J'avais délibérément laissé le bandeau sur les yeux de June, je ne voulais pas qu'elle voit la scène, son cœur allait s'arrêter de frayeur, tant la situation était stressante, effrayante et haletante.
Le mien n'en était plus très loin, j'avais moi aussi fermé les yeux, je ne pouvais, je ne voulais pas voir ce qui allait se passer,
C'était trop fort,
Trop intense,
Trop oppressant pour moi,
je préférais me concentrer sur les bruits et à l'écho de...
CRAC
Le craquement d'une branche sur ma gauche.
J'avais arrêté complètement ma respiration.
J'avais fait pression sur l'épaule de June pour qu'elle fasse de même.
Je ne respirais plus,
je fermais même les yeux,
je transpirais à grosses gouttes,
j'avais l'impression qu'ils entendaient les battements de mon cœur, tellement celui-ci battait fort.
Paradoxalement, ce furent les plus longues secondes de ma vie.
Pour nous dépasser et continuer devant nous, ils devraient mettre environ trente secondes, pas plus, pas moins.
Nous marchions vite depuis le début, très vite.
J'avais compté les secondes dans ma tête en les calquant sur le son de leur pas sur la terre.
1,2,3,4....
Ils étaient encore derrière nous.
18,19...
Ils venaient de nous dépasser.
24..29..
Ils étaient juste devant nous.
Ils étaient assez loin à présent, ils ne nous avaient pas remarqués, nous les avions bernés avec brio !
Malgré le stress et la peur, un grand sourire avait fait son apparition sur mes lèvres, j'avais enlevé le bandeau de June, elle me regardait elle aussi avec un sourire plein d'espoir, elle était effrayée, mais elle souriait, elle m'avait fait confiance, dieu merci.
Nous avions réussi, j'avais espoir, je pensais que nous pouvions encore nous enfuir, que nous avions encore une chance, aussi infime soit-elle.
Sans perdre plus de temps, on s'est avancé sur le côté gauche toujours accroupis, doucement et sans faire de bruit.
Je ne les entendais presque plus, c'était le moment !
Nous devions nous relever et marcher d'un pas plus pressé, silencieux mais surtout rapide.
June me tenait par ma veste noire de biker, achetée quelques années auparavant dans une vieille friperie de ma ville, elle me tenait fermement la manche pour ne pas trébucher.
Quant à moi, je mettais mes mains toujours liées par l'attache que m'avait mis X, face à moi pour nous éviter de tomber sur des arbres.
Au bout de cinq minutes qui pour nous ne semblaient avoir duré que cinq secondes, un cri perçant, rugit dans la forêt.
En réalité, j'avais reconnu le son aigu de X, il était en colère, d'une rage telle qu'il avait pris le temps de nous prévenir en hurlant.
C'était désormais une chasse,
une chasse aux femmes,
nous étions les proies.
Ils allaient venir nous trouver d'une seconde à l'autre.
Tout n'était qu'une question de temps, toujours.
Alors, l'heure n'était plus à la course, nous étions indubitablement perdantes sur ce jeu-là.
Je le savais, tout au fond de moi, ce n'était plus une question de statistique, je savais qu'à ce jeu, nos vies seraient en danger.
Gravement.
Alors, si nous ne pouvions plus nous enfuir, il fallait rester statique, et là encore, je n'étais pas sûre de moi, mais je n'avais plus le temps de réfléchir à autre chose, je devais agir, je devais protéger June.
Il fallait donc se cacher, très bien se cacher.
A ce même moment, j'avais mis la main sur ce qui s'apparentait à un bosquet, l'endroit idéal.
Le timing était parfait.
J'avais poussé June dedans, elle avait crié de surprise mais nous n'avions plus le temps de faire dans la délicatesse, je m'étais à mon tour enfoncé dedans.
Mon dernier réflexe avant d'entendre des pas s'approcher au loin avait été de mettre mes mains dans la terre pour les poser sur le visage, le cou et les mains de June j'avais fait pareil pour moi.
J'étais pratiquement sûre qu'ils pouvaient nous sentir à notre odeur, alors dans le doute, j'avais préféré faire pencher la balance de notre côté.
Nous étions là,
le plus immobile possible,
face à notre chance,
face à notre destin.
30 minutes,
Nous étions toujours en vie.
La terre commençait à me brûler le visage, j’étais presque sûre d’avoir un vertébré qui descendait le long de mon cou, je me retenais de l'enlever.
Mais c'était le prix à payer, c'était le prix à payer pour rester en vie.
Je n'avais plus fait attention à June, j'étais si absorbée par mes pensées et mes démangeaisons et brûlures que je n'avais pas une seule seconde tourné la tête vers elle.
Elle allait bien ?
Elle supportait la terre ?
Elle gérait le stress ?
Ce n'est que lorsque que nos regards horrifiés se sont croisés que j'ai su qu'elle ne tiendrait pas longtemps.
June avait toujours cette âme d'enfant en elle, elle était effrayée, terrorisée même, et comment la blâmer ?
Comment ne pas l'être ?
Notre avenir était inconnu, nous ne savions pas de quoi demain était fait.
Alors il fallait se battre, dans le cas où, notre vie serait pire qu'elle l'était déjà, à l'heure actuelle.
Moi, c'était la rage qui me faisait tenir, la perte de mes parents, la trahison de mon fiancé, c'étaient tous ces sentiments de haine et de tristesse mélangés qui me tenaient encore en vie, qui faisait que j'étais toujours debout, et que je me battais.
Nous étions restés toute la nuit dans ce buisson, j'avais l'impression d'avoir somnolé, j'avais la tête qui tournait, je m'endormais et la seconde d'après je relevais ma tête.
Il faisait jour à présent.
J'ai tourné la tête vers June, elle était mal en point, elle subissait encore plus que moi.
J'ai vu ce jour-là son regard, j'ai compris dès la première seconde ce qu'elle allait faire quand j'ai vu cette lueur dans ses yeux s'éteindre comme une flamme que l’on étouffe.
Alors avant que je puisse agir, et elle savait que j'allais la retenir, elle était sortie du buisson en hurlant si fort de rage, que nous étions démasqués à des kilomètres à la ronde.
Mais, dans la détresse de la situation, et dans l'affliction des douleurs de cette longue nuit, une voix me dit dans ma tête.
Il fait jour, c'est fini, vous êtes sauvés.
Oui ! C'était vrai ! il faisait jour à présent, les démons ne pouvaient pas sortir, c'était enfin fini!
Les rumeurs disaient que les rayons de soleil pouvaient les tuer, nous étions libres!
J'allais à mon tour sortir du buisson, un grand sourire aux lèvres prête à crier à mon tour et à enlacer June dans mes bras, quand j'entendis un craquement de branches derrière le buisson.
Figée, je m'étais figée.
J'avais la main qui était toujours en dehors du buisson, mais je n'arrivais plus à bouger tant la peur s'était emparé de mon être.
C'étaient eux, je le savais, c'étaient eux bordel! cette p****n de rumeur était-elle fausse ?
La seconde d'après l'un des monstres se jeta sur June pour la dévorer sous ses cris de terreur.
Il venait de la manger, sous mes yeux, « manger » n'était pas le mot adéquat, il venait de la décomposer sous mes yeux, de la déchiqueter, de lui bouffer les entrailles, du sang jaillissait de son corps, les mains de son meurtrier étaient devenues des griffes, son apparence avait changé du tout au tout, il n'y avait plus une once d'humanité dans son apparence corporel, plus rien d'humain, seulement de la terreur et de la peur.
Ma main était toujours dehors, n'importe qui pouvait me voir, je n'étais plus en sécurité, il fallait que je bouge et rapidement, mais impossible mon corps, mon cerveau, mon corps tout entier ne m'écoutait plus, j'étais tout simplement paralysé de peur.