Chapitre 4 : Dossiers criminels

2969 Words
∞ Jack Je n'aimais pas vivre en ville. Je n'aimais déjà pas les villes des change-formes bien qu'elles soient entourées de forêts et que les habitations y soient individuelles... Pas que je sois asocial ou misanthrope, bien au contraire, cependant je chérissais farouchement ma solitude. Alors les villes humaines goudronnées de partout, où les maisons étaient littéralement collées les unes aux autres... quand ce n'était pas des appartements empilés les uns au-dessus des autres, je les avais tout simplement en horreur! Heureusement, j'avais dégoté un petit chalet en périphérie de Minneapolis où je n'avais ni voisins, ni bruits gênants pour m'enquiquiner. Pourtant, ce n'est pas vers ce petit coin de paradis au milieu de l'enfer que je m'étais dirigé en quittant la scène du crime mais bien vers le centre-ville. Je n'avais pas pu m'en empêcher! Je savais qu'il était tard - ou plutôt trop tôt - pour débarquer, surtout à l'improviste mais je ressentais le besoin de mon loup qui brûlait de revoir Maria. Il se languissait d'elle et je devais bien avouer qu'à moi aussi elle manquait. Je voulais me perdre en elle pour oublier ma frustration, je voulais entendre ses râles et ses soupirs de plaisir et ne penser à rien d'autre qu'à son corps sur le mien, qu'à sa moiteur qui enserrerait ma queue lorsque je la ferai jouir,. Je voulais savoir quel déshabillé elle porterait ce soir, je voulais la voir sourire, l'entendre rire. Je voulais voir ses yeux encore embrumés de sommeil quand elle se réveillait dans mes bras. Je voulais la voir choisir sa lingerie si féminine qu'elle cacherait sous des vêtements austères. Je voulais être le seul à savoir à quel point son apparence de froideur professionnelle cachait en réalité une femme passionnée. Je voulais caresser les flancs de sa panthère au pelage si doux et courir avec elle dans les bois. Je voulais les protéger toutes les deux des horreurs de ce monde hostiles, les enlever à cette vie bétonnée pour les emmener loin, dans la nature sauvage où nous pourrions simplement être nous. Je la voulais elle, toute entière! Mais c'était impossible. Dès que j'aurais mis la main sur le Renégat, mon boulot m'appellerait ailleurs et je partirai. Je devrais la laisser derrière moi car elle aussi avait sa vie et son travail. Elle aimait profondément les enfants dont elle s'occupait et elle ne les abandonnerait pas pour mes beaux yeux. Je ne voudrais pas qu'elle le fasse d'ailleurs! Ces enfants avaient besoin d'elle et je ne les ferai pas souffrir en leur enlevant la seule personne correcte de leur vie. Je savais trop bien ce que c'était d'être abandonné pour leur faire ce coup-là. Et puis, même si elle quittait son travail, je n'allais pas la trimballer avec moi pour courir après des Renégats ou des suprémacistes donc ça signifiait qu'il faudrait que je trouve une Meute ou une Troupe pour la laisser en sécurité. Et si je m'affiliais à un Alpha, si toutefois j'arrivais à en trouver un de correct, ce qui n'était pas gagné avec eux, ça voudrait dire que je ne pourrais plus être Lunari et ça, je m'y refusais! Pas seulement parce que j'étais né pour ce travail mais parce que nous n'étions déjà pas assez nombreux pour résoudre tous les problèmes actuels. Je ne ferai jamais ça à Judith et Nathaniel, les Meneurs, mes parents de substitution! Ils comptaient sur chacun de nous et je ne leur ferai pas faux-bond! J'avais beau savoir tout ça, j'étais quand même arrivé devant chez Maria, presque par instinct. Seule la fenêtre de sa chambre était allumée, si elle ne s'était pas endormie sur un de ses dossiers, elle ne tarderait pas à se mettre devant l'encadrement après avoir reconnu le bruit de ma moto. Je patientais de longues minutes, hésitant à l'appeler. Je ne voulais pas la réveiller si elle dormait. Finalement, comme rien ne bougeait, je remis mon casque et partis. Mon loup se mit à hurler en moi. Il m'en voulait terriblement et il était particulièrement frustré. Ça faisait une vingtaine de jours que je n'étais pas retourné la voir et quand, enfin, je m'y décidais, je faisais demi-tour. "Elle dort, je l'appellerai demain!" lui dis-je pour le consoler. Il refusa de me répondre. Il faut dire aussi que ce n'était pas la première fois que je lui disais cela et ça n'avait jamais été suivi d'effets. Mais cette fois, j'avais bel et bien l'intention de l'appeler. Je retournais dans mon chalet et mangeais un sandwich. Je proposais bien à mon loup de le laisser prendre ma place pour qu'il aille se dégourdir les pattes mais il continuait à me battre froid et ne répondit pas. Je m'allongeais donc et tentais de dormir. Cependant, le sommeil fut long à venir et ne dura que peu de temps. J'avais l'impression que je venais juste de réussir à m'endormir quand mon alarme se déclencha. Il me fallut une heure pour me préparer et rejoindre le bureau du shérif Wakson près de Saint-Paul. Au vu de l'heure matinale, il n'y avait pas grand monde encore, cependant au lieu de nous installer sur les sièges confortables de son bureau pour consulter les dossiers des victimes, nous nous sommes installés dans la salle de briefing. Comme convenu, nous avons fait chauffer nos téléphones pour lancer tous azimuts des recherches sur des cas similaires aux nôtres auprès de nos collègues policiers, fédéraux et change-formes. Pour ma part, j'avais évidemment commencé par contacter les Meneurs. Judith Alstrom avait des dossiers très détaillés sur chaque cas rapporté par ses Lunaris mais comme je n'ai pas réussi à la joindre directement et qu'il me fallait des réponses rapidement, je me tournais vers mes collègues. Pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, nous n'étions que 8 à nous partager la tâche. Danielle, une Lunari ours blanc s'occupait de tout le secteur de l'extrême nord, d'est en ouest. C'était elle qui avait le secteur le plus étendu mais également le moins peuplé. Elle était également la plus difficile à joindre car elle avait rarement du réseau, même avec son téléphone satellite pourtant je réussis à l'avoir du premier coup, même si notre conversation fut plutôt hachée à cause de la couverture nuageuse chez elle. Elle n'avait pas eu ce genre de cas dans son secteur récemment mais elle allait vérifier dans ses dossiers et me recontacterait ultérieurement si elle trouvait quelque chose. Tobias gérait le grand nord-est, des côtes du Labrador jusqu'au Maine puis au-dessus des grands lacs jusqu'au Manitoba. Il était mal réveillé et de méchante humeur, comme souvent lorsqu'il n'avait pas son compte de sommeil. Il avait bien vu des corps brûlés mais pas de traces de morsures aux parties génitales ni de cœur arraché. Sur ma demande, il allait me faire parvenir les dossiers de ces corps brûlés. Richard s'occupait du secteur du grand nord-ouest, du Saskatchewan à la Colombie Britannique et de Washington au Montana en passant par le nord de l'Idaho. J'eus beau l'appeler, je n'arrivais pas à le joindre, je laissais donc un message en lui demandant de me rappeler au plus tôt. Billy était le plus âgé d'entre nous, il avait sous sa responsabilité le secteur sud-ouest : toute la côte californienne à l'ouest ainsi que le Nevada, l'Arizona et le Nouveau-Mexique. Le secteur le plus petit mais le plus densément peuplé... et il avait fort à faire! Il avait vu toutes sortes d'affaires avec des corps brûlés ou partiellement dévorés mais pas les deux en même temps. Lui aussi allait m'envoyer les dossiers correspondant. Il m'envoya d'ailleurs immédiatement les photos des victimes par mail pour que je lui fasse une présélection par rapport à ce que je recherchais. Il y en avait un paquet : une vingtaine de photos par mail sur une centaine de mails au total. Ça me prit pas mal de temps pour écarter les affaires qui n'avaient visiblement rien à voir avec la mienne et garder celles qui pouvait peut-être correspondre : une dizaine au total sur plus de deux cent. Je le rappelais dès que j'eus terminé mon tri et il m'envoya ces dossiers, un par mail cette fois. Il me précisa toutefois que certaines de ces affaires étaient résolues et qu'il s'était chargé des Renégats mais j'insistais pour qu'il me les envoie quand même. Tristan avait le secteur Central : de l'Oregon à l'ouest puis la partie sud de l'Idaho, le Wyoming, le Colorado et l'Utah. Comme Rick un peu plus tôt, lui non-plus ne répondit pas à mes appels. Je laissais également un message. Mon secteur partait du Dakota du Nord au Nebraska pour sa partie la plus à l'ouest et s'étendait jusqu'à l'Ohio et au Michigan pour les états les plus à l'est, juste sous la région des grands lacs que je partageais avec Tobias et Brad. Du Kansas au Texas et de la Louisiane au Missouri, c'était la seule autre femelle Lunari qui s'en occupait : Savannah. Elle n'avait aucune dépouille brûlée dans son secteur depuis plus de vingt ans et si elle avait bien des cas de corps déchiquetés, les morsures ne visaient pas des parties spécifiques de leur anatomie. Je la remerciais et raccrochais rapidement. J'étais assez mal à l'aise avec elle depuis que nous avions eu une petite aventure quelques décennies plus tôt. De la Floride à l'Illinois jusqu'aux côtes est du Vermont, c'était Brad qui gérait. Il avait quelques cas similaires. Comme son secteur était proche du mien, ça m'interpella aussitôt. Il m'envoya des dossiers qui dataient d'une décennie plus tôt. Il n'avait plus eu de cas de ce genre depuis bientôt cinq ans et la méthodologie était légèrement différente mais c'était une piste à creuser, mon instinct me le disait. Il m'envoya donc les copies de ses rapports en me demandant de le tenir au courant. Il n'avait jamais réussi à mettre la patte sur ce Renégat et ça l'agaçait profondément. Pendant tout le temps que ceci dura, John Wakson avait également fait quelques découvertes de son côté. Le bureau fédéral centralisant la plupart des crimes non résolus de tous les États-Unis, il avait fait une demande auprès d'eux pour recevoir les compte-rendus des affaires similaires à la nôtre et il y en avait quelques unes qui nous étaient vraiment familières. Le fax n'arrêtait pas de cracher des montagnes de feuilles depuis, occupant la ligne téléphonique et le mettant temporairement au chômage technique. Ses adjoints avaient fini par arriver, seuls ou en groupes et il les avait dispatchés pour trier les dossiers, du plus loin au plus proche géographiquement parlant mais également temporellement. La salle était littéralement envahie de cartons remplis de dossiers et le fax continuait à en envoyer d'autres. Certains de plusieurs pages, d'autre d'une simple fiche. Il y eut un soupir collectif de soulagement lorsqu'il arrêta enfin de cracher ses feuilles et de biper bruyamment. Nous nous sommes tous plongés dans l'étude de ces affaires, ne nous arrêtant qu'occasionnellement pour nous ravitailler en café ou pour avaler un sandwich ou une barre de céréales sur le pouce avant de nous replonger dedans. La journée s'avançait et le soir tomba que nous étions toujours tous plongés dans les monceaux de paperasse. — Encore un juge? Merde, la liste des suspects va encore s'allonger! grognais-je à l'intention de John. C'est le quatrième, non? — Non, le troisième, ce gars là, Andrews, il n'avait pas pas encore été élu mais c'était tout comme. répondit-il en tapotant un dossier sur le bureau que nous partagions. Ils ont dû faire un paquet de mécontents. Enfin, ça va au moins nous permettre d'ouvrir de nouvelles pistes! — Pour les juges, les avocats et tout ça, ok, je comprends. dit Grinder, sans aucune agressivité pour une fois. Mais pourquoi consulter la liste des patients du dentiste par contre? Ils n'ont pas été tués parce qu'ils étaient cariés quand même ?! — Imbécile! lâcha Maltigue entre ses dents. C'est juste pour vérifier s'il y a un point commun entre tous ces gars. — Je suppose en effet qu'ils ne sont pas morts à cause de soins dentaires. Dis-je au jeune homme en uniforme. Toutefois, imaginons qu'un patient un peu psychopathe ait décidé de se venger de son dentiste pour X ou Y raisons, en assassinant ses patients les plus rentables pour lui faire faire faillite. — Ce serait pas un patient un peu psychopathe mais carrément un taré fini! soupira Grinder en regardant la monstrueuse pile de papier devant nous. — Tant qu'on n'aura pas trouvé un point commun entre toutes ces victimes, le mobile peut-être tout et n'importe quoi malheureusement. — Lunari! dit un autre agent qui avait écouté notre conversation. Je vois un point commun évident moi entre tous ces types! — Vraiment? — C'était tous des gars et il leur a, à tous, arraché les parties! C'est forcément un mobile sexuel. — Non. répondit le shérif à ma place. Il y a aussi des femmes, c'est le cœur qui leur a été arraché à elles. — Notez quand même ça sur le tableau dans la colonne mobiles possibles. dis-je au patrouilleur. Il y a effectivement quelque chose à creuser là-dessus mais ça veut aussi dire plus de boulot car il va aussi falloir poser des questions sur les pratiques sexuelles des victimes. lançais-je à la cantonade. C'est peut-être un amant bisexuel qui se venge de ses anciens partenaires. — Fais chier! dit un des agents en m'entendant dire. — Un problème? — Bah oui. Cette victime-là : Jonas Bloomer. dit-il en montrant le dossier qu'il était en train d'étudier. On va avoir du mal à trouver quoi que ce soit sur lui. C'était un véritable ermite! Il ne sortait jamais de sa montagne, ni pour aller voir un médecin, ni rien d'autre. Pas même pour faire les courses. Il était en autonomie totale. Les seules visites qu'il recevait c'était celle du facteur une fois par mois, et l'assistance sociale pour vérifier que les gamins étaient à jour dans leurs études puisqu'ils étaient scolarisés à domicile. Ce genre de choses. S'il voyait cinq personnes à l'année, c'est bien le diable! — C'est très bien ça, au contraire! rétorquais-je interressé. Moins de contacts, ça réduit la liste des suspects. Je regardais autour de moi pour vérifier que les adjoints me regardaient tous et je repris. — Si vous trouvez un point commun entre deux des victimes, vous comparez au dossier Bloomer. Et si vous trouvez des dossiers du même genre que le sien, avec peu de contacts extérieurs, vous le donnerez à... C'est quoi ton nom? demandai-je à l'agent qui avait parlé du cas Bloomer. — Will Jackson. — Vous le donnerez à Jackson. repris-je pour l'ensemble des agents. Will, si tu veux bien creuser au maximum ce dossier... Trouves tout ce que tu peux sur ce Jonas Bloomer, on va partir de là. Par exemple, tu as son dossier dentaire? — Non. Il avait des chicots tous pourris, à mon avis, il n'a jamais vu un seul dentiste de toute sa vie! — Génial! Maintenant au moins, nous sommes sûrs que ce n'est pas le patient psychopathe d'un dentiste. Ma petite vanne ne tomba pas complétement à plat, quelques hommes se mettant à rire à cette sortie. — Et on va pouvoir éviter de se taper tout le listing de leurs patients puisque ce n'est pas le lien. ajoutai-je plus sérieusement pour Grinder qui poussa un soupir de soulagement à cette idée. — On va s'arrêter là pour aujourd'hui! dit le shérif en sentant la lassitude de ses hommes. Rentrez chez vous, reposez-vous! On aura encore du pain sur la planche demain matin, je vous veux ici, frais et dispos, pour 8h00. Allez! Les gars ne se le firent pas dire deux fois et partirent tous rapidement dans un remue-ménage de chaises. — Désolé Jack, j'aurais peut-être dû te demander avant mais ils sont crevés... Et puis, la plupart d'entre eux n'ont pas vraiment l'habitude de ce genre de choses! dit-il en montrant la photo d'un homme partiellement dévoré au niveau du bas-ventre. D'habitude, ils gèrent des excès de vitesse ou mettent des amendes à des types un peu trop alcoolisés. — Pas de problème, ce sont tes gars, c'est à toi de voir! Et puis, ça tombe bien qu'on s'arrête maintenant, j'ai quelqu'un à voir ce soir. répondis-je en enfilant mon blouson de moto. — C'est personnel ou pour l'enquête? s'enquit-il. Je peux peut-être t'accompagner si c'est pour l'enquête. Ce n'est pas comme si on m'attendait chez moi. — Désolé John, c'est pour une affaire privée. Mais je t'invite à dîner demain... Et pas pour parler de l'enquête, faut qu'on arrive à se sortir ces horreurs de la tête de temps en temps! ajoutais-je en sentant combien il se sentait seul et démoralisé. Le shérif acquiesça avec un sourire qui n'atteignit pas ses yeux. J'envisageais presque de remettre ma visite à Maria pour plus tard tellement il semblait au bout du rouleau. J'avais peur qu'il bouffe son arme par le canon à force. Mais mon loup me fit clairement comprendre que si je faisais ça, je n'aurais pas à m'inquiéter d'un éventuel sui.cide car il tuerait lui-même le shérif qui l'empêchait de voir sa Maria. Dans son esprit primaire, quoi que j'en dise ou en pense, sa panthère et elle lui appartenaient. Elles étaient siennes! Heureusement pour moi, la panthère noire de Maria tolérait tout juste mon loup parce que sinon, il l'aurait déjà Revendiquée comme Compagne et se serait Imprégné avec elle. Et le comportement de la Féline vis-à-vis de lui était bien la seule raison pour laquelle j'acceptais que mon loup passe du temps avec elle. Je tenais beaucoup à Maria, je la désirais à en crever mais je ne voulais pas d'une Compagne! Je sortis donc du commissariat pour passer le coup de téléphone que j'avais promis à mon loup de passer. ∞
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