7

1148 Words
Je regardais impuissante June, ou du moins ce qu'il en restait se faire dévorer sous mes yeux. Il n'en perdait pas une goutte, aucune partie de son corps n'avait été épargnée. Je voulais la protéger, à tout prix, je le lui avais promis et je n'avais pas tenu ma promesse, j'en avais été incapable. Impuissante et lâche, voilà les mots qui me définissaient le mieux à cet instant. Je ne méritais pas de rester caché, je ne méritais pas de vivre. Et dans une lenteur extrême, j'avais entendu le bruissement des feuilles que l'on écarte, avant même de pouvoir réagir et me retourner, X était apparu dans mon dos. Je savais que c'était lui, je ne pourrais pas l'expliquer, comment j'ai su à cet instant, mais avant même de pouvoir crier, il avait délicatement posé sa main froide, gelée et cadavérique sur ma bouche. Il m'empêchait d'émettre le moindre son, tout comme il m'empêchait de me mouvoir en me serrant par derrière. Prise au piège. Son corps était gelé, nous étions en train de nous consumer, j'avais chaud, et lui, froid. Cette chaleur était causée par la peur qui me terrassait, la vision que j'avais de June, et le suspens sans fin que je vivais depuis maintenant vingt-quatre heures. J'avais la sensation d'une forte fièvre, une fièvre tropicale, qui allait m’avoir à l’usure. Sans crier gare, X a posé sa main libre sur mon ventre en soulevant mon tee-shirt collant de sueur, il a ensuite enlevé sa main de mes lèvres pour me saisir le cou tout en me collant plus fort contre lui. Je pouvais sentir chaque partie de son corps contre le mien. Sa main sur mon ventre me semblait interminable, je sentais sa paume sur mon nombril et ses doigts semblaient s'étirer jusqu'à ma poitrine pour atteindre le derrière de mon dos. J'avais l'impression d'halluciner, cette forte chaleur était en train de m'emporter, la seule chose qui me maintenait consciente était grâce à la froideur des mains et du corps de X contre le mien. On est resté dans cette position une éternité, je ne voyais plus rien face à moi, ma vision s'était obscurcie. Ce n'est finalement que lorsqu'il s'est détaché de moi, que j'ai senti que je n'avais plus de fièvre, je n'avais même plus peur. Ce n'est que lorsque j'ai retrouvé la vue qu'un frisson m'a parcouru le corps. Ce n'est que lorsque le meurtrier de June se retourna vers nous que j'avais compris. Il était sous une sorte d'emprise, il venait tout juste de se nourrir et il semblait avoir gagné en puissance, son enveloppe semblait réagir à son alimentation, quelque chose me disait que plus il mangeait, plus il gagnait en force, ses dents étaient plus pointues et plus dure que du roc. Il n'avait plus de sourcil, il ne lui restait plus que sa bouche destructrice, son nez capable de sentir toutes les odeurs sur dix kilomètres à la ronde et ses yeux étaient exorbités pour mieux voir ses proies. Il avait supprimé tout ce qui n'était plus nécessaire pour s'alimenter sur son visage. Un visage monstrueux, irréel, j'en avais des frissons sur tout le corps, et dire que nous voulions lutter contre ces créatures, le combat était perdu d'avance. Je n'avais pas réalisé mais X m'avait poussé hors du buisson, nous étions à présent, face à cette créature. Les autres membres du groupe étaient positionnés autour et derrière moi, ils me protégeaient, prêt à attaquer à tout moment. « On est une ressource essentielle » Le monstre se releva, il nous regardait d'un regard dévastateur. Il était sur le qui-vive, prêt à attaquer ou prêt à fuir, il ne le savait pas encore, en revanche, il venait de commettre un geste irréparable, il ne devait pas nous tuer, il devait en avoir reçu l'ordre. Cela indiquait une chose, qu'une seule et unique chose : nous avions plus de valeur vivante, donc, nous ne devions pas être nombreux à avoir l'âge indiqué. D'un geste vif, il avait opéré un demi-tour et avait fui à travers le paysage. X émit un son aigu et les quatre autres membres qui étaient en position d'attaque prêt à le chasser se remirent en position de défense. Et sans crier gare X me leva et me mit sur son épaule, j'avais la tête dans son dos et mes jambes pendaient contre son torse. Une marionnette, j'étais un pantin, complètement désarticulé. Au bout de cinq minutes de trajet, je m'étais évanoui de fatigue, de stress, la peur, toutes mes émotions avaient eu raison de moi, mon corps avait cessé de lutter. Lorsque je me suis réveillée, nous étions dans une grotte. Une immense grotte. J'étais allongée à même la roche noire, je voyais de la pierre à perte de vue, mais ce n'était pas que ça. Je m'étais relevé faisant abstraction des détracteurs qui me surveillaient, il y avait de la végétation, beaucoup de verdure, il y avait même un lac avec une rivière, des oiseaux virevoltaient dans l'air. C'était un paysage idyllique qui tranchait indubitablement avec la réalité de ma situation. X était assis à côté de moi, ses longs cheveux blonds étaient mouillés, il venait de se laver dans le lac. Ses vêtements, eux, étaient secs, il avait dû se laver nu. Putain, qu'est-ce que j'en ai à faire ? Il me regardait, de ses yeux noirs, puis il dit : - Lave-toi, tu as de la boue sur tout le corps, nous n'allons pas tarder à arriver. Il parlait ma langue bordel ! et en même temps, il m'avait parlé dans ma tête, sa bouche, ses lèvres n'avaient pas bougé une seule seconde, il lui avait suffi de me regarder pour me dire ce qu'il avait à me dire. Et voyant que je ne comptais pas lui obéir et ne voulant pas lui donner ce plaisir, il m'avait poussé avec son pied, il m'avait semblé l'espace d'une seconde qu'il essayait de doser, de contrôler sa force, mais d'un coup sec qui signifiait qu'il n'avait pas hésité une seule seconde. J'étais, dieu merci, qu’à un mètre seulement de la surface. A l'entrée dans l'eau, mon corps le remercia intérieurement, j'avais beaucoup souffert ces dernières heures et la fraîcheur que me procurait l'eau apaisait mon corps. La boue avait disparu de mon visage ainsi que de mes longs cheveux noirs. Je faisais la planche, contemplant encore un peu la roche au-dessus de moi, je ne voulais plus sortir. Je me demandais si June me regardait d'en haut, et si à présent qu'elle avait rejoint sa famille, elle était enfin en paix. Je me sentais coupable, tellement coupable de sa mort. J'avais menti, je n'avais pas tenu ma promesse, j'en avais été incapable, tout s'était passé en une fraction de seconde, d'un battement de cil June était morte sous mes yeux, dans une souffrance que je ne pourrais jamais imaginer. - Lève-toi, on y va.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD