Chapitre 7 : Otages

4892 Words
∞ Maria Si j'avais su ce qui allait se passer ce jour-là, je me serais bien gardée de dire à l'employé du Toys'Я'Us d'appeler la police et j'aurais réglé ça moi-même : vite fait, bien fait. Malheureusement, je n'ai aucun don de voyance donc, sur le moment, j'ai été satisfaite de le voir en pleine conversation téléphonique avec le 911 après avoir trouvé la meilleure planque possible pour mon petit protégé. Il fallait maintenant que j'en trouve une aussi efficace pour ce garçon chouinard. La porte plastifiée qui nous séparait du braqueur ne ferait pas long feu contre un Uzi. J'étais même étonnée qu'il ne s'en soit pas encore servi pour être honnête. Interrompant la conversation qui durait un peu trop longtemps à mon goût, je saisis son téléphone de sa main et le portais à mon oreille. — Bonjour. lançais-je à l'opérateur téléphonique. Je vais faire vite car il faut qu'on trouve où se cacher dans la réserve. Nous sommes trois à y être retranchés : un employé, un enfant et moi. Je n'ai vu qu'un seul braqueur mais il peut y en avoir d'autre. Celui que j'ai vu est un homme blanc, 1m70 environ, trois points bleu comme ceux que se font les détenus en prison sur le haut de la main droite. Il est gaucher, porte une cagoule du style qu'on met sous un casque de moto, un pantalon cargo camouflage, un tee-shirt gris foncé et il utilise un Uzi ou une arme du même genre. Il a déjà tiré une rafale, ce n'est pas un faux ou un jouet. — Madame, calmez-vous! — Je suis parfaitement calme mais juste un peu pressée. lançais-je froidement et ironiquement. Voyez-vous, il n'y a qu'une porte en plastique qui nous sépare de lui et le plastique ne résiste pas longtemps contre des balles donc taisez-vous et écoutez! C'est enregistré de toute façon, vous pourrez réécouter les détails plus tard. Il y avait une hôtesse à l'accueil et deux caissières quand je suis arrivée dans le magasin vers 10h. J'ignore si elles ont été tuées ou non. Dites au SWAT de demander les nouveaux plans du magasin à un des responsables des lieux, la réserve a changé de place et il n'y a aucune issue de secours là où nous nous trouvons. Je raccroche maintenant, ne rappelez pas, ça risquerait d'avertir le braqueur de notre présence quand il réussira à entrer. Nous le ferons si nécessaire. Je l'entendis bien demander mon nom mais pas le temps pour ça! J'éteignis l'appareil complètement et le rendis à son propriétaire que je fis se relever. — Allons trouver un endroit où vous planquer! J'ouvris une porte qui donnait sur une réserve plus petite munie d'une lucarne minuscule. Enfin, minuscule pour moi en tout cas. Je pris une chaise, montait dessus pour voir l'extérieur. Ça donnait sur le parking mais il y avait précisément une fourgonnette garée là, elle pourrait très bien appartenir au braqueur et, comme je l'avais dit au flic, il pouvait ne pas être seul, j'abandonnais donc l'idée de faire passer Dylan par là pour le sortir de ce merdier. Je redescendis, laissant volontairement la petite fenêtre ouverte ainsi que la chaise en dessous. Avec un peu de chance, il penserait que nous étions sortis par là. — Et le petit, il est où? — À l'abri! — Vous êtes flic? Vous parlez comme un flic. Non, militaire, c'est ça? Je suis sûr que vous êtes une gradée, on voit que... — Non. Et c'est pas le moment de faire le récapitulatif de nos cv respectifs. le morigénai-je en continuant à chercher du regard où mettre cet empoté d'humain. Là-haut! lui dis-je en montrant une caisse en bois sur une étagère du haut. — Je peux pas... J'ai le vertige. — Vous ne verrez pas la hauteur quand vous serez dedans! dis-je en roulant des yeux. — Je n'arriverai pas à monter! gémit-il. J'ai trop peur! — Écoutez... Jimmy! dis-je après avoir lu son nom sur son badge. Qu'est-ce qui vous fait le plus peur? De tomber ou de rester en bas et de mourir à coup sûr avec des balles? Choisissez et vite! — En bas... J'ai vraiment trop peur! Désolé. — Et bien débrouillez-vous pour vous planquer alors! Où éteint-on la lumière? — À côté de la porte. dit-il en tremblant. — Y-a-t-il un coupe-circuit ou quelque chose qui permettrait de bloquer la porte en position basse? — Seulement la clé... Et le disjoncteur du magasin peut-être mais il est dans les bureaux, à côté des caisses! Vous pensez qu'il les a tuées? dit-il en pensant évidemment à ses collègues qui travaillaient justement là-bas. — J'espère que non mais je n'en sais rien. Qu'est-ce que vous attendez pour vous trouvez une planque? grondais-je en le voyant se figer. — Je vais me mettre derrière les ours géants! dit-il, soulagé. — Trop évident. Il vous trouvera direct. Et ça ne m'arrangeait pas parce que les ours étaient près de l'endroit où j'avais laissé le louveteau mais je me gardais bien de lui dire. — Cette armoire là, est-ce qu'elle ferme à clé? — Oui... Je crois! — Bien! Venez! Entrez là-dedans, asseyez-vous et ne bougez plus! Je vais mettre des décorations par-dessus vous et vous enfermer dedans. S'il ouvre la porte, ne faites plus un bruit, ne remuez pas, même si vous avez une crampe! — Vous voulez m'enfermer, mais pourquoi? — Si tous les placards sont fermés de l'extérieur, il ne se doutera pas que vous êtes dedans. Mais il vérifiera peut-être! Dépêchez-vous, bordel! Il peut arriver à ouvrir cette fichue porte n'importe quand! grognais-je. Il obéit enfin. Je le recouvris d'un amoncellement de décorations orange et noires et refermais la porte avec sa clé. Je mis également des tas d'objets disparates dans le bas des autres placards pour qu'ils atteignent à peu près la même hauteur que le tas qui recouvrait Jimmy. Quand ce fut fait, je fermais tous les autres placards, laissant les clés en évidence dans les serrures puis je me baissais et longeais le mur pour atteindre la porte et l'interrupteur qui s'y trouvait. Le braqueur n'était plus devant la vitre mais je sentais son odeur toute proche, difficile à louper : il puait le whisky bon marché! J'appuyais sur le bouton et toutes les lumières de l'entrepôt s'éteignirent une à une. J'en profitais pour laisser la place à ma panthère. L'obscurité n'était pas totale dans la réserve. Entre la lumière du magasin qui passait par la porte et les interstices du toit qui donnaient sur l'extérieur, l'éclairage était largement suffisant pour moi. — Ils ont éteint! dit une voix de l'autre côté de la porte. — On rallumera! Occupes-toi plutôt d'ouvrir ce bordel! dit une autre voix. Merde! Ils étaient donc au moins deux. Il y avait donc probablement deux armes au minimum. — Je vais chercher le transpalette! Je fonce là-dedans et basta! — Tais-toi! Tu entends ça? — Les flics! Fais chier! — Va rejoindre Denis! Oblige l'une des filles à se mettre à genoux devant la porte, les mains sur la tête! Si elle tente quoi que ce soit, tu la tires comme un lapin! Ça montrera aux flics qu'on est sérieux! — Et pour ceux-là, on fait quoi? — Un nénette, un gamin et un ado boutonneux... Que veux-tu qu'ils fassent? C'est pas comme s'ils pouvaient sortir ou disparaître comme par magie. Je reste par là au cas où ils tenteraient une sortie. Bon, donc celui qui allait rester à proximité était visiblement, sinon le leader, au moins un donneur d'ordres dans cette équipe qui comportait trois gugusses au moins. Ils savaient qu'il n'y avait pas de sortie, ce qui impliquait qu'ils connaissent les lieux. Ils étaient prêts à tuer visiblement. Ça tombait bien, moi aussi! J'avançais à patte de velours pour m'éloigner de la porte et rejoindre Dylan comme c'était convenu. J'arrivais devant les peluches et levais la tête. La seule chose qui distinguait le louveteau des autres peluches, c'était la phosphorescence ses rétines braquées sur moi. Je sautais sur l'étagère et me plaçais à côté de lui, posant ma grosse patte sur sa tête qu'il avait relevée. Il reprit sa position initiale et ferma les yeux. Je m'allongeais et restais immobile. Le temps passa et rien ne survint! Et ça faisait maintenant un bon moment que nous étions là : deux, trois heures, peut-être davantage. J'étais dévorée de curiosité. Que faisaient donc les flics? Le SWAT était-il déjà arrivé? Ne trouvaient-ils pas les nouveaux plans? Oui, ça expliquait sûrement qu'ils n'aient pas encore donné l'assaut. Le louveteau s'était endormi et ses pattes remuaient un peu, comme s'il rêvait qu'il était en train de courir. Je l'aurais bien laissé faire mais ses mouvements commençaient à éparpiller les peluches autour de nous, risquant de les faire tomber au sol. Ma panthère posa la patte sur son dos et il ouvrit aussitôt les yeux, en alerte. Je le rassurais en ronronnant légèrement près de lui — Je veux sortir! J'ai besoin d'aller aux toilettes! dit soudain la voix geignarde de Jimmy. Vous êtes là madame? Madame? Maaadaaaame! se mit-il à crier, au bord de la panique devant mon silence. Je poussais un feulement sonore qui le fit taire. Momentanément hélas. — C'était quoi, ça? Même le louveteau de Dylan roula des yeux. Cet adolescent était vraiment stupide! D'ailleurs, comme si ces appels ne suffisaient pas, il commença à donner des coups bruyants dans la porte métallisée. Mon petit protégé commença à grogner devant tout ce vacarme mais je lui lançais un regard tacite et il arrêta, se contentant de dévoiler ses crocs, les babines relevées mais sans un bruit. J'émis une petite vibration d'ultrasons typiquement Féline et il se détendit. Pendant ce temps, Jimmy continuait à taper à grands coups. De là où nous étions, nous pouvions voir une toute petite partie de la porte automatique et je remarquais alors un subtil changement avec cette dernière. La lumière semblait plus forte. Je fis signe au louveteau de ne plus bouger et repris ma position de peluche. — Ouvrez-moi! Je vais me faire pipi dessus! dit Jimmy au moment où une silhouette s'avança dans l'entrepôt. Vu la tenue, ça aurait pû être un membre du SWAT mais, clairement, ça ne pouvait en être un : d'abord parce qu'il ne s'était pas annoncé comme tel mais surtout parce qu'il était seul. J'avais vu assez de documentaires sur eux pour savoir que ça n'arrivait jamais. Il tenait un fusil automatique sur lequel il alluma une torche et balaya les lieux sommairement avant de le braquer sur l'armoire dans laquelle l'employé continuait à beugler comme un fou. Sa façon de se déplacer était la même que la leur par contre, ce mec avait été flic ou militaire, pour moi, c'était une certitude. Il tendit la main vers la porte et voulut l'ouvrir avant de s'apercevoir qu'elle était fermée à clé. — C'est vous madame? L'homme cagoulé émit un rire sarcastique avant de tourner la clé, d'ouvrir la porte et de braquer son fusil sur le visage de Jimmy qui, même dans l'obscurité, pâlit visiblement. — Loupé garçon! Essaye encore! se gaussa-t-il. — Pitié! Me faites pas de mal! — La nénette et le gosse : ils sont où? — J'sais pas m'sieur, j'vous jure! dit-il en claquant des dents si fort qu'il en mangeait la moitié des mots. — Sors de là! dit-il en accompagnant l'ordre d'un mouvement du canon de son arme. — Me tuez pas! supplia l'ado en s'exécutant. — P'tain! Tu t'es pissé dessus! T'es un vrai dégueulasse, toi! Où est-ce qu'on allume ici? — À côté de la porte. — Passe devant! lui ordonna-t-il en braquant le fusil dans son dos. Allez, bouge tes fesses, pisseux! ajouta-t-il. Je jetais un regard vers le louveteau. Comme je lui avais demandé, il était parfaitement immobile mais ses babines dévoilaient de nouveau ses crocs. Il voulait visiblement sauter sur le dos de l'homme armé. Je l'apaisais une fois de plus avec mes vibrations. Sans bouger la tête, il leva les yeux sur moi. Je lui rendis son regard et il baissa doucement ses babines et reprit son air de peluche innocente, les yeux à demi clos. Je me concentrais sur l'homme armé qui venait de rallumer les néons et qui ouvrait désormais en grand la porte automatique. Un transpalette lui avait servi à la remonter suffisamment pour qu'il rampe en dessous et Jimmy avait fait tellement de bruit que je ne l'avais même pas entendu faire. Quel crétin ce gosse! Enfin, il ne méritait pas de mourir parce qu'il était idiot non-plus donc il fallait que je trouve un moyen de l'aider à se tirer du guêpier dans lequel il s'était fourré tout seul. — Denis! Fred! Venez voir ce que je viens de trouver! se mit à rire l'homme armé. — Et la grande bringue et le gosse? dit une voix que je reconnus comme étant celle de l'odeur du mauvais whisky et qui venait de loin. — Quelque part là-dedans. Tiens! Emmène le pisseux avec les autres, je vais les chercher. Après avoir envoyé une bourrade dans le dos de Jimmy pour l'expulser de la réserve, il se retourna et referma le rideau. Pas jusqu'en bas cependant puisque le transpalette le maintenait encore à une soixantaine de centimètres du sol. Il commença par vérifier les autres casiers, donnant des coups de pieds dans les jouets que j'y avais placés pour vérifier que nous n'étions pas en dessous. Puis il s'approcha de nous et balança les peluches géantes, juste en-dessous de nous, sur le sol avant de bifurquer pour regarder dans la petite pièce où j'avais vu la lucarne. — Merde! La sal.ope! l'entendis-je dire avant de le voir faire demi-tour pour retourner vers l'entrée. Il jura tout le temps que remonta la porte puis passa en dessous et se mit à courir. Bien, c'était le moment d'agir mais je restais figée un petit moment, me demandant si je devais laisser Dylan ici ou le prendre avec moi. Je sautais souplement du rayonnage et repris forme humaine. — Dylan, on y va! dis-je au louveteau. Reprends ta forme humaine, ce sera plus simple pour nous cacher dans les rayons. Le louveteau, avec la même agilité que moi précédemment, bondit de l'étagère, tenant dans sa gueule la petite panthère en peluche puis reprit forme humaine. — Il aurait dû t'obéir Djimi. me dit Dylan en fronçant ses sourcils. — Oui, il aurait dû. — Mais tu vas l'aider, même s'il a pas obéi, pas vrai? — Je vais essayer en tout cas mais ma priorité pour l'instant, c'est que toi, tu sois à l'abri. Allez viens-là, ça ira plus vite si je te porte! lui dis-je en lui tendant les bras. Je sortis de la réserve avec mon précieux fardeau et inspectai soigneusement toutes les allées avant de traverser le magasin, me cachant derrière chaque tête de gondole. J'entendais les braqueurs lancer des injures et s'énerver au niveau des caisses sans savoir s'ils sen prenaient à leurs otages ou à eux-mêmes. Lorsque j'eus enfin atteint l'autre côté du magasin, là où devrait se trouver l'ancienne réserve et donc les sorties de secours, il n'y avait rien! Ou plutôt si, il y avait bien quelque chose : une gigantesque étagère recouvrait tout le pan du mur derrière laquelle on pouvait apercevoir l'ancienne porte! Décidément, les gars qui avaient fait les travaux n'avaient respecté aucune règle de sécurité. Ils allaient avoir des nouvelles de mon avocat très bientôt ceux-là. Si un incendie s'était déclaré, nous serions morts brûlés vifs faute de sortie de secours. Remarque, une prise d'otage, c'était pas mieux! L'un ou l'autre, de toute manière, on était coincé là! J'entendis un bruit de pas remonter l'allée menant à la réserve d'où nous venions de sortir donc je franchis l'angle de la dernière allée et cherchais une solution pour nous sortir de ce pétrin sans que Dylan ou moi soyons blessés. — On va faire comme tout à l'heure, ok? Tu vois ces Playmobils géants là-bas, tu vas laisser ton loup sortir et te mettre à côté d'eux et ne plus bouger comme si tu étais une peluche. Il ne faut ni grogner, ni bouger, pas même la queue ou les babines sinon, ils pourraient comprendre que tu n'es pas un jouet et te faire du mal. C'est compris? — D'accord Maria. — Je reviens vite, je te le promets! Il céda la place au louveteau qui me jeta un regard suppliant. — Il faut que tu protèges Dylan! chuchotais-je en m'accroupissant pour être à sa hauteur. Tu ne dois pas bouger, c'est très important! Je vais devoir te laisser, mais je ne serai pas longue. Le louveteau soupira, ses yeux jaunes plantés dans les miens et baissa la tête en guise d'assentiment. — Parfait. Je te fais confiance, tu ne montres pas les dents, tu ne grondes pas! l'avertis-je une fois de plus. Ne montre pas trop tes yeux non-plus. Je veille sur vous! ajoutais-je dans un sourire. Je pris la peluche qui était tombée au sol pour la mettre dans les bras d'un des Playmobils pendant que le louveteau s'allongeait aux pieds de l'autre. Je le gratouillais sous le menton et me transformais à mon tour. La première chose à faire était de réduire le nombre de nos problèmes et l'un d'eux venait justement de s'engouffrer en solo dans la réserve. Ma panthère sprinta en silence sur le sol dallé et parvint rapidement au sol de ciment brut de la pièce. Je lui montrais les boutons et elle se mit sur ses pattes arrières pour taper d'abord sur le pressoir qui referma le rideau plastifié puis sur l'interrupteur rouge. L'homme était celui qui sentait le whisky, il était dans la petite pièce attenante, occupé à observer par la fenêtre et à la jauger donc il ne se rendit pas compte immédiatement que l'entrepôt était plongé dans le noir.. — C'est trop étroit, elle aurait pas pu sortir par là. se mit-il à dire pour lui-même en redescendant de la chaise. Cette gar.ce est toujours là! dit-il avec un rictus mauvais en saisissant son Uzi qui pendait par la bandoulière au niveau de sa taille. C'est à cet instant qu'il s'aperçut de l'obscurité qui régnait dans la réserve attenante. — Dan? Denis? Aaron? appela-t-il ses comparses, en vain. Il resta un bon moment sur le seuil de la pièce éclairé, appela un peu plus fort, espérant sans doute que ses complices étaient à proximité et l'entendraient avant de réaliser que ce n'était pas le cas. Contrairement à l'homme au fusil qui avait capturé Jimmy, celui-ci n'avait pas de lampe sur lui, il sortit donc de la pièce en tâtonnant le mur de sa main droite et en braquant son Uzi à l'aveuglette de gauche à droite. Au plus profond de son cerveau néandertalien, il percevait le danger, sentait qu'une présence hostile le guettait mais, heureusement pour moi, il ne tint pas compte de cet instinct primaire et se mit à jurer. — P'tain Fred, ressaisis-toi bordel! T'as quand même plus peur du noir depuis le temps! s'admonesta-t-il lui-même. La lumière de l'extérieur ne passait plus par les interstices du toit, signe que la journée touchait à sa fin ou que le ciel était couvert dehors. Les seules sources de clarté étaient artificielles. Elles provenaient de la pièce qu'il venait de quitter et du magasin éclairant le sol de ciment au bas du rideau plastifié, toujours maintenu entrouvert par le transpalette. C'est vers cette dernière qu'il alla en ligne presque droite, lâchant à la fois le mur et le Uzi pour placer ses mains devant lui et éviter de se prendre un obstacle invisible à ses yeux. Pour ma part, ma panthère et moi y voyions comme en plein jour. Nous avions l'habitude de tuer rapidement et silencieusement nos proies et celle-ci ne fit pas exception. Tapie au ras du sol, une ombre parmi les ombres, ma panthère le laissa s'approcher de nous et lui bondit dessus, pile entre ses bras ouverts et tendus devant lui, arrachant d'un seul coup de croc la gorge découverte laissée à notre disposition. Il tomba en arrière sous l'impact de notre poids, surpris, mais n'émit qu'un faible borborygme. Il porta instinctivement ses mains à sa gorge d'où un flot de sang jaillissait et je reculais, ma panthère voulait reprendre sa routine dégustative pendant qu'il se vidait de son sang mais je lui fis remarquer que ce n'était pas le moment et qu'il était armé contrairement à nos victimes habituelles. Le dénommé Fred tâtonnait justement à côté de lui mais son Uzi avait roulé le long de la bandoulière derrière son dos et il était couché dessus. Quand il fit mine de se soulever pour s'en saisir, ma panthère le plaqua au sol, une patte sur chaque épaule et attendit dans cette position jusqu'à ce qu'il émette un dernier râle d'agonie. Je repris forme humaine et m'emparais de l'arme poisseuse d'hémoglobine que je jetais au milieu des costumes sous plastique avant de me retransformer. Je ne voulais pas laisser Dylan seul trop longtemps, surtout qu'il restait encore au moins trois types armés avec lui de l'autre côté... Je n'eus cependant pas d'autre choix que de rester là un peu plus longtemps car j'entendis la voix du donneur d'ordre de toute à l'heure qui appelait son complice en grommelant de l'autre côté de la paroi plastifiée. Celui-ci savait où se trouvait l'interrupteur et me verrait au premier coup d'œil s'il allumait, ma panthère prit appui sur une table branlante pour sauter sur une étagère près du rideau baissé. La table se renversa dans un fracas épouvantable. — Fred? Qu'est-ce que tu fous? dit l'homme au fusil en tentant de regarder par la vitre de plexiglas.sans rien pouvoir distinguer. Merde! hurla-t-il. Ils sont entrés par derrière, je crois qu'ils ont eu Fred! Il pensait évidemment au SWAT puisqu'il était persuadé que Dylan et moi nous étions enfuis par la fenêtre. — Vous avez gagné! cria-t-il mais vers la réserve cette fois. On bute un otage! On vous avait prévenus! Denis! Occupe-toi de la brune! J'entendis un cri perçant suivit par un coup de feu unique et d'autres cris de panique se mirent à résonner dans le magasin. Ma panthère et moi étions enragées. Mais contrairement à elle, je me sentais coupable de la mort de cette femme. "Ce n'est pas toi qui as tiré, ce n'est pas toi qui as donné l'ordre non-plus!" me dit-elle avec sagesse. Le leader se mit à rire avec sadisme et s'éloigna du rideau, je descendis de l'étagère, atterrissant en silence sur le sol brut et me glissant sous le rideau. Cachée par le transpalette, il ne me vit pas sortir. — Aaron, garde cette porte, si tu vois quoique ce soit, tire au travers! dit le donneur d'ordre à un grand dadais tout maigre avant de retourner vers les caisses. Fred étant déjà mort par nos soins, Denis étant celui qui avait tiré sur la caissière et la grande asperge susnommée Aaron étant celui qui pointait sa mitraillette vers le rideau, le chef était donc forcément Dan. Et j'avais un compte à régler avec ce Dan pour lui faire regretter d'avoir fait tuer cette pauvre fille. Néanmoins, je devais déjà m'occuper d'Aaron pour l'instant mais j'étais en mauvaise posture pour le faire : au moindre mouvement il me tirerait comme un pigeon d'argile et il était trop loin pour que je lui bondisse simplement dessus. Aussi rapides étions-nous, nous ne courrions pas plus vite que les balles de sa petite mitrailleuse! Même concentrée sur lui comme je l'étais, je perçus un léger mouvement derrière lui. C'était furtif et je me tassais aussitôt pour pouvoir bondir et m'écarter le plus vite possible si c'était l'un des deux autres qui arrivait... mais c'est une truffe couleur caramel qui pointa légèrement derrière une étagère. Dylan! Enfin, son loup plutôt. Mais que faisait-il là, bon sang? Il allait se faire tuer! Tous mes muscles étaient tendus, si Aaron tournait légèrement la tête, il le verrait. Je n'aurais que quelques secondes pour agir et me poster entre le canon et le louveteau avant qu'il lui tire dessus. Heureusement Aaron ne tourna pas la tête. Sa cagoule réduisait probablement son champ de vision périphérique. Le louveteau bondit sur son dos et je sortis de derrière le transpalette au même moment, bondissant brusquement sur l'homme armé alors que le loup était encore en plein vol. Aaron n'eut pas le temps de presser la gâchette, il était trop concentré sur le rideau pour réagir et réaliser ce qu'il se passait. Mais il eut le temps de pousser un cri en se sentant propulser par l'arrière directement vers ma gueule béante. Je lui ouvris la gorge d'un seul mouvement sec et atterri en souplesse sur mes pattes, pendant qu'il s'écroulait, face contre sol. Le louveteau était juché sur son dos. — Aaron? Le leader revenait, attiré par le cri du grand dadais. Je récupérais la mitraillette que ce dernier avait lâchée pour porter ses mains à sa gorge et repartis vers le dernier rayon, suivie par le louveteau. Dès que nous fûmes en sécurité derrière l'étalage, je me transformais et glissais l'arme entre deux boîtes de jeux. — C'était très très dangereux! Il aurait pu te tirer dessus. grondais-je tout bas en saisissant le louveteau par son encolure. Il aurait pu vous tuer! Tu comprends? ajoutais-je en tremblant rétrospectivement avant de le serrer dans mes bras et de lui coller un bai-ser sur la truffe. Tu m'as fait peur! Ne recommence jamais ça! Je sentis un fourmillement et fus légèrement aveuglée lorsque Dylan reprit forme humaine dans mes bras. — Moi aussi j'ai eu peur, j'ai cru qu'il t'avait tuée! répondit le garçonnet, les larmes au bord des yeux, la voix aussi tremblante que le corps. Je voulais t'obéir et rester sans bouger mais le loup a pas voulu, il était en colère. — Je comprends, Dylan, ne t'inquiètes pas! — Tu es fâchée? — Je ne vous en veux pas mais j'ai eu très peur! S'il vous avait tiré dessus... N'en parlons plus! Ce qui est fait, est fait! soupirai-je. Il faut qu'on parte d'ici! Viens! Je pris sa petite main dans la mienne et avançais dans la dernière allée. Si quelqu'un arrivait d'un côté ou de l'autre, nous étions faits comme des rats! — Maria. chuchota Dylan en s'arrêtant devant les Playmobils géants, stoppant net notre progression. Il me montra du doigt la peluche que j'avais laissée et je la pris pour la lui rendre. Il la serra fort contre lui et me sourit. Je lui souris en retour mais repris très vite un air fermé. Dan venait apparemment de trouver le corps de son copain. — Vous voulez du sang, vous allez en avoir! se mit-il à hurler dans le magasin. Denis! Butes-en une autre!!! Je grondais férocement et pris Dylan dans mes bras pour aller plus vite. Je débouchais au bout du rayon, directement sur les caisses. — Quoi qu'il se passe, ne bouge pas de là! intimai-je à l'enfant en le posant dans l'habitacle de l'une d'elles où il ne serait pas visible. Je me relevais sans me cacher et fixais l'entrée du magasin où se trouvaient Denis et les otages. Il ne nous avait pas vus ou entendus débarquer parce qu'il était occupé avec deux filles qui s'accrochaient, en hurlant et pleurant, l'une à l'autre. L'hôtesse d'accueil était à plat ventre dans une mare de sang à quelques mètres d'elles. Seul Jimmy me faisait face et il pâlit et tenta de me faire signe de me baisser discrètement. Cependant, je n'avais aucune envie d'être discrète, au contraire, je voulais que Denis me voie et qu'il concentre son attention sur moi, pas sur les filles. — Lâche-les! grondais-je. quand je ne fus plus qu'à un bond de panthère de lui. Il se retourna, choqué et pointa son arme vers moi. — T'es qui toi, bordel?! D'où tu sors? — Lâche-les! répétai-je seulement, avant de laisser place à ma panthère. Le flash coloré l'avait ébloui et il avait levé sa main armée devant ses yeux pour s'en protéger, ce qui me laissa le temps de lui bondir dessus et de l'éventrer d'un coup de patte, du plexus au nombril. Il hurla en voyant ses intestins sortir de lui, et lâcha son pistolet pour les rattraper et tenter de les garder à l'intérieur. Il baissa un visage terrifié vers moi et se mit à implorer "pitié" mais c'était trop tard pour lui. Je repris forme humaine et il papillonna des paupières, les mains toujours pressé sur son ventre. — Est-ce qu'elle aussi a demandé grâce? demandai-je en désignant la jeune brunette qui baignait dans son sang un peu plus loin. Je n'attendis pas de réponse et plongeais ma main dans son thorax, pile entre ses côtes. Il hurla de douleur et l'une de ses mains lâcha son ventre ouvert pour attraper mon poignet plongé en lui. Son gros intestin se mit alors à couler hors de lui.comme un énorme serpent. J'enfonçais mon avant bras plus profondément, écartais les poumons et m'emparais de son cœur que j'arrachais d'un coup sec. Il s'effondra aussitôt, raide mort! Je lâchais l'organe sur lui et me tournais vers les trois visages terrifiés tendus vers moi. — Qu'est-ce que vous attendez? Sortez d'ici! dis-je en leur montrant la porte. ∞
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