Où ils logent ?Dans des rues tristes, des coins sales, des hôtels borgnes, dans l’escalier d’une maison neuve, dans le fauteuil d’un vieil ami.
J’ai eu pour voisin pendant plusieurs mois, dans celle grande Bibliothèque de Sainte-Geneviève, un réfractaire qui, tous les soirs à dix heures, quand on fermait, prenait son chapeau, – la rue d’Enfer, et partait pour Versailles. C’était pendant l’hiver terrible de 1853. Un de ses amis, garçon à l’aise, qui avait loué à l’année, de ces côtés, un pavillon et un jardin, lui laissait sa clef en décembre, et il allait là par dix-sept degrés de froid, toutes les nuits. Une fois il trouva un homme, un paysan, étendu au milieu de la route, déjà à moitié couvert par la neige. Il se pencha vers lui, reconnut qu’il vivait encore, souffla dessus, pressa ses mains, mais il sentit le frisson le gagner, son sang se glacer : il eut peur de mourir aussi, il continua sa route au trot et laissa mourir l’autre.
J’en ai vu de plus tristes ! J’ai vu des gens qui nous valaient s’ensanglanter les mains contre les murs d’un cimetière pour aller coucher entre les tombes ! Si on les eût surpris, on aurait cru qu’ils venaient couper les doigts à bagues ou v****r les mortes.
Car il faut un asile !
Chacun, gâcheur de plâtre ou gâcheur de vers, homme ordinaire ou phénomène, doit avoir quelque part, à deux pouces ou deux cents pieds au-dessus du sol, au rez-de-chaussée ou au neuvième étage, au moins un coin, une niche, un trou où se loger, un grabat, une malle, un tonneau, un cercueil.
Oh ! les angoisses des nuits blanches, qu’ils appellent, eux :