Little Big Horn-1

3002 Words
Little Big Horn Ou la défaite du général Custer. Les incessantes attaques hivernales avaient alerté les Indiens qui se regroupèrent et organisèrent leur défense. Parallèlement, l’exode printanier de ces derniers sous contrôle gouvernemental, accru par la fièvre de la guerre et les tensions dans les Black Hills où l’on trouvait de l’or, vint grossir de plusieurs milliers de Sioux et Cheyennes le camp de Sitting Bull et de Crazy Horse sur les territoires non cédés. La campagne d’hiver du général Sheridan se transforma en campagne d’été : à la mi-juin 1876, trois colonnes armées dirigées par le général Crook, le colonel John Gibbon et le général Alfred H. Terry, convergèrent en direction des Sioux dans la région de Powder et de Yellowstone. Pendant ce temps, les Indiens s’étaient déplacés vers l’ouest et la vallée de la Rosebud. Le 14 juin, les Sioux fêtèrent comme chaque année leur cérémonie sacrée de renouveau spirituel, la Danse du Soleil. Sitting Bull eut la vision que tout son peuple attendait. Il prédit une victoire triomphale pour les Sioux avec beaucoup de morts dans les rangs américains « qui tomberaient comme des mouches dans notre camp ». Cette vision prometteuse électrisa le peuple sioux. En vérité, les soldats n’étaient pas loin. Les éclaireurs indiens signalèrent qu’une colonne bleue s’avançait par le sud. Plusieurs centaines de guerriers partirent à leur rencontre pour les combattre. Il s’agissait des soldats du général Crook. Parce que les attaquants quittèrent les premiers le champ de bataille, Crook cria victoire. À tort, car en réalité Crook rentra se ravitailler à la base à un moment critique de la campagne. Ravis, les Indiens déplacèrent leur village dans la vallée d’un cours d’eau qu’ils appelaient Greasy Grass et les cartes d’état-major Little Big Horn. Dans la semaine qui suivit la bataille de Rosebud, les Indiens des réserves vinrent grossir le village qui doubla de taille et passa à sept mille habitants dont environ mille guerriers, répartis en cinq tribus sioux et des Cheyennes. Le colonel Gibbon et le général Terry ignoraient la débâcle de Crook. Leurs éclaireurs signalèrent qu’une trace indienne remontait le Rosebud et les officiers en déduisirent qu’ils trouveraient le village à Little Big Horn. Selon le plan de Terry, Custer devait remonter le Rosebud avec sa cavalerie puis investir Little Big Horn dont la vallée serait par ailleurs bloquée par Terry et Gibbon. Si tout se passait normalement, Custer attaquerait l’ennemi par le sud tandis que Gibbon intercepterait les fugitifs éventuels par le nord. Gibbon serait prêt le 26 juin. Le 22 juin, Custer passa en revue son régiment, six cents hommes. « Loin de nous l’idée que c’était la dernière fois que nous le voyions », raconta l’un d’eux. Deux jours plus tard, le 24 juin, la piste indienne tournait à l’ouest en direction de Little Big Horn, comme prévu. Mais la piste révélait aussi des traces fraîches, celles des Indiens des réserves venus rejoindre leurs frères. Le village devait être juste de l’autre côté de la montagne, à moins d’un jour de marche. Custer prit alors une décision très controversée : suivre la piste, cacher son régiment pendant la journée du 25 juin pour laisser à Gibbon le temps d’atteindre sa position, puis attaquer. Un concours de circonstances vint contrecarrer son projet. À l’aube, ses éclaireurs, postés au sommet d’une montagne, détectèrent le camp ennemi à vingt-cinq kilomètres à l’ouest. Ils découvrirent en même temps plusieurs groupes de Sioux dans les parages. Custer comprit aussitôt qu’il devait changer de plans. À moins d’attaquer tout de suite, les Indiens s’éparpilleraient comme d’habitude et il n’y aurait plus personne à attaquer. Ce jour-là, le 25 juin 1876, la chance légendaire de Custer l’abandonna. Ne connaissant ni le terrain ni l’emplacement exact du camp indien, il était obligé d’avancer à l’aveuglette et d’organiser son offensive au coup par coup. Lorsqu’il eut suffisamment d’informations pour agir en conséquence, il était trop tard. Custer envoya le capitaine Benteem vers le sud. Prenant un chemin plus direct vers Little Big Horn, Custer débusqua un groupe d’environ quarante guerriers sioux. Au même moment, des nuages de poussière lui indiquèrent enfin l’emplacement exact du village indien. Il chargea le commandant Reno et trois compagnies supplémentaires d’attaquer le village et lui promit le renfort des cinq compagnies qui restaient sous ses ordres. Reno prit presque les Indiens par surprise mais ne vit aucun signe des renforts que Custer lui avait promis. Avant d’atteindre les premiers tipis, qui appartenaient à Sitting Bull et aux Hunkpapa, Reno ordonna à ses troupes de mettre pied à terre. Un homme sur quatre emmena quatre chevaux à l’arrière. Les Sioux les encerclèrent par la gauche puis apparurent par l’arrière. Au bout de quinze minutes, Reno décida de se replier dans la forêt, à sa droite, mais l’abondance de la végétation entrava sa maîtrise de la situation et la communication de ses ordres. Les Indiens se rassemblèrent de l’autre côté de la rivière pour attaquer par l’arrière. Après une demi-heure, Reno jugea sa position intenable. Décidé à atteindre les hauteurs de l’autre côté de la rivière, il ordonna à ses hommes de se remettre en selle. Ils traversèrent la vallée au plus vite, attaqués par les Indiens sur leur flanc droit et à l’arrière. Arrivé au sommet, Reno démoralisé, compta les pertes : quarante morts, trente blessés et dix-sept disparus. Lorsque le capitaine Benteem arriva, suivi de ses mules de bât, les Indiens se replièrent. Des coups de feu tirés en aval indiquèrent que les combats reprenaient ailleurs. Les soldats se ressaisirent et, sans qu’il soit vraiment besoin de donner des ordres, se dirigèrent vers le théâtre des opérations. La fumée et la poussière gênaient la visibilité et les Indiens repoussèrent les compagnies vers les hauteurs d’où ils venaient. Sans le savoir, les compagnies de Reno et de Benteem venaient d’assister aux derniers instants des troupes de Custer. La bataille avait duré environ une heure. Custer et plus de deux cents officiers et soldats avaient péri. Il n’y eut aucun survivant. Sur leur colline, à six kilomètres au sud, Reno et les sept compagnies qui restaient repoussèrent les attaques indiennes jusqu’à la nuit durant laquelle ils s’entourèrent d’une ligne de défense. À l’aube, un coup de feu ouvrit le second jour des hostilités. Pendant toute la journée, sous une chaleur écrasante, les Indiens tirèrent sur les tuniques bleues. À deux reprises, ils arrivèrent si près que les officiers ordonnèrent aux hommes de charger. Tous, mais surtout les blessés, étaient torturés par la soif. Sous le feu ennemi, un détachement descendit la pente escarpée jusqu’à la rivière pour s’approvisionner en eau. Dans l’après-midi, la fusillade cessa. Les Sioux et les Cheyennes avaient arrêté le combat. Leurs éclaireurs les avaient avertis que d’autres soldats arrivaient par le nord et ils levèrent le camp, ne voulant pas exposer leurs familles à un autre combat contre les tuniques bleues. Alors que le soleil descendait à l’horizon, le soir du 26 juin, les soldats en poste sur les hauteurs virent des feux s’allumer dans la vallée. Un épais mur de fumée s’élevait qui cachait le village indien. Vers sept heures du soir, les soldats stupéfaits virent un long défilé émerger du rideau de fumée : des cavaliers, des femmes et des enfants à pied, des travois, des chevaux et des chiens. La file indienne gravit lentement le flanc ouest de la vallée, et se dirigea vers les Big Horn Mountains. En bas, dans la vallée, il ne restait plus que les débris éparpillés du camp indien. Le lendemain matin, 27 juin, alors que la colonne du colonel Gibbon, le général Terry à l’avant-garde, parcourait le camp déserté, la raison de l’exode des Indiens apparut clairement. L’éclaireur-chef de Gibbon avait déjà répondu à la question qui brûlait les lèvres de chacun. En aval, les éclaireurs indiens du colonel avaient trouvé disséminés dans le ravin les corps mutilés des cinq compagnies de Custer. Au total, la moitié du septième régiment de cavalerie avait été tué ou blessé, deux cent dix morts y compris Custer. Quand Reno avait quitté la vallée et battu en retraite vers les hauteurs, cinquante-trois autres soldats avaient été tués et soixante blessés. Combien d’Indiens avaient payé la victoire de leur vie, on ne le saura jamais car la plupart des morts furent emportés par les survivants. Les estimations vont de trente à trois cents. (Extrait de « TERRE INDIENNE », collection Autrement.) ♦ Sur cinq kilomètres, le long de la rivière Big Horn, s’étirait le gigantesque camp indien regroupant environ 1 500 tipis abritant de 12 000 à 15 000 personnes, en majorité sioux et cheyennes. Il faut dire que la vision de Sitting Bull fut divulguée aussi loin que possible en vue de la bataille à venir. Alors, arrivèrent de partout des hordes de gens déterminés, hommes, femmes, enfants, accompagnés de tous leurs animaux, chiens et mers de chevaux. Le frottement continu des travois et leur nombre agrandirent les pistes jusqu’à huit cents mètres de large. Chaque jour voyait s’allonger à l’infini des myriades de colonnes humaines. L’ensemble des clans sioux avait répondu à l’appel, ainsi que les Cheyennes eux-mêmes divisés à la façon de leurs frères en différentes communautés. Une dizaine de jours avant le début des hostilités, Fils d’Aigle avait reçu la visite de quatre éclaireurs sioux du village de Sitting Bull, qui, après lui avoir détaillé la vision de leur chef, l’invitèrent sur sa demande à les suivre. Ayant regagné, comme tous les ans, depuis une poignée de jours leur campement d’été au bord de la rivière Platte, bien qu’éloigné de l’endroit où se déroulerait l’affrontement, le jeune chef cheyenne ne se fit pas prier. Il consulta Source des Grands Pouvoirs qui, se remémorant sa propre vision, donna son assentiment. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, le camp fut démonté et le départ prit aussitôt à la suite des éclaireurs. Forts de deux mille âmes, ils vinrent agrandir l’énorme village qui, longeant la rivière Big Horn, se déployait à perte de vue… Heureux d’avoir anéanti leur pire ennemi et son escadron porteur de mort, une bonne partie des braves de la communauté de Fils d’Aigle regagna son camp installé à proximité de celui des Miniconjou, parents de Fille Intrépide. À part quelques blessés sans gravité, ils étaient tous indemnes et remplis d’orgueil par la facilité de leur victoire sur ces soldats exécrés du septième de cavalerie et de leur chef « Longs Cheveux », ainsi surnommé par leurs congénères, bien que le combat continuât en d’autres lieux et continuerait jusqu’à la nuit. Pour leur compte personnel, ils s’étaient battus mélangés à leurs comparses sioux, après mûres réflexions, en usant de stratégie, ne prenant pas cela comme un amusement à leur habitude lorsqu’ils se mesuraient à des tribus ennemies, ce qui déconcerta passablement leurs adversaires. Dépourvus des artifices guerriers coutumiers, plumes, fétiches, peintures rituelles très colorées sur eux et les chevaux, silencieux, ne faisant pas usage de leurs cris de guerre, ils se fondirent au paysage sans se faire repérer. En un temps record, ils occupèrent tous les postes importants, surgissant de partout à la fois. Entassés à une dizaine derrière de maigres buissons, ils se dissimulèrent, puis rampèrent d’un trou à une roche sans se faire voir tout en alimentant un tir nourri de flèches tirées à la verticale qui retombaient en pluie drue sur l’ennemi bientôt débordé. Visant les buissons d’où partaient les flèches, les soldats ripostèrent à leur tour, mais sur du vent, leurs agresseurs s’étant déplacés ailleurs, invisibles, refaisant surface plus loin, diables déferlant en nombre accru. Quand ils tombèrent sur les soldats ils leur fendirent le crâne à coups de hache, leur tirèrent dessus à bout portant pour ceux qui possédaient des fusils. Les Sioux égorgèrent les blessés, les Cheyennes leur sectionnèrent le bras gauche, chacun laissant l’empreinte de son appartenance à telle ou telle tribu en pratiquant différentes mutilations distinctes. A ce rythme, le prestigieux septième de cavalerie fut taillé en pièces, haché menu sans en voir les roues tourner et le général Custer succomba d’une balle en plein cœur, le sourire aux lèvres. Edwina rentrait chez elle, Petit Aigle dans les bras. Elle venait de rendre visite à Grande Sagesse, la grand-mère de Joli Sourire. Comptant quatre-vingt-deux hivers, la vieille femme qui l’avait si gentiment hébergée jusqu’à son mariage avec Fils d’Aigle, vivait dorénavant chez sa fille Étoile Filante. La jeune femme se retrouva sans le vouloir parmi les hommes qui arrivaient en masse sur leurs montures écumantes. Elle reconnut Thitpan, Chien Jaune, Wholdaïa, Cuyloga, Cheval Fougueux, Tonnerre, Ours Malin, guerriers d’élite, Loup Rouge, l’un des meilleurs éclaireurs de son époux. Une cohorte de jeunes gens les encerclait. Remplis d’arrogance, surexcités par le combat extraordinaire qu’ils avaient mené pour la première fois contre les Blancs pour la plupart d’entre eux, ils vantaient leurs exploits en hurlant sur leurs chevaux qui piaffaient nerveusement, brandissant fusils, lances, tomahawks, scalps pris à l’ennemi. Dès qu’elle le put, la jeune femme s’écarta de leur houleux rassemblement dans lequel elle risquait un mauvais coup. Il était évident qu’ils étaient encore tous dans le feu de l’action. Ivres de violence, de massacres, de sang, de mort, leur triomphe leur montait à la tête, ils en étaient moitié fous. Filant tête basse à grandes enjambées en direction de sa tente, elle se sentit cependant suivie du regard meurtrier de certains d’entre eux et elle en connaissait la raison. Exception faite des très vieilles femmes, elle était la seule représentante féminine présente au village. Toutes les autres, prévenues de la suite des événements par des éclaireurs revenus faire part des nouvelles, avaient pris le chemin du champ de bataille à cheval, celle-ci à peine achevée, suivies de leur progéniture. Là, elles allaient se livrer sans vergogne, assistées des enfants, à la mutilation des cadavres et au pillage. Un véritable régiment de vautours se repaissant de la mort. Edwina en était dégoûtée jusqu’à la nausée sachant qu’en aucun cas elle ne pourrait s’adonner à cette immonde besogne. C’était au-dessus de ses forces. En outre, elle avait conscience qu’on lui en ferait le reproche, d’autant plus qu’elle était Blanche et qu’elle détenait donc là l’occasion unique de prouver à tous qu’elle reniait sa race une bonne fois pour toutes. Du reste, ce reproche, elle le redoutait plus encore de Fils d’Aigle. Elle atteignait sa demeure, comme celui-ci se ruait au galop au milieu des guerriers, poussant un cri de victoire si sauvage, qu’elle en frémit. Elle s’engouffra dans le tipi, coucha son fils dans le berceau, ranima le feu, puis posa le chaudron sur le trépied dans lequel elle versa de l’eau, coupa des racines, ajouta de la viande séchée et des baies. Ses gestes étaient fébriles. Sa cuisine n’était pas près d’être cuite. N’étant pas partie avec les femmes pour participer à l’affreuse curée, elle s’était attardée chez Étoile Filante en compagnie de Grande Sagesse plus qu’elle n’aurait dû. Or, elle se doutait que dès que son époux mettrait les pieds dans le tipi, à l’image de ses braves, il serait excité, énervé, impatient et réclamerait à manger sans délai. Un frisson la parcourut. Elle comptabilisait deux fautes à son actif : la première, la plus grave, elle avait choisi délibérément de ne pas se joindre aux femmes, la seconde, elle était en retard dans ses tâches domestiques. Insidieusement, une crainte sourde naquit en elle. De tempérament calme, pondéré, son époux pouvait entrer dans des colères noires s’il était contrarié à l’extrême. Et, bien qu’il ne l’ait plus jamais touchée depuis, elle avait connu le poids d’une de ses colères aux heures sombres qui suivirent sa capture. Aujourd’hui, elle risquait de renouer avec ce terrible moment car elle avait la certitude que son attitude allait le rendre furieux. Elle réfléchit à quoi faire pour l’amadouer. Peut-être défaire ses cheveux. Oui, voilà, être attirante. Il résistait si difficilement à son charme que c’était un supplice pour lui de s’astreindre à la continence en prévision d’un rituel, d’une cérémonie religieuse ou dernièrement pendant sa grossesse. Elle brossa avec ardeur sa chevelure qui descendait plus bas que ses fesses, délaça sa robe sur une épaule dégageant son sein, prit Petit Aigle qui gigotait dans son lit en poussant des petits cris, pour le mettre à téter, et s’installa près de la marmite dont elle remua nerveusement le contenu avec une longue cuillère de bois. Nonobstant ce déploiement de ruses tendres et séductrices visant à désamorcer le courroux de son époux, elle avait peur. Elle recourut au peu de foi qui lui restait en adressant une vague prière à Dieu qu’elle ne sollicitait plus guère à présent, quand Fils d’Aigle pénétra comme la foudre dans la tente. Lentement, elle leva les yeux sur lui, presque tremblante. Devant elle se tenait la plus pure représentation du guerrier cheyenne dans toute sa splendeur et sa barbarie. Immense, athlétique, son torse nu musclé maculé de sang, une moisson de scalps dégoulinants sur ses jambières de peau ainsi que sa hache à la lame rougie glissée à sa ceinture, il la fixait durement, sa carabine à répétition dans une main, sa cravache à deux lanières tressées dans l’autre. La guerre était en lui, elle résumait son éducation. Un Cheyenne naissait guerrier. À dix ans, on retirait le garçonnet à sa mère, il ne lui appartenait plus, et même s’il vivait toujours dans le tipi familial, il devait s’adresser à elle par l’intermédiaire d’une tierce personne sans la regarder. Père, grand-père, oncle, guerriers du clan prenaient le relais. Et, de tendre, côté maternel, l’enseignement devenait viril, voire brutal. Edwina déchiffrait tout cela à travers son époux en tremblant franchement maintenant, bien qu’elle se contînt du mieux qu’elle pût pour n’en rien montrer. - Ce n’est pas tout à fait cuit, hasarda-t-elle timidement. - Ah non ? Pourtant, tu as eu tout le temps nécessaire pour cela, femme, puisque tu es restée ici, dit-il d’un ton glacial en tapotant nerveusement le manche de la cravache le long de sa cuisse. Edwina ne répondit pas. Elle ne trouvait rien à opposer pour sa défense. Elle sentait l’orage couver. La tension entre eux devenait insupportable. De l’extérieur, leur parvenaient la clameur des guerriers en liesse et à l’intérieur, les gazouillis de satisfaction du nourrisson. Machinalement, la jeune femme tourna plus rapidement la cuillère dans la soupe, les yeux dans le vague. Mais son cœur se mit à battre à tout rompre, quand Fils d’Aigle ordonna sèchement : - Remets mon fils dans son berceau. Edwina ne put répliquer qu’il n’avait pas fini de se nourrir, les mots n’arrivaient pas à franchir ses lèvres et elle avait l’impression d’être statufiée, rivée au sol. Son regard effleura celui de son époux qui était de marbre, en apparence seulement, puis se reporta sur Petit Aigle qui continuait de téter, les petites étoiles de mer qu’il avait pour mains agrippées à son sein. Malgré elle, elle sourit à l’enfant. Mais au même moment, elle entendit siffler les lanières de la cravache qui vinrent cingler le bas de sa robe. Elle recula d’un pas en sursautant. Elle jeta un regard rempli d’effroi à son compagnon. Il n’allait pas oser. Non, ce n’était pas possible. Chez les Cheyennes, il arrivait que les hommes battent leurs femmes, mais c’était fait rare et les lois en ce sens étaient strictes. Les femmes étaient très respectées.
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