Chapitre 7

1120 Words
CHAPITRE 7LE JEUNE POLICIER qui reçut la plainte de Séverine se montra fort aimable et motivé, malgré la banalité affligeante du délit, surtout dans ce quartier proche de la gare du Nord. Il promit de récupérer les enregistrements de vidéosurveillance. – On saura par votre banque l’heure exacte et le lieu de la tentative du retrait. Je vous contacterai pour que vous puissiez visionner la b***e. Attention, il n’est pas du tout certain que vous reconnaissiez facilement votre homme, et ils opèrent souvent à plusieurs. Mais si vous arrivez à l’identifier, ça complétera le signalement que vous nous avez fourni. Et s’il est déjà connu de nos services, ça peut aider à le retrouver. Séverine comprit qu’on n’irait sans doute pas jusqu’à lui proposer d’établir un portrait-robot… D’ailleurs, elle avait eu beaucoup de mal à décrire son voleur, ce jeune homme à l’apparence si convenable ! C’était déjà bien beau qu’on lui montre les enregistrements. Le policier, Quentin Bartoldi, tint sa promesse et la rappela deux jours plus tard avec un empressement qui ne lui parut pas uniquement motivé par l’espoir d’identifier l’auteur du vol… Avec une petite dose de cynisme, Séverine accepta ce jeu de séduction en se disant qu’il pouvait toujours être utile d’avoir un allié dans la place. Malheureusement, elle ne put reconnaître son voleur, malgré plusieurs visionnages attentifs de la vidéo. Parmi les personnes ayant retiré de l’argent dans la tranche horaire indiquée, un homme au visage dissimulé par une capuche retint son intérêt : il était resté un long moment devant l’appareil, avait composé plusieurs fois le code sans pouvoir récupérer de billets. C’était sûrement lui, mais impossible de savoir s’il s’agissait du jeune homme croisé dans le supermarché. Il lui semblait de plus petite taille. Et la capuche interdisait tout examen du visage. Le policier se désolait, il perdait un bon prétexte pour maintenir le contact avec la belle doctoresse. Séverine perçut son désarroi et accepta la carte qu’il lui tendait. Elle lui assura qu’il pouvait l’appeler à tout moment s’il avait la moindre piste. Bien qu’elle préférât les hommes mûrs, ce n’était pas désagréable de se sentir désirée par ce garçon fort bien de sa personne : athlétique, cheveux courts, brun aux yeux noisette et barbe de trois jours très tendance. * À l’hôpital, Séverine continuait à se demander qui pouvait avoir envoyé cette dénonciation grotesque à la Répression des fraudes. Une infirmière qui lui en voulait pour une raison inconnue ? Elle entretenait de bons rapports avec le personnel, qui appréciait son professionnalisme et sa compétence. Mais quelqu’un nourrissait peut-être du ressentiment à son égard, et bien entendu ce serait celui ou celle qui lui ferait les plus larges sourires. Elle se souvenait que son copain anesthésiste Hassène Mechouk avait eu des ennuis très désagréables. Sa femme reçut un mystérieux appel de l’hôpital un soir où il était de garde. La personne au bout du fil demandait s’il était chez lui car on ne le trouvait pas dans le service. En fait, Hassène était au bloc pour un prélèvement d’organes. Par la suite, ces coups de téléphone se répétèrent, assortis d’insinuations de plus en plus précises mais fausses. La méfiance s’installa dans le couple jusqu’à ce qu’Hassène découvre par hasard l’auteur de ce harcèlement. Il s’agissait d’une panseuse du bloc toujours souriante mais un peu perturbée ; elle avait jeté son dévolu sur lui et se vengeait ainsi de l’indifférence qu’il lui manifestait. Car l’anesthésiste, contrairement à certains de ses collègues, était un mari fidèle ! Dans le cas de Séverine, qui était le, ou la, coupable ? Le chef de service, Jean-Pierre Larozière, était bien trop occupé par ses activités et bien trop heureux de pouvoir compter sur ses « petites mains » pour fomenter un coup aussi minable ; et pourquoi le ferait-il ? Séverine se méfiait plutôt de Christophe Thervaux, le PU-PH1, qui supportait assez mal l’influence grandissante de la praticienne sur le secteur des greffes dont il se considérait responsable. Mais, si c’était lui, comment le coincer ? Et puis ça pouvait être n’importe qui, y compris Chrystel, l’infirmière un peu trop curieuse qui était là lorsqu’elle avait reçu l’appel de la DGCCRF. À plusieurs reprises, Séverine sortit de sa poche le papier sur lequel elle avait noté les coordonnées d’Adrian Dibra. Ses gorilles auraient-ils pu rédiger une telle lettre avec l’aide d’un complice sur place ? Mais que dirait-elle si elle les contactait ? Elle se mettrait en position de faiblesse, en l’absence de toute preuve. Le garde du corps lui ricanerait au nez. Un soir, saisie d’une brusque appréhension, elle ne put s’empêcher de téléphoner à son fils Vincent pour prendre de ses nouvelles. Surpris par cette attention inhabituelle, l’adolescent répondit d’abord sur un ton un peu froid, mais se détendit au cours de la conversation, secrètement heureux que sa mère s’intéresse enfin à lui après le dernier week-end plutôt sympa. * Séverine communiquait avec Hubert Pélissié par l’intermédiaire de w******p. C’était pratique pour le joindre lorsqu’il était à l’étranger – et gratuit. Ce jour-là, elle eut envie de le contacter. Elle ne lui avait pas parlé depuis sa dernière visite. Elle ouvrit w******p et tapota sur son clavier. – Coucou Hubert, je ne te dérange pas ? Quelques secondes plus tard, Hubert répondit. Il était presque toujours connecté. – Pas du tout ! Désolé, je n’ai pas eu le temps de te téléphoner. As-tu des nouvelles de ton voleur ? – J’ai pu voir les enregistrements de vidéo surveillance, mais impossible de reconnaître le type. Il portait une capuche. – C’était à craindre. Tu as reçu ta nouvelle carte ? – Oui. De ce côté-là, c’est réglé. Je te laisse. On m’appelle. À plus. Le portable de Séverine venait de sonner. – Séverine ? C’est Hassène. On a récupéré un donneur potentiel en réa. – Ah ? J’arrive. La cause du décès, c’est quoi ? Accident vasculaire cérébral ? – Non. Une balle dans la tête. Du 22 Long Rifle. Le calibre spécial coma dépassé2, plaisanta l’anesthésiste. Hassène Mechouk attendait Séverine à l’entrée de l’unité. C’était un grand Kabyle, brun aux yeux bleus, séduisant. Elle s’entendait très bien avec lui et appréciait sa compétence. Il la conduisit au box où se trouvait l’entrant et lui résuma la situation. – Il a été abattu près de la gare du Nord. Un correspondant anonyme a appelé Police-Secours et le 15. Il respirait encore. Le Samu l’a mis en condition et on nous l’a transféré, on était les seuls à avoir de la place. Mais depuis son arrivée, son état s’aggrave. Il est passé en coma stade IV. On attend l’angio cérébrale3. – Le procureur ? – Il est au courant et ne voit pas d’inconvénient à un prélèvement dès lors qu’on lui envoie un compte rendu détaillé. – Bon, reste à voir les proches. – Apparemment c’est un Albanais sans famille sur place. Séverine s’arrêta net devant le lit et pâlit. – Qu’est-ce que tu as ? demanda Hassène, surpris. Malgré les pansements et les tuyaux, le visage était parfaitement reconnaissable. Il s’agissait du jeune homme qui lui avait dérobé sa carte Visa. 1. Professeur des universités – praticien hospitalier. 2. Contrairement à des projectiles de plus gros calibre, les projectiles de calibre 22 Long Rifle n’ont pas assez de puissance pour ressortir de la boîte crânienne. Ils ont tendance à ricocher sur les parois osseuses et entraînent souvent des lésions irréversibles du cerveau, avec état de mort cérébrale. 3. Examen qui permet de confirmer la mort cérébrale en mettant en évidence l’absence de toute circulation sanguine dans le cerveau.
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