Chapitre 5 : Les bonnes résolutions

4308 Words
∞ Maria J'étais restée prostrée un long moment dans mon salon. Je n'avais pas pleuré, j'en étais incapable! La souffrance et moi étions de vieilles amies depuis longtemps. Lorsqu'elle venait me visiter, je lui ouvrais grand les bras, j'acceptais sa présence parce que je la connaissais bien, je savais déjà par quelles phases j'allais passer avec elle : D'abord ce grand néant dans ma poitrine, un trou noir qui aspirait la moindre parcelle de joie que j'avais pu connaître un jour. Ensuite viendrait la douleur à proprement parler, des élancements comme des coups de poignard qui allaient parcourir mon cœur et mon ventre, me laissant tremblante et meurtrie. Puis j'aurais un court répit avant de commencer à chercher "pourquoi" : Pourquoi étais-je si peu digne d'être aimée? Pourquoi m'attachais-je encore et toujours à des personnes qui ne voulaient pas de moi? Pourquoi continuais-je de croire qu'un jour quelqu'un m'aimerait vraiment? Pourquoi acceptais-je les moindre miettes qu'on daignait me jeter? N'avais-je donc aucun orgueil, aucun amour propre? Et cette litanie de questions qui revenaient me hanter continuellement me ferait davantage souffrir que tout le reste. L'ombre noire de ma panthère avait glissé contre ma peau, emplissant la moindre parcelle de mon vide intérieur et me soufflait des encouragements. Elle m'exhortait au courage et me promettait revanche. Sous ses incitations, je finis par me redresser puis me relever carrément. Il était temps que je mette un terme à tout ça, malgré l'amour que je portais à mon bel amant Lunari, je ne pouvais pas le laisser me prendre et me jeter à sa guise comme si je ne méritais pas mieux. Je méritais mieux! Je n'étais pas parfaite cependant je ne le laisserais plus souffler le chaud et le froid avec moi désormais! J'étais encore trop éprise de lui pour songer à le quitter mais, que mes Ancêtres en soit témoins, s'il ne voulait qu'une relation sexuelle sans rien m'offrir d'autre, c'est ce qu'il aurait... mais à mes conditions! Et il regretterait bientôt d'avoir fait ce choix. Au plus profond de moi, je savais que ce n'était pas que du sexe pour lui, qu'il ressentait quelque chose pour moi, sans quoi, il ne reviendrait pas à chaque fois, il aurait disparu de ma vie depuis longtemps. Il appréciait de passer du temps avec moi, même hors du lit. Je voyais bien l'émotion dans ses yeux menthe à l'eau lorsque je riais à ses anecdotes ou simplement quand nous nous affalions sur mon canapé, devant la télé. Mais ce soir, en me tournant le dos une fois de plus... une fois de trop, il venait de perdre tout cela : puisqu'il voulait que notre relation soit exclusivement sexuelle, soit! Elle le serait! C'en était fini de tout lui céder : je n'ouvrirai plus ma porte s'il ne m'appelait pas d'abord, je ne dirai plus "oui" à chaque fois que lui le voudrait, j'avais mon mot à dire après tout. Je ne céderai pas à chaque fois qu'il aurait du temps libre, je ne serai plus à sa disposition! Depuis que je connaissais Jack, j'avais quasiment fait le vide autour de moi pour pouvoir être disponible pour lui, ça aussi c'était terminé! J'avais des amis, je n'étais pas complétement seule au monde et je ne les avais que trop délaissés ces derniers mois. De la même façon, c'était fini les petits déjeuners au lit, du reste, il ne dormirait plus ici maintenant! Après tout, il avait bien un lit, chez lui, même s'il ne daignait pas m'y emmener! Après réflexion, peut-être même n'irions-nous plus chez moi non-plus : s'il voulait qu'on fasse nos cabrioles dans un lit, une chambre d'hôtel impersonnelle ferait tout aussi bien l'affaire et ça m'éviterait de sentir sa présence et son odeur chez moi en permanence. Terminé aussi de se blottir dans les bras l'un de l'autre ou de regarder la télé comme un couple normal. On s'enverrait en l'air et ensuite, bye bye, chacun reprendrait sa route de son côté. Oh oui, il allait vite le regretter, peut-être même qu'en installant cette distance entre nous, je finirai par ne plus l'aimer et que je pourrais enfin le quitter pour de bon. Je restais éveillée toute la nuit, regardant mon plafond sans le voir, prenant des résolutions qui, pour la plupart, je le savais, étaient complètement irréalistes. À l'aube, j'étais déjà prête à partir au travail mais le bureau n'ouvrait pas avant 9h00, qu'à cela ne tienne, j'avais pas mal de dossiers chez moi! Je me mis au travail, remplissant des documents administratifs, essayant de trouver des solutions pour que ce frère et cette sœur qui avaient été placés séparément suite à la mort de leurs parents puissent se retrouver. J'annotais leur dossier en ce sens demandant une évaluation psychologique pour pouvoir prouver à mes supérieurs que leur séparation leur faisait plus de mal que de bien. Je notais aussi dans mon agenda les dates des visites de contrôle auprès de familles défavorisées. En dehors de la pauvreté, ces gens aimaient leurs enfants. J'étais toujours bien accueillie chez eux car j'essayais toujours de trouver des solutions pour qu'ils s'en sortent financièrement. J'avais un bon réseau maintenant et je savais que si j'appelais telle boîte d'intérim, la gérante ferait des pieds et des mains pour leur trouver un boulot temporaire en fonction de leur capacité, que si je contactais telle nourrice ou telle famille d'accueil, l'une ou l'autre ferait de la place pour accueillir un enfant de plus le temps que les parents puissent faire certaines démarches... La plupart des gens de mon réseau étaient des personnes que j'avais remise en selle au cours des dernières années, d'autres étaient mes "frères et sœurs" : les enfants devenus adultes que j'avais côtoyés dans les familles d'accueil ou les foyers. D'autres, beaucoup plus rares, étaient des mécènes au grand cœur. J'avais enquêté minutieusement sur chacun d'eux, me méfiant instinctivement de ces gens fortunés qui semblaient vouloir s'acheter bonne conscience avec leurs dons. J'avais raison pour la plupart d'entre eux, malheureusement. Pourtant, quelques uns, très rares, étaient simplement de bonnes personnes qui agissaient sans se vanter et ne voulaient fournir qu'un peu d'aide à leur façon. Parmi les visites prévues ce matin, j'avais le cas de Dylan, 6 ans, l'un de mes nouveaux dossiers. Sa mère avait contacté les services de l'enfance parce qu'elle n'arrivait plus à gérer ses troubles psychiatriques et nous demandait un placement. Ayant moi-même eu un aperçu des hôpitaux psychiatriques dans mon enfance, je voulais essayer de trouver une solution pour qu'il n'atterisse pas dans l'un d'eux. Je consultais l'heure, mis l'adresse de cette mère célibataire dans le gps de mon téléphone, pris quelques affaires et me rendis directement chez elle. Elle habitait assez loin de Minneapolis, j'arrivais chez elle après plus d'une heure de route. Elle ignorait tout de ma venue, contrairement à mes collègues, je préférais passer à l'improviste pour mieux cerner la vie réelle des enfants que je devais aider. J'étais hors des clous sur ce coup-là, la hiérarchie nous imposant de prévenir la famille de notre venue... Mais j'avais mon tour de passe-passe pour ne pas être totalement en infraction vis-à-vis de ça, j'appelais mes hôtes cinq minutes avant de sonner chez eux, juste le temps pour eux d'enfiler quelque chose de décent, pas de faire le grand ménage ou de donner une apparence de famille parfaite qu'ils n'étaient pas... Après cet appel, ils ne pouvaient pas se plaindre auprès de mes supérieurs qu'ils n'avaient pas été informés de ma visite. Je suivis donc ma routine en composant le numéro de Célia Barros lorsque j'arrivais à l'angle de sa rue et que j'y stationnais. "Allô?" dit une voix féminine ensommeillée. — Madame Barros? dis-je d'une voix très professionnelle qui sembla la réveiller radicalement. "Elle-même. Qui êtes-vous?" — Maria Dieulafoy, assistante sociale au service de la protection infantile. Vous nous avez contactés récemment au sujet de Dylan Barros. "Mon fils, Dylan. Oui. Il a 6 ans et je ne sais vraiment plus quoi faire de lui!" dit-elle avec une irritation qu'elle peinait à contenir. — Bien, j'aimerais juger moi-même de l'état de l'enfant pour savoir si un examen psychologique ou psychiatrique est nécessaire avant un éventuel placement. "Bien sûr qu'il a besoin d'un psy! Il est taré ce môme, il a encore essayé de me mordre hier soir. Vous y croyez, vous?" — Comme je vous l'ai dit, j'aimerais en juger de visu. Puis-je le voir? "Oui, évidemment. Et le plus tôt sera le mieux!" lança-t-elle inconsidérément. — Tant mieux, je suis près de chez vous, j'arrive. "Quoi? Mais...?! Oh puis merde! Venez, pas de problème, juste, faites pas gaffe au bordel!" — À tout de suite madame Barros. "C'est ça!" lança-t-elle en me raccrochant au nez. Vu l'état de désolation du jardin, je me doutais qu'elle était en train de planquer le plus gros de la crasse qu'il devait y avoir à l'intérieur, dans des placards ou son son lit. Entre l'apparence délabrée de la maison, les sacs poubelles qui débordaient du jardin jusque sur le trottoir et la façon dont elle avait parlé au téléphone, je savais déjà en grande partie quelle genre de mère elle était. Si je me fiais à mon instinct, peut-être qu'un placement serait effectivement une bonne idée pour Dylan même si, pour l'instant, je refusais toujours l'idée qu'un enfant de cet âge soit interné en psychiatrie. Je redémarrais mon moteur et conduisis les quelques mètres qui me séparaient de la maison devant laquelle je me garais. Je rajustais mon chignon strict, enfilais une paire de lunettes qui me donnait un air plus mature... mais c'était surtout pour leurs verres légèrement teintés qui cachaient le vert des yeux de ma panthère que je les portais. En effet, elle était souvent très proche de la surface quand j'avais affaire à des enfants maltraités et c'était déjà arrivé que des gens comprennent que j'étais une change-forme. Je ne m'en cachais pas et mes supérieurs le savaient mais je ne le criais pas sur tous les toits non-plus. Je me dirigeais vers la porte quand celle-ci s'ouvrit à la volée et qu'une humaine d'une trentaine d'années en sortit, dos à moi, traînant un sac poubelle derrière elle jusque dans son jardin. — Madame Barros? l'interpellais-je en constatant qu'elle ne m'avait pas vue. Maria Dieulafoy! — Seigneur Dieu! s'exclama-t-elle en se redressant, une main sur la poitrine, avant de rajuster une robe de chambre zébrée en noir et blanc. — Un problème? demandai-je en désignant du bout de mon stylo l'amoncellement d'ordures du jardinet. — Ouais. Mon ex est riper dans le quartier et il refuse de prendre mes poubelles. Je notais ces informations comme si elles étaient de la plus haute importance et accrochais un sourire faussement compatissant sur mes lèvres. — C'est le père de l'enfant? — Non. Pour être honnête, je sais pas du tout qui est son père. dit-elle un ton plus bas. J'étais à un mariage et j'avais bu, c'est tout ce dont je me souviens. Croyez-moi, si je savais qui c'était, j'aurais réclamé une pension alimentaire salée! — Je vois. dis-je en notant "père inconnu" dans la case correspondante de mon dossier. Ça a dû être difficile. Vous n'avez pas pensé à l'avortement? — Non, j'étais en couple à l'époque mais il était pas avec moi au mariage. Il était sûr que Dylan était de lui. — Votre ex, le riper? — Ah non alors, lui c'était juste un coup comme ça, on n'est même pas sortis ensemble. Et c'est parce qu'il veut me forcer à remettre le couvert que je dois subir ça! dit-elle en montrant les ordures. Venez, les voisins sont de vraies commères par ici! ajouta-t-elle en me précédant vers la maison. L'entrée donnait directement sur un séjour avec une cuisine ouverte. La pièce à vivre était sans dessus-dessous, des vêtements de femmes étaient empilés n'importe comment sur ce qui devait être le canapé mais qui avait complètement disparu sous l'amas de tissus. — Vous voulez un café? Un thé? — Non merci mais je vous en prie, ne vous occupez pas de moi. Dites-moi simplement où est votre fils! —Dylan! se mit-elle à beugler pour l'appeler. Un porte s'ouvrit sur la droite du salon et une petite tête brune avec de grands yeux verts apparut dans l'entrebâillement. Il ne prêta pas du tout attention à moi, il observait sa mère en se mordant la lèvre du haut. Je notais dans le dossier que l'enfant semblait craindre sa mère et le léger crissement du stylo sur la feuille lui fit tourner la tête vers moi. J'eus un coup au cœur, on aurait dit un mini-Jack. Je rangeais mon stylo dans le dossier et refermais celui-ci en avançant vers l'enfant. — Bonjour Dylan, je m'appelle Maria. me présentais-je à voix douce en me mettant à sa hauteur. Tu veux bien qu'on parle tous les deux? Il regarda vers sa mère et je penchais légèrement la tête moi aussi pour mieux la voir. Les lèvres pincées et les yeux durs, elle lui fit signe d'acquiescer, ce qu'il fit. — Tu me montres ta chambre? Il opina de nouveau, toujours silencieux et ouvrit la porte de sa chambre. Sa mère commençait à nous suivre quand je l'ai stoppée avec un sourire. — Je vais m'entretenir avec votre fils seule à seule et ensuite nous ferons un point toutes les deux. Je refermais la porte et observais attentivement la petite pièce. Elle était plongée dans l'obscurité, heureusement, mes yeux de Féline y voyaient parfaitement, je me dirigeais vers la fenêtre pour ouvrir les volets mais la petite voix de l'enfant m'arrêta. — Ça s'ouvre pas. — Vraiment. C'est tout le temps dans le noir comme ça? — Maman a cloué le volet quand j'ai cassé la vitre. — Tu n'as pas de lampe? Je le vis trottiner jusqu'à son lit, il se pencha et attrapa quelque chose sous son oreiller qu'il colla au pied du lit. C'était une petite veilleuse électrique qui diffusait une faible luminosité. — Ta chambre est très bien rangée. Bravo Dylan. le félicitais-je sans obtenir le moindre sourire. — Vous êtes venue pour me mettre en prison? — Non, seuls les gens très très méchants vont en prison. — Je suis très méchant avec maman. dit-il, ses lèvres se mettant à trembler. Je m'assis sur son petit lit et tapotais la place que j'avais laissée près de moi. Il s'approcha et s'assit, mais juste du bout des fesses, comme s'il était prêt à bondir pour échapper à un coup. — Et que fais-tu de si méchant exactement? — Je veux la manger! — Tu veux la manger pour de vrai?... Tu préfèrerais pas plutôt des nuggets? Ou un bon poulet rôti? — Si. Mais des fois, dans ma tête, je me vois en train de manger maman. — Est-ce que c'est toi que tu vois dans ta tête? Tu vois tes mains ou ton visage? — Non. C'est un gros chien mais je suis le chien. Je suis le gros chien qui mange maman. Pour être honnête, je m'en doutais un peu et pas parce que j'avais vécu la même chose autrefois mais parce que j'avais senti une présence animale sur lui. Dylan était un change-forme, sans doute un Canin ou un Lupin d'après ce qu'il venait de dire. — Et pourquoi le gros chien veut manger ta maman? — Je sais pas. dit-il en baissant la tête d'un air coupable. — Dylan, je ne pourrai pas t'aider si tu me mens. Et là, tu viens de mentir. — Des fois, maman elle boit dans des bouteilles et après, elle... Il se tut, soit parce qu'il n'avait pas les mots, soit parce qu'il refusait de se rappeler ce que sa mère lui faisait quand elle était ivre. — Peu importe ce qu'elle te fait, ce n'est pas de ta faute! lui dis-je en prenant sa main dans la mienne. Les gens qui boivent de l'alcool font parfois des choses très vilaines, tu comprends? — Maman dit toujours que j'ai gâché sa vie, qu'elle serait mariée avec Piotr aujourd'hui si j'étais pas là. — Ta maman a choisi de te garder, elle aurait pû te mettre à l'adoption et épouser son Piotr si elle avait voulu. Mais c'est toi qu'elle a choisi donc si quelqu'un a gâché sa vie, c'est elle, pas toi. Dis-moi Dylan, le gros chien dans ta tête, il te parle parfois? — Oui mais ça existe pas les chiens qui parlent. Sauf dans la télé. Je suis fou? — Non, tu n'es pas fou. C'est juste que tu n'es pas un petit garçon comme les autres. Tu es spécial. — C'est vrai? Pourquoi je peux pas être comme les autres? Maman m'aimerait mieux si j'étais comme eux. — C'est ainsi. Tu es ce que tu es. Tu veux bien me présenter ton gros chien? — Comment ça? — Fermes les yeux et penses à lui, imagine qu'il est en face de toi et dis-lui que tu voudrais que je le rencontre. Je sais qu'il nous entend mais il faut que tu l'y autorises pour qu'il puisse me dire bonjour. Tu veux bien que je le rencontre, non? — Oui. — Alors ferme les yeux et dis-le lui. Le garçon ferma les yeux et je n'eus pas longtemps à entendre, un flash coloré éclaira subitement la pièce et un louveteau se retrouva assis sur le lit à côté de moi. Il en descendit, s'ébroua et s'étira avant de s'asseoir par terre face à moi. — Hé, bonjour toi. souriais-je au louveteau. Je tendis ma main pour qu'il la sente. Il était effectivement aussi gros qu'un berger allemand. Il était couleur vanille sauf aux extrémités : le bout de ses oreilles, de son museau, de ses pattes et de sa queue étaient couleur caramel. Après m'avoir reniflée, il s'était de nouveau rassit et il pencha sa tête sur le côté, une question dans le regard. Je laissais apparaître ma panthère et il poussa un jappement en bondissant sur ses pattes pour tournoyer autour d'elle, excité comme un fou. Je laissais paraître un peu de ma Dominance à la fois pour le calmer et pour juger de son propre statut puis je repris forme humaine. — Laisse revenir Dylan, petit loup! dis-je gentiment mais fermement. L'animal obéit aussitôt et Dylan se retrouva debout devant moi, les yeux écarquillés par la surprise, la joie, l'excitation et la peur. Toutes ces émotions se reflétant sur son visage, se succédant à un rythme effréné avant de s'arrêter définitivement sur une expression aussi bouleversée qu'angoissée. — J'ai vraiment un gros chien... Il va manger Maman!? — Non, il ne fera aucun mal à ta maman, il veut juste te protéger. — Maman va me détester encore plus maintenant! dit-il soudain, les larmes aux yeux. Elle aime pas les change-peaux! Je grognais en silence. Change-peaux était le nom que donnaient les suprémacistes humains à notre race et, pour que Dylan utilise ce mot, c'est qu'elle l'avait utilisé devant lui. Qui était donc ce Lupin stupide qui s'était amusé à coucher avec une extrémiste sans même se protéger, bon sang?! Si je lui remettais la patte dessus, ça allait chauffer pour son matricule. — Oui, c'est possible. lui dis-je honnêtement. mais elle ne te fera aucun mal. Je te protège et ton loup aussi. On va te préparer un sac et tu vas venir avec moi, d'accord? — Et maman? — Ta maman est une grande personne, elle fait ses choix elle-même. Viens voir ici! dis-je en lui tendant les bras dans lesquels il vint se mettre. Il faut que tu comprennes une chose dès maintenant. Il est possible que tu ne revois plus jamais ta maman après aujourd'hui. Ça dépendra d'elle d'abord et de toi quand tu seras plus grand. Ne sois pas triste si elle refuse de te voir! Elle t'a fait un cadeau merveilleux : elle t'a donné la vie! Certaines grandes personnes ne sont pas capables de faire plus mais c'est déjà beaucoup. — Je vais aller où? — Pour l'instant, tu resteras avec moi jusqu'à ce que je te trouve un foyer génial. Je vais te trouver une famille qui t'aimera tellement fort que tu oublieras que tu es triste. D'accord? — Oui. — Alors préparons tes affaires. Je pris un sac à dos dans son placard et commençai à y ranger quelques vêtements, de quoi tenir une semaine environ en se salissant tous les jours. Comme il restait un peu de place, je lui demandais s'il voulait emporter des jouets ou autre chose. Il ne prit que sa veilleuse, un grand carré de tissu qui était certainement son doudou pour dormir et une petite boîte de feutres. Je rangeai le tout et fermai le sac que je mis sur son dos avant d'ouvrir la porte de la chambre. Célia Barros n'était nulle part en vue. J'entendis de l'eau couler dans une pièce attenante et secouai la tête, à moitié choquée. C'était bien la première fois qu'on me faisait un coup pareil! Elle prenait sa douche! Carrément... Pendant ma visite! Elle ne doutait vraiment de rien. — Tu as mangé ce matin Dylan? demandais-je en me dirigeant vers la cuisine. Une odeur putréfiante provenait de l'évier qui débordait de vaisselle sale. J'aperçus des asticots s'en échapper. Beurk! Beurk! Beurk!!! Je me détournais pour regarder le petit qui n'avait pas répondu. Il fit "non" de la tête, de nouveau mutique. J'ouvris le frigo... pour le refermer aussitôt! L'odeur qui s'en était dégagé imprégnait maintenant toute la pièce et était encore plus nauséabonde que celle de l'évier. — Bon on s'arrêtera dans un drive en route alors. Tu as mangé hier? Il hocha de la tête et montra l'un des placards, je l'ouvris pour découvrir des cartons et des cartons de paquets de biscottes. Il n'y avait rien d'autre pas même un malheureux pot de confiture. — C'est ça que tu as mangé hier? demandai-je, effarée. Il haussa les épaules comme s'il avait l'habitude de ce genre de repas. — Dylan? Pourquoi ne me réponds-tu pas? — J'ai pas le droit. chuchota-t-il alors. — Vraiment!? Madame Barros! hélais-je la femme avec la même douceur qu'elle avait employée plus tôt pour son fils. — Oh! J'arrive! J'arrive! dit-elle en coupant l'eau de sa douche. Je tapotais du pied sur le sol carrelé, les bras croisés et la bouche pincée lorsqu'elle sortit enfin de la salle de bain. — Désolée mais j'ai un... Oh! Alors vous l'emmenez! s'interrompit-elle en voyant le sac sur le dos de son fils. Vous voyez, je vous avais bien dit qu'il était dingue! — Votre fils est en parfaite santé, et ce n'est pas grâce à vous! dis-je durement. — Mais... Qu'est-ce que t'as été lui raconter comme bêtise, toi!? se mit-elle à crier en s'avançant d'un air menaçant vers l'enfant qui sembla se ratatiner sur lui-même. — Il n'a rien eu besoin de dire. J'ai simplement constaté des négligences graves! affirmais-je en pointant l'évier et le frigo tout en me décalant d'un pas pour me placer juste en face d'elle. Le volet cloué. Savez-vous que le manque de luminosité peut provoquer des dépressions et des anémies!? C'est carrément une mise en danger de sa vie. L'évier grouille d'asticots et c'est encore pire dans le frigo, vous nourrissez un enfant en pleine croissance avec de simples biscottes et vous le faites vivre dans un taudis doublé d'une décharge en prime. Évidemment que je l'emmène! grondais-je. Et vous, vous aurez de la chance si mon service ne vous attaque pas en justice. — Que... Quoi... Non! Je... Je suis en pleine dépression mais je vais me soigner. Je parlerai à Raoul pour les poubelles. Le volet, c'était juste parce que le môme a cassé la vitre et que je n'ai pas les moyens de la changer pour l'instant. S'il vous plaît, ne me faites pas un procès. Je n'ai pas les moyens de prendre un avocat! Elle ne supplia pas pour garder son fils, juste pour elle-même et ça, ça me faisait autant de peine que ça me fichait la rage. Je sortis un document de ma chemise plastifiée, puis mon stylo et m'installais sur le comptoir. — Ceci est un document en double exemplaire par lequel vous me confiez la garde exclusive de Dylan et qui fait de moi sa tutrice légale en attendant de lui trouver une famille digne de ce nom. Remplissez, paraphez et signez! lui intimai-je en tendant mon stylo. Elle s'exécuta aussitôt. Je sortis l'une de mes cartes de visites, pris l'une des feuilles, m'assurais que tout était correctement rempli et rangeais le document dans ma chemise que je rangeai dans mon sac. — Si vous voulez des nouvelles de votre fils ou un droit pour des visites surveillées, contactez-moi à ce numéro! indiquais-je en posant ma carte professionnelle sur la partie du document qui lui revenait. — Et pour le procès? — Vous avez des arguments et vous avez été coopérative pour le placement de l'enfant donc ça figurera dans mon rapport. Ça devrait vous éviter un procès au pénal. Peut-être même au civil. Mais ce sont mes supérieurs qui en décideront. dis-je d'une voix ferme. Je tendis la main au garçonnet qui s'était redressé en m'entendant le défendre. Il s'en saisit et s'accrocha à elle de toutes ses petites forces. La mère ne tenta pas de s'approcher, ne fit même pas semblant de vouloir lui faire ses adieux. L'idée d'un procès l'avait complètement tétanisée. Je menais Dylan jusqu'à ma voiture, posais mon sac sur la banquette arrière et ouvrit mon coffre pour en sortir un réhausseur que j'installais rapidement sur le siège du passager avant. J'y harnachais le petit, lui souris avec gentillesse avant de fermer la portière et de faire le tour pour me mettre au volant. — Bon, dis-moi un peu Dylan... Que veux-tu manger? lui dis-je en démarrant mon véhicule. ∞
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