en grande détresse morale et je n’ai pas peur de vous le confier, Madame, elle me fait de la peine. Suite à cette révélation, un long silence s’établit. Andrea s’attendait à des remontrances. Allison se sentait plus que jamais responsable du malheur de son amie qui ne lui adressait du reste plus la parole. Kelly, elle, était perplexe. - Ma foi, si cela lui apporte quelque réconfort, il n’y a, somme toute, pas de quoi fouetter un chat, finit-elle par dire, et puis au fond elle ne gêne personne, elle est si discrète qu’on ne sait même pas qu’elle habite ici. Par contre, c’est surprenant, qu’elle ne soit pas rentrée. - J’ai vu Madame Anderson partir juste après vous, Madame, ajouta Andrea, mais ce qui est inquiétant, c’est qu’elle porte sa robe en daim que vous lui avez permis de conserver, à condition qu’elle la laisse dans son armoire. - Oh non ! s’exclama Kelly. Si elle n’est pas revenue dans l’après-midi, on la fera rechercher, car si mon époux rentre et la découvre habillée ainsi, ce sera terrible. - Ce sera terrible de toute façon, maman, renchérit Allison, Jérémy surveille le moindre fait et geste de toute la maisonnée et rapporte tout à père comme il le désire, vous le savez bien. Kelly était d’une pâleur mortelle et Andrea opina en maltraitant à nouveau son tablier. Terrée au fond d’un bois tapissant l’immense domaine d’une centaine d’hectares des Demming, Edwina perdait la notion de l’heure. Elle ne s’en préoccupait pas puisqu’elle avait décidé de ne pas rentrer. Le chant des oiseaux, le vent dans les ramures, la douceur de la mousse sur laquelle elle était assise, la chaude caresse du soleil qui jouait à cache-cache à travers le feuillage et venait par intermittence effleurer sa joue, requéraient toute sa concentration. Elle écoutait la nature, faisait corps avec elle, comme elle avait appris et tentait d’en retirer un tant soit peu de sérénité. Mais qu’il était dur de faire taire l’incommensurable chagrin qui rongeait son cœur. À la minute où on les avait séparés elle et son époux, elle avait sombré dans le néant, et bien qu’elle se soit montrée rassurante lorsqu’ils s’étaient confiés tous les deux, en aparté, à Fort Ellis, en lui affirmant qu’ils se retrouveraient un jour, elle n’y croyait plus. Tout espoir l’avait quittée, elle s’aventurait dans une nuit sans fin. Alors à quoi bon s’obstiner à vivre dans le regret et la souffrance ? Elle se sentait en deuil même si les deux êtres aimés étaient toujours de ce monde. Et comme tel, elle se préparait à procéder au rituel du deuil à la manière des femmes indiennes et ne se contenterait pas d’une simple automutilation, elle franchirait le pas jusqu’au point de non-retour. Elle commença par couper une mèche de ses cheveux revenus à leur blondeur de blé mûr sous les lavages répétés qu’on leur avait fait subir, et enroula cette mèche autour d’une pierre en offrande à l’esprit qui l’habitait depuis le commencement des temps. Puis, à genoux, elle se mit à se balancer régulièrement, lentement d’avant en arrière, en entonnant d’une voix vibrante où l’émotion dominait, un chant dédié à son époux. En même temps, elle releva sa manche, appliqua la lame de son couteau sur son avant-bras et allait se taillader de multiples incisions concentriques jusqu’au poignet, quand des aboiements de chiens éclatèrent dans toutes les directions suivies d’un fracas de branches cassées, de piétinements, d’interpellations de voix masculines. Envoûtée par son chant de mort, en symbiose parfaite avec la Terre Mère s’apprêtant à recevoir goutte à goutte l’essence de sa vie et l’ensevelissait déjà un peu, Edwina, hagarde fut arrachée brutalement à son sacrifice. Eclat de Lune qui broutait tranquillement à côté d’elle faillit la piétiner en se cabrant quand les chiens se jetèrent sur elles deux. En une poignée de secondes la clairière fut investie par quatre hommes à cheval. Il y avait Flint le palefrenier, Wayne le jardinier, Jim l’homme de peine et… et Ryan Demming. Coups de fouet et ordres hurlés ramenèrent les molosses de chasse, prêts à dévorer la jeune femme, la bave à la gueule, aux pieds du maître. Le regard injecté de sang qu’il lui lança la crucifia sur place. Très vite elle esquiva son couteau dans les replis de sa manche en espérant qu’il ne l’ait pas vu. - Te voilà enfin, sauvage, grimpe sur ton cheval, ordonna-t-il rudement, on va s’expliquer à la maison. Encore sous le choc, Edwina se redressa en prenant son temps, ce qui exaspéra Ryan. Il leva le bras armé du fouet et la mèche vint claquer à un doigt de sa botte. - Pressons femelle du diable, il va faire nuit bientôt et le temps se gâte. Edwina enfourcha Eclat de Lune sous le regard admiratif des trois domestiques émerveillés par l’agilité et la grâce de la cavalière, et le retour s’effectua sans un mot. Sous son air impavide, la jeune femme sentait la tempête se lever chez Ryan et le déchaînement de cette dernière risquait d’être explosif tout comme le ciel qui se chargeait d’éclairs à l’horizon. Tout était à craindre de cet homme calculateur, froid, autoritaire, dur, dominateur habitué à mener son monde à la baguette. Il suait la méchanceté par tous les pores de la peau. Que lui réservait-il ? Et par voie de conséquence, que réservait-il à Allison et Kelly qui ne l’avaient pas incitée, comme le désirait Demming, à rentrer dans le moule de la femme « civilisée » ? Edwina ignorait que la répression qui résulterait de sa colère irait bien au-delà d’elle et des deux femmes. La troupe mit pied à terre devant les écuries où Flint conduisit les chevaux. Jim se chargea de ramener les chiens assagis au chenil et Wayne regagna l’aile nord de la grande demeure où étaient situés les appartements du personnel. Ryan entraînait Edwina par un bras au pas de gymnastique. Sa force décuplée par la colère était terrifiante. - Vous me faites mal, lâchez-moi, se plaignit-elle. Ryan fit entendre le ricanement s*****e qui lui était coutumier. - Tu risques d’avoir encore plus mal tout à l’heure, femelle, grinça-t-il. Et ce disant, il poussa si violemment la jeune femme qu’elle tomba sur les premières marches du perron. Ne lui laissant pas le loisir d’esquisser un mouvement pour se relever, il la roua de coups de pied. - Ça, c’est pour m’avoir fait te chercher pendant trois heures, à peine arrivé. Pour le reste, nous allons en discuter là-haut. Debout, g***e, lâcha-t-il entre ses dents. - Arrêtez, arrêtez, pour l’amour du Ciel, père, vous perdez la raison. Occupée à broder dans le salon, assise sur le banc semi-circulaire de la rotonde, Allison avait vu toute la scène. Au cri de sa fille, Kelly arriva à la rescousse, plus pâle que jamais, les yeux rougis. - Réunion générale dans le salon, beugla Demming, et toi Allison, tu peux d’ores et déjà préparer tes paquets, l’air de Cheyenne te sera très favorable pendant deux à trois semaines, le temps que je remette de l’ordre ici. Exécution ! Edwina montait péniblement les marches, tandis que les deux femmes tournaient les talons, étreintes par une peur panique. Du plus humble des serviteurs à son épouse, tout le monde craignait Demming, sauf Jérémy. Confortablement rétribué pour ses délations, le majordome lui était entièrement dévoué. Dans le vestibule, les domestiques rassemblés sous l’égide de ce dernier pénétrèrent les uns à la suite des autres dans le salon et se disposèrent en demi-cercle près de Kelly et d’Allison. L’angoisse se lisait sur tous les visages. À vingt-huit ans, Allison tremblait devant son père comme une enfant, et Kelly avait souvent subi les accès brutaux de son époux. Ryan fit son entrée en poussant Edwina au centre de la pièce. - Qu’est-ce que vous voyez là ? demanda-t-il de sa voix glaciale, son regard coupant scrutant chacun. Personne ne répondit. Il continua : - Moi je vois une sauvage, la même sauvage qui a débarqué il y a un mois. Et pourtant qu’est-ce que j’avais expressément exigé avant mon départ ? Le silence accueillit sa question. La plupart des domestiques avaient les yeux collés sur le tapis bleu nuit qui recouvrait le sol ; Edwina donnait le sentiment de n’être pas concernée, elle avait l’air absente. Demming poursuivit : - J’avais exigé que tout soit fait pour réinsérer la sauvage dans notre monde civilisé. C’est-à-dire que l’on jette ses défroques de peau, qu’on l’oblige à se coiffer et à s’habiller comme une femme du monde, qu’elle vous accompagne dans le cercle de vos amies, qu’en dites-vous ma chère ? fit-il en décochant un regard assassin à sa femme, qu’elle retourne à l’office dominical, qu’elle se confesse des innombrables péchés qu’elle a commis au sein de cette infâme tribu, et j’en passe. Mais au lieu de cela, je découvre qu’elle a bénéficié de la complicité de tous pour soi-disant la ménager, ne pas la couper trop brutalement de l’univers où elle a vécu, parce qu’elle a connu le terrible malheur d’être séparée de l’animal qu’elle avait pour mari et de son immonde rejeton, parce qu’elle fait de la peine, n’est-ce pas Andrea ? Écrasée sous le regard incisif de Demming, la servante ne savait plus où se mettre. Proche d’elle à la toucher, il reprit, impitoyable : - Jérémy, le seul domestique sur qui je peux véritablement compter, m’a fait visiter la chambre de la sauvage et là, j’avoue que j’en suis resté pantois. Il est fort regrettable que vous n’ayez pu lui fournir quelques morceaux de peau pour qu’elle puisse bâtir un authentique tipi au milieu de la pièce ! Et j’allais oublier la photographie sur le guéridon, c’est d’un touchant. Tout cela s’est fait avec votre accord, Andrea. Demain matin vous passerez à mon bureau, je vous réglerai vos gages. Vous êtes renvoyée. Une rumeur sourde balaya le groupe des domestiques, Kelly ouvrit la bouche d’indignation, et la malheureuse servante éclata en sanglots. Elle tomba à genoux, les mains jointes en suppliant : - Pitié, Monsieur, vous ne pouvez pas faire ça. Je n’ai nulle part où aller, que vais-je devenir ? Elle saisit sa main qu’il dégagea pour la gifler. - Il fallait y songer avant, sotte femme. Disparaissez. Andrea se releva en titubant et sortit en s’essuyant les yeux dans son tablier. -Quant à vous autres, fit Demming, passant en revue le reste du personnel, votre salaire sera diminué de moitié pour quelque temps, ce sera le prix à payer pour votre bienveillance envers cette femelle. Puis, se tournant vers sa femme et sa fille : - Allison, va préparer tes bagages, tu partiras demain matin avec Andrea. Et vous, ma chère, allez m’attendre dans la bibliothèque, nous avons à parler. Kelly était livide. Allison aurait voulu crier son dégoût à la face de son père mais se traitant de lâche intérieurement, elle baissa la tête sans rien dire. Jérémy qui jubilait souriait sans vergogne. C’est alors qu’Edwina, simultanément avec le ciel qui ouvrait ses vannes libérant des trombes d’eau dans le fracas du tonnerre, parvenue au comble de la fureur après le flot de méchancetés qui venait d’être débité, après tant d’iniquité, sortit de son apparente indifférence et du mutisme auquel tout le monde était habitué. Elle voleta face à Demming. Ses yeux verts étincelants semblaient phosphorescents. - Vous êtes une ordure Ryan, lui assena-t-elle, vous êtes comme Miles. N’importe qui ici vaut cent fois mieux que vous tyran sans cœur et sans âme. Mon animal de mari, comme vous dites, se ferait un plaisir de vous écorcher vif. Des êtres tels que vous ne méritent pas de vivre, ils ne sèment que le malheur autour d’eux. Je vous tuerai Ryan, je vous l’ai dit, je fais toujours ce que je dis et j’arracherai votre vilain cœur avec joie. L’avalanche de gifles qui s’abattit sur la jeune femme la fit taire. Elle tomba à la renverse et Demming en profita pour s’acharner sur elle à coups de pied. - Assez, Monsieur, arrêtez, supplia Mary la vieille servante qui aidait Leslie en cuisine, en se jetant sur Edwina recroquevillée, pour la protéger de son corps. Demming grogna comme un fauve et hurla : - Fichez tous le camp. Jérémy emmenez la sauvage dans sa chambre, je n’en ai pas fini avec elle. Le grand Noir emporta Edwina groggy dans ses bras, Allison sur ses talons, tandis que sa mère s’esquivait dans la bibliothèque et que le personnel s’égaillait. Jérémy balança son fardeau sur le lit comme un vulgaire sac de son. Allison vint au chevet de son amie et lui prit la main. - Prenez un mouchoir dans la commode Jérémy, apportez-le moi et disposez. Je reste avec Madame Anderson jusqu’à ce que mon père arrive, dit-elle d’un ton ferme. - Votre père, Mademoiselle, vous a conseillé d’aller faire votre valise, vous devriez l’écouter. Allison sentit la moutarde lui monter au nez. - Vous devriez apprendre à vous occuper de vos affaires, Jérémy, tout le monde s’en porterait mieux, mais il est vrai que la dénonciation paye bien, n’est-ce pas ? Pour la deuxième fois, disposez. Le majordome se retira à pas lents. En refermant la porte, il foudroya Allison du regard. Elle ne le vit pas. D’une carafe de cristal posée sur la table de nuit, elle versa un peu d’eau sur le mouchoir et se mit à humecter le front d’Edwina, ses pommettes bleuies, sa lèvre inférieure boursouflée. Elle ouvrit les yeux. - Comment te sens-tu ? S’enquit Allison. - Moulue, mais je survivrai, répondit Edwina avec un petit sourire, j’ai connu pire. Merci Allison. - Ô Edwina, j’ai tellement honte d’avoir pour père une brute pareille. Je te demande mille fois pardon. Je sais que je suis l’unique coupable de tous tes malheurs. Tu ne peux pas imaginer à quel point je m’en veux. Je conçois fort bien que tu me détestes et je me doute que tu ne m’accorderas jamais ton pardon.
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