Le téléphone de Gérald sonnait à son tour.
Je me dirigeais de là vers le chevet du lit où il était posé et je vis un nom qui m'intrigua fortement ; Éric Croft.
Ce nom raisonnait sans cesse en moi pour, je ne sais quelle raison. Tout de même, je ne trouvais pas l'audace de répondre à ce coup de fil.
Je restais cordiale avec mes clients et malgré le fait qu'ils se battaient à faire de moi une partie intégrante de leurs vies, je faisais toujours des pas en arrière, mettant entre nous un fossé. Nul parmi eux ne connaissait mon histoire.
J'allais donc vers la salle de bain, après avoir jeté par la fenêtre le mégot de ma cigarette.
En retirant le peignoir qui couvrait ma peau, j'eus un peu pitié de moi à ce moment-là. Je soufflais de la bouche, un peu exaspérée aussi, je dois l'avouer, de tenir compagnie à des gens, oubliant de m'assister moi-même des fois.
J'avais des blessures que je ne me donnais pas l'autorisation de laisser guérir, parce que je savais que le chemin de la guérison menait à l'acceptation d'une situation que je ne voulais point accepter avoir vécue.
J'avais même du mal à passer mes mains sur ma peau souvent, ne voulant point ressentir une fois de plus la chaleur de ces hommes qui m'avaient agressé.
Je filais ensuite sous le pommeau de douche, priant à l'eau de me masser paisiblement.
Des fourmillements de gouttes me picotaient ainsi, enlevant de moi ces dernières mauvaises pensées qui me tracassaient.
Il y avait malheureusement des soirées comme telles, où je réalisais mes manquants.
Merveilleusement, après la douche, la froide jeune femme que j'étais, fut de retour.
J'allais conséquemment m'allonger aux côtés de Gérald, n'oubliant toutefois pas le nom que j'avais aperçu sur l'écran de son portable.
Je ne sais pourquoi, je n'arrivais tout simplement pas à le chasser de mon esprit. Il me collait à l'âme.
Ainsi, le lendemain, alors que nous étions en train de petit déjeuner, je lui demandais, 'dis-moi... '
'J'écoute !'
'Lorsque tu dormais la nuit précédente, ton téléphone s'est mis à sonner et j'ai vu marquer sur l'écran Éric euh... ' Fis-je semblant de chercher.
'Éric Croft.'
'C'est ça ! Qui ose de cette façon déranger le temps que je passe à tes côtés ?'
'Oh, ne t'inquiète pas pour ça... '
'Me caches-tu des choses ?'
'Non ! Je te cache plutôt du monde. Je n'aimerais pas qu'on te vole à moi.' Répondit-il.
Et quelque part, j'en étais énervée parce que j'espérais avoir un peu plus d'informations sur cet individu.
Néanmoins, je fis comme si de rien était. Je souris puis, déclarait, 'personne ne pourrait le faire... je suis juste un peu curieuse. Tu le sais... je n'ai pas vraiment d'amis alors appart fouiller dans tes affaires... je n'ai rien d'autres à fabriquer.' Éclatant même de rire.
'Ne t'en fais pas ! Lui... je suis sûr qu'il peut te voler à moi ainsi, je le garde où il est.'
'Mais que voulait-il ?' Insistais-je.
'Je ne l'ai pas encore rappelé... je le ferai dans peu de temps.'
Et il le fit. Quelques heures plus tard, alors que nous étions en voiture, conduit par un chauffeur en train de faire une balade matinale.
Gérald susurra, 'Éric... comment vas-tu ? Je suis si content de t'entendre... ' suivit d'un grand silence, écoutant les mots de cet homme dont je voulais tant ouïr la voix.