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1057 Words
X n'avait rien dit. il me regardait droit dans les yeux, semblant chercher quelque chose dans mon regard. Il essayait de me sonder, il était en train de plisser les yeux, comme si ça allait l'aider à se concentrer d'autant plus efficacement. Au fond de moi, je savais ce qu'il voulait faire, il voulait essayer d'entrer dans mon esprit. C'est ce qu'il avait déjà essayé de faire auparavant. C'était une rumeur chez nous, on disait qu'il ne fallait jamais croiser le regard d'une de ces créatures, autrement, nous étions paralysées, nous étions à leur merci. Ils nous contrôlent. Il n'y arrivait pas, je jubilais intérieurement. J'avais fait le vide en moi, j'avais refoulé tous mes sentiments d'angoisses et d'insécurités. J'inspirais et j'expirais doucement, ramenant mon rythme cardiaque à une vitesse lente, très lente, proche d'un arrêt cardiaque. Il pouvait me contrôler ? qu'il essaye encore ! j'avais le pouvoir sur mon corps pour le moment. Mais, il ne s'arrêta pas pour autant, voulant comprendre pourquoi il échouait, et il redoublait d'efforts pour me percer, son regard était si profond que j'avais dû détourner le regard. Trop intense pour moi. Mon attention se porta sur mon amie. June avait toujours son bandeau sur les yeux et à présent elle ne pleurait plus, je regardais le paysage que m'offrait l'arrière du camion qui à présent avait les portes ouvertes. Nous étions en pleine forêt, je n'avais aucune notion du temps, depuis combien d'heures étions nous dans ce camion ? Ma gorge sèche m'indiquait que cela devait faire une éternité. X nous avait fait descendre du camion, enfin ils nous avaient plutôt poussés, June avait manqué de tomber, je l'avais rattrapé in extremis. Elle avait toujours le bandeau sur les yeux, moi je ne perdais pas une miette du comportement de nos ravisseurs. S'il y avait une faille je la trouverais. J'en étais certaine, je lui avais promis de la protéger, je tenais toujours parole, même si les temps étaient de plus en plus durs, même si notre vie était intenable, même si l'objectif était hors d'atteinte, j'avais toujours réussi à tenir ma parole. Ce n'était pas aujourd'hui que ça allait changer. Ils étaient six en tout. Six pour deux filles. Six démons pour deux humains. C'était plus qu'étrange. Ils nous ont surestimés ? Ils pensaient que nous étions des « esclaves » récalcitrants dotés d'une force extrême ? C'était ridicule, de toute manière, toute cette p****n d'histoire était ridicule. Nous avancions dans la nuit, cela faisait des heures que nous marchions entre les démons. Ils ne me faisaient pas peur, hormis quelques particularités comme des oreilles pointues pour certains, ou des crocs apparents pour d'autres, des tailles hors normes ou même des muscles irrationnels, ils ressemblaient à des humains. Presque. Du moins j'essayais de m'en persuader pour continuer d'avancer et pour me battre. Ils se parlaient entre eux depuis le début, je n'y avais pas fait attention plus tôt. Mais ce n'était pas notre langue, c'était une langue étrange, c'étaient des sortes de bruitages avec des sons plus aigus et plus graves à certains moments. Je ne comprenais pas la teneur de leur discussion, mais j'étais sûre à en juger par les comportements et les attitudes contestataires qu'ils étaient en train de se disputer, sûrement à notre sujet. Peut-être qu'ils avaient faim ? Peut-être que deux filles en moins, ce n'était pas grave ? après tout, personne ne verrait la différence. Aucune p****n d'idée. Il fallait que je réfléchisse et vite, que je nous tire d'affaire. June ne me répondait plus, elle était en mode survie, en mode pilotage automatique, elle avançait en me tenant la main, mais rien de plus. Il n'y avait aucune échappatoire, je ne voyais pas à cinq mètres de moi, pour tout dire j'étais presque collé à X pour être sûr de ne pas le perdre de vue. Je ne connaissais pas les faiblesses de ces monstres, avaient-ils un odorat surpuissant ? Avaient-ils une espèce de vision de nuit ? Pouvaient-ils voler ? Je ne pouvais pas établir un plan qui nous risquerait la vie sur des statistiques aléatoires. Et, d'un coup, comme un éclair fugace, une lumière s'alluma dans ma tête. Bingo ! Il y avait du brouillard, beaucoup de brouillard dû à la tombée de la nuit et de sa froideur, tellement de brouillard que je tenais avec mes mains liées la f****e veste de X pour savoir où je mettais les pieds. C'était ça l'élément déclencheur, on devait l'utiliser à notre avantage. J'espérais juste qu'ils ne nous verraient pas nous enfuir tout de suite, j'espérais aussi que June vienne avec moi, qu'elle me fasse confiance. Je l'espérais de tout mon cœur. Alors, dans l'adrénaline et l'excitation de ce qui allait suivre, je lui avais serré la main pour lui dire trois mots, trois simples mots, qui allaient changer ma vie, qui allait me faire rentrer dans une période ponctuée de noirceur et de ténèbres. - Fais-moi confiance. J'avais lâché la veste de X depuis de longues minutes, il s'était retourné pour en connaître la raison, mais étant sur ses talons il avait aussitôt repris sa marche. Je voulais qu'il s'habitue à ne plus avoir sa veste tirée en arrière. Alors j'avais continué à marcher derrière lui trois minutes, puis, j'avais commencé à prendre un peu de distance avec lui. A tel point qu'à présent je le distinguais difficilement devant moi. Maintenant il fallait que je m'attaque aux cinq autres de derrière, je ne les voyais pas à cause du brouillard, mais eux, Pouvaient-ils nous voir ? J'allais parier nos vies sur ça. J'avais attrapé June par le cou pour qu'elle s'abaisse en même temps que moi, nous étions accroupis. J'étais derrière elle, j'essayais de la cacher de mon corps, pour la protéger pour que, si jamais nous recevions des coups, ce soit sur moi. J'entendais des pas qui se rapprochaient de plus en plus vers nous, ils seraient là d'une seconde à l'autre. Tout se jouait sur du temps. Le temps que X se rende compte que nous n'étions plus derrière lui, Et le temps qu'il fasse le lien. Le délai compris entre notre absence par X Et le temps que les autres monstres nous dépassent, tout n'était qu'une question de temps. Tout n'est toujours qu'une question de temps. J'allais parier sur nos vies, sur une simple question de temps.
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