Chapitre 4

546 Words
CHAPITRE 4SÉVERINE DOMBRE termina sa consultation avec difficulté, étreinte par une angoisse qui l’empêchait de se concentrer. Elle fila dès qu’elle put dans son bureau, ferma la porte à clé, se laissa tomber dans son fauteuil et tenta de mettre ses idées en ordre. Ce type l’avait clairement menacée. Comment savaient-ils qu’elle avait un fils et comment connaissaient-ils son prénom ? Cette histoire lui faisait de plus en plus peur. Elle se reprocha d’avoir accepté de les revoir. Mais cela aurait-il changé la donne ? Un des gardes du corps de ce Dibra avait évoqué lors de la première consultation certains « renseignements » qu’il possédait sur elle. Ils ne l’avaient donc pas choisie au hasard ! Ils devaient appartenir à une sorte de mafia. Que faire ? Prévenir la police ? Elle ne disposait d’aucun témoignage. Et elle risquait de mettre la vie de Vincent en danger. Vincent… Un sentiment qu’elle avait rarement éprouvé jusqu’à présent la gagnait. Son instinct maternel, enfoui sous un monceau de bonnes excuses, faisait surface. Vincent… Il allait justement venir ce week-end chez elle. À reculons, comme d’habitude. Elle essaya de se calmer, sans y parvenir, retourna en consultation récupérer le dossier d’Adrian Dibra pour noter l’adresse et le téléphone de contact indiqués par ses accompagnateurs, quoiqu’elle ne sût pas ce qu’elle en ferait. Elle procéda de façon aussi naturelle que possible afin de ne pas attirer l’attention des infirmières. * Vincent arriva chez Séverine le samedi vers treize heures. La ligne 9 l’amenait directement du lycée Janson de Sailly à Chaussée d’Antin, où il devait changer et emprunter la ligne 7 jusqu’à Poissonnière, un motif de grogne supplémentaire. À bientôt seize ans, Vincent était devenu un jeune homme promis à un franc succès auprès des femmes dès qu’il serait débarrassé de son acné juvénile. Ses yeux bruns bordés de longs cils en feraient chavirer plus d’une. L’accueil de sa mère le prit de court. D’habitude, il la trouvait en train de travailler à son bureau, elle lui disait bonjour d’un air distrait avant de lui servir un déjeuner ou plutôt un pique-n***e. Puis, l’après-midi s’étirait en longueur : elle lui laissait faire ses devoirs et retournait à son ordinateur. Ce qui permettait à l’adolescent de donner libre cours à son agressivité à la première occasion, voire de repartir chez son père dès le dimanche matin après une bonne engueulade au petit-déjeuner. Cette fois, Séverine lui ouvrit la porte avec un large sourire. – Coucou, mon grand. Dépêche-toi, pose ton sac, je t’emmène chez l’Italien manger une pizza et ensuite on va au cinéma voir Live by night au Gaumont Opéra. – L’adaptation du polar de Dennis Lehane ? Cool. Séverine ne put cacher sa satisfaction. Elle connaissait quand même les goûts de son fils ! * Ce week-end se révéla une vraie surprise pour Vincent, au point qu’il faillit à plusieurs reprises demander à sa mère ce que cachaient ces attentions inhabituelles. Elle avait même été jusqu’à prendre des nouvelles de Léa, sa demi-sœur ! Ce n’était pas arrivé depuis des mois, très exactement depuis une de leurs nombreuses disputes. Vincent appelait toujours Léa « ma sœur ». Séverine le reprenait à chaque fois. Elle ne pouvait s’en empêcher. Comment lui faire comprendre qu’elle voyait dans ce terme le symbole d’une famille dont elle était de facto exclue ? La dernière discussion s’était mal terminée, Vincent lui ayant fait observer avec un brin de méchanceté qu’elle ne s’était jamais occupée de lui et ne pouvait s’en prendre qu’à elle-même. Le dimanche soir, Séverine sortit sa voiture du parking Montholon et le reconduisit dans le XVIe. L’adolescent rentra chez lui ravi, sans découvrir les raisons de cet accueil inattendu. C’était sans doute préférable…
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