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4936 Words
Je la regarde rire, son visage penché en arrière et son sourire jusqu'aux oreilles. Au fond de moi, cela me fait du bien de revivre ce genre de moment. Ces moments si importants qui sont devenus si rares avec Sohan. -Raconte-moi tout ma bibiche, fait-elle en plaçant ses mains sur les miennes, me regardant intensément. Je souris devant son jeu d'acteur mais au fond de moi, une boule dans mon ventre se forme. Je ne sais pas si j'ai vraiment envie de me confier, si je suis prête. D'un côté, elle a été si sincère avec moi depuis le début en me racontant ses traumatismes que j'ai envie de lui rendre l'appareil. De l'autre, je me rappelle comme se confier est difficile, surtout si tu n'es pas certain que cette personne ne te trahira pas. Je n'ai jamais été le genre de personne à parler à cœur ouvert facilement. Je garde beaucoup pour moi quitte à porter un sac trop lourd sur les épaules. Pour moi, se livrer aux autres c'est prendre le risque qu'ils utilisent tes faiblesses pour te blesser. Et quand tu sais où appuyer, ça fait encore plus mal. Romy s'est ouverte à moi alors que je ne la connais que depuis peu de temps. Mais de mon côté, suis-je assez forte ? Elle fronce les sourcils remarquant que ma réponse ne vient pas et me lance un regard inquiété : -Tu n'es pas obligée bien évidemment, me rassure-t-elle. -Tu sais déjà pourquoi je suis ici, dis-je en essayant d'étouffer la rancœur dans ma gorge. Elle s'étonne de ma réponse si surprenante et laisse ma phrase dans le vide. -Et je suis certaine que tu connais l'histoire mieux que moi, j'ajoute avec un sourire en coin. Je sais très bien qu'elle sait pour lui. En fait, elle en sait beaucoup plus que moi car elle, elle a les pièces manquantes de ce puzzle si compliqué à assembler pour moi. Parce que moi, de mon côté, je n'arrive pas encore à les associer et à comprendre tous les détails. Parfois, j'ai l'impression d'avoir enfin compris pourquoi ils m'ont enlevé. Puis, un morceau ne colle pas et je retourne à la case départ. C'est comme si à chaque fois que quelque chose me rapprochait de la vérité, une petite chose m'empêchait d'y accéder. Et je commence à en avoir assez de vivre ainsi, dans les doutes et les mensonges. -Tu pourrais peut-être enfin me dire pourquoi je suis là. -Kali, tu sais que je ne peux pas. Daemon nous a interdit de te donner la moindre information sur son plan. Et puis je ne suis pas au courant de grand chose, crois moi, il nous dit que ce qu'il a envie. -Son plan ? Elle met vite sa main sur sa bouche comme si une nouvelle fois, quelque chose lui avait échappé. Et je rigole en repensant à hier ou le mot "évènement" était malencontreusement sorti de sa bouche. Il vaut mieux rien dire à cette fille, elle ne sait pas tenir sa langue. -Oh non, Daemon va encore me tuer. Elle se prend la tête dans les mains et remue sa jambe nerveusement. - S'il te plaît Kali, fais comme si tu n'avais rien entendu, m'implore-t-elle d'un regard. J'hésite une seconde à la faire marcher pour lui tirer les vers du nez. Puis je me rappelle que c'est Romy et que le démon est un monstre. J'hôche la tête et elle lache tout l'air qu'elle avait retenu, sûrement soulagée. -Ce n'est pas à moi de te le dire, j'en ai déjà dit bien trop, s'exclame Romy après quelques secondes de silence. Je souffle de frustration. -Mais tu as toi-même dit que Daemon ne veut pas que je sois au courant ! Tu sais que si je lui demande il m'enverra bouler. Elle hausse les épaules et ne prête pas attention à mes supplices. Mon cœur tambourine étrangement vite dans ma poitrine. J'aurais pu savoir, mais comme d'habitude, le démon est là. Daemon a dit non donc on ne le fait pas. Daemon veut faire une réunion alors on la fait. Daemon par ci, Daemon par-là, je vous jure que je vais étrangler cet homme à main nu. À cause de lui, j'ai l'impression de reculer de deux cases à chaque pas que je fais. Il faut que je réfléchisse. Il faut que je creuse. -Qu'est-ce qui te manque le plus ? La question de Romy me surprend et interrompt mes pensées. Je reste plusieurs secondes silencieuse, ce qui me manque le plus ? Mon lit deux places. Mon chat Alfred. Les cours de littérature. Le rire de ma meilleure amie. Les mots doux de ma mère. Tellement de choses que je ne peux résumer en quelques mots. Alors, après plusieurs secondes plongée dans mes souvenirs je lâche : -ma vie. -tu la retrouveras kali, je te le promets, me chuchote-t-elle comme pour se rassurer elle-même. je la regarde dans ses yeux, une partie de moi espère qu'elle a raison, que tout redeviendra comme avant. ce ne sera jamais comme avant, me rappelle ma conscience. -peut-être même que ta future vie sera meilleure. l'espoir fait vivre comme on dit. - qui te manque le plus ? -ma mère, dis-je en essayant de retenir mes larmes en pensant au fait que je ne pourrais jamais la revoir. Ses yeux se remplissent de tristesse et sa voix se veut plus douce : -Pourquoi tu pleures, me demande-t-elle. Une larme s'échappe et je me rends soudainement compte que j'ai échoué, mes yeux pleurs. -Parce qu'elle est morte ce soir-là. Aussitôt, ses bras s'enroulent autour de mon corps sans vie et j'essaie de rester forte quand les images me reviennent en tête. -Je ne peux imaginer ta douleur, mais si tu veux en parler, je suis là, me murmure-t-elle doucement à l'oreille. J'hoche la tête, reconnaissante de l'avoir à mes côtés. Je me retire ensuite de son étreinte et change rapidement de sujet. Je ne veux pas en parler, c'est trop tôt. J'essuie mes yeux humides et prends une inspiration : -Je ne sais pas trop quoi te dire, alors, pose moi les questions que tu as envie et j'essaierais d'y répondre. Elle hoche la tête et réfléchie un instant avant de déclarer : -Un petit copain ? Ses dents s'étirent en un sourire et je rigole en constatant sa première question. Elle n'est pas croyable. -Non, à vrai dire, ces choses-là ne m'ont jamais vraiment intéressée. Elle ouvre grand les yeux et passe la main sur mon front comme pour regarder ma température. -Tu n'es pas sérieuse rassure moi ? Comment c'est possible ? L'amour c'est tellement important, tellement essentiel, tellement... arg je ne comprends pas, s'agace-t-elle. Elle semble vraiment choquée par mes propos et attends que je lui explique plus précisément. Mais en réalité, il n'y a pas grand-chose à dire. -Je ne trouve pas ça si important. Je pense encore qu'être seul vaut mieux qu'être mal accompagné. -C'est parce que tu es tombée que sur des bouffons que tu dis ça. -Non, en réalité, je n'ai jamais eu de relation sérieuse. J'ai eu quelques copains quand j'étais plus jeune mais ce n'était pas vraiment de l'amour entre nous, c'était simplement de l'amitié. Mais j'avais juste à regarder autour de moi pour comprendre que l'amour ne ramène que des emmerdes. L'amour nous fait souffrir plus qu'il nous fait du bien. Chaque relation se termine par des pleurs et de la tristesse et pourtant, chaque fois, ils refont les mêmes erreurs et s'entêtent à se dire que cette fois-ci va être différente. Mais ce n'est pas le cas et, encore une fois, ils souffrent. Alors, je préfère m'éviter ces choses-là. Et pourtant tu rêves de trouver celui qui sera différent. Chut conscience ! Elle reste de marbre devant mon discours et pendant une seconde, je me demande si elle m'a écouté. Puis, elle lève les yeux au ciel et je comprends qu'elle ne partage pas le même point de vue que moi. -Kali Carter, tu es officiellement la meuf la plus bizarre que je connaisse. Je m'esclaffe à ces mots dis si naturellement et elle finit par sourire. -Le jour où tu trouveras le bon, crois-moi, même s'il peut te faire souffrir, tu y plongeras tête la première. Et tu sais pourquoi ? Je secoue négativement la tête. -Parce que la sensation que tu éprouveras ici, dit-elle en pointant mon cœur avec son index, sera la meilleure que tu n'auras jamais eu. Et tu en voudras encore malgré les peines qu'il pourra t'apporter. Car c'est humain, l'amour est vital. -Je n'en suis pas si sûre, répondis-je à son discours plein de mensonges. Si l'amour est égal à souffrance, alors je passerais mon chemin, crois moi Romy... Elle me sourit en coin et souffle : -On en reparlera. Je lève les yeux au ciel et ne m'attarde pas plus. Elle fait de même et continue son interrogatoire : -Parle-moi un peu de ton enfance. -Il n'y a pas non plus grand-chose à dire. -Kali, me réprimande-t-elle. Elle attend des détails, comme elle a pu le faire avec moi. -Je ne garde pas un très bon souvenir de mon enfance. La sonnerie de son téléphone m'interrompt et elle s'excuse et regarde le nom qui s'affiche. Elle me lance un nouveau regard désolé en me soufflant que c'est le travail et s'en va vers les cuisines. C'est à ce moment que le démon décide de faire son apparition sans m'adresser une quelconque attention. Vêtu d'un tee-shirt noir faisant ressortir ses yeux foncés et d'un survêt gris, il marche d'un pas assuré vers l'étagère située à côté de la table. Il récupère un papier dans un des tiroirs près de la baie vitré puis repart, sans un regard, sans une parole, et c'est mieux ainsi. J'espère qu'il n'a pas entendu notre conversation. Qu'il connaisse ma vie privée me fait peur, je ne sais pas de quoi il est capable. Son passage a laissé un froid dans la pièce et des frissons me parcourent le corps. Je comprends désormais pourquoi la cheminée est quelque fois allumée. Après plusieurs minutes à attendre le retour de Romy, celle-ci sort des cuisines un bout de pain dans la bouche : - Che zui ...déchoré... ze... y aller. - Et en français ça donne quoi, dis-je en rigolant. Elle s'esclaffe et prend le temps de mâcher son bout de pain, puis reformule : - Je suis désolée, je dois partir, un client est dans la m***e. Elle récupère ses affaires rapidement et m'embrasse furtivement le front avant de me saluer, sous mes yeux interrogateurs. Mais je n'ai pas le temps de lui demander des explications qu'elle a déjà quitté la maison. En ayant assez de rester assise sur ce canapé, je me lève et monte dans ma chambre. Le couloir est sombre et silencieux. Je remarque des tableaux accrochés aux murs, comme des portraits, de vieux portraits. Je rentre rapidement dans ma chambre et prends bien la précaution de fermer la porte. Voir débouler le démon est la dernière chose que j'ai envie. Je parcours la chambre des yeux et ne voit que maintenant qu'une petite pièce se situe dans le creux de ma chambre. Petite et cachée, je ne l'avais pas remarqué avant. Je m'avance et pousse la petite porte pour découvrir un lavabo et des toilettes. Les murs et le carrelage sont blancs et un tableau d'un visage que je ne connais pas se situe sur le mur juste devant les toilettes. Pas du tout flippant. Je souffle de déception lorsque je remarque qu'il n'y a pas de douche et que je vais devoir donc sortir de ma chambre et risquer de croiser le démon, peut-être même la partager avec lui. Pas en même temps bien sûr. Je croise les doigts pour qu'il en ait une privée. Il ne manquerait plus que je tombe sur lui quand je sors de la douche. Je lève les yeux vers le miroir et tombe de haut en découvrant l'image qu'il reflète. Mes cheveux bruns sont en bataille, mes yeux sont rouges de fatigue et mon teint est pâle. En parlant de douche, il est temps que j'en prenne une. Je récupère donc une serviette dans l'armoire et remercie intérieurement Elsa de penser à tout, cette femme est incroyable. Je débranche mon nouveau téléphone que m'a prêté Romy et pars à la recherche des douches. J'arpente le long couloir et ouvre des pièces au hasard, à la recherche de la salle de bain. Mais les portes défilent les unes après les autres sans que je ne trouve une douche. Peut-être qu'il n'y en a pas ? -Tu as fini d'ouvrir toutes les pièces ou il faut que je te pointe une arme sur la tête pour que tu arrêtes, grogne la voix du démon derrière moi. Je m'arrête juste devant une porte et me retourne en le fusillant du regard. Sa voix me perce les tympans et je me retiens pour ne pas lui répondre avec un mélange d'insultes toutes inventées pour lui. -Je cherche la douche, dis-je en montrant la serviette que je tiens entre mes mains et qu'il est apparemment trop aveugle pour voir. -J'ai cru que tu ne te déciderais jamais, dit-il en me toisant du regard. Connard Je lui lance un regard noir et patiente les bras croisés en attendant son aide. Il s'avance doucement vers moi, son regard descend le long de mes jambes puis remonte lentement vers mon visage. Mes mains deviennent de plus en plus moites et la serviette de plus en plus lourde. Il continu son rapprochement et quand son visage se penche à mes oreilles, il fait mine de retenir sa respiration et me pousse presque dans la pièce qu'il vient d'ouvrir. La lumière s'allume automatiquement et dans la seconde qui suit, la porte claque et je me retrouve enfermée dans la pièce. J'ai d'abord envie d'hurler et de donner des coups dans la porte pour m'avoir piégée ici, mais ensuite, je regarde autour de moi et m'aperçois que je me trouve dans la salle de bain. La douche est spacieuse et plutôt grande, des lavabos gris de plusieurs mètres s'étendent le long de la largeur et une plante verte apporte de la lumière dans cette pièce si sombre. Comme toutes les autres, malgré cette obscurité, la pièce reste très mignonne et un sentiment familier s'exhale des murs. Je branche mon téléphone et laisse un morceau de Britney Spears me détendre. Je vérifie que la porte est bien fermée à clé, me déshabille et pénètre sous l'eau chaude. La température beaucoup trop élevée me brûle la peau mais je ne la baisse pas pour autant. J'aime cette sensation contre ma peau, cela m'aide un instant à oublier mes blessures du moment. Je reste un long moment à savourer ce bien être, profitant de la merveilleuse voix de Céline Dion et commence même à fredonner quand la chanson des Spice Girls résonne. -"I'll tell you what I want, what I really really want, So tell me what you want, what you really really want, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna really really really wanna zigazig ha" À fond dans mon concert, je laisse mon corps se brûler sous l'eau chaude. Mais d'un coup, l'eau devient glaciale et un cri sort de ma bouche. J'ai beau tourner la température vers le chaud, l'eau ne se réchauffe pas d'un degré. C'est comme si l'eau chaude avait été coupée. Énervée d'avoir dû interrompre mon passage préféré dans la chanson et gelée par ce changement de température soudain je sors à contre cœur de la douche. Je prends bien le temps de serrer ma serviette autour de mon corps mouillé. Mes cheveux dégoulinent sur le sol quand j'ouvre la porte et le shampoing restant me pique les yeux. J'avance d'un pas déterminé vers sa chambre, certaine que ce coup espiègle vient de lui. Mais à mesure que j'avance, mes pas se font de moins en moins grands quand je comprends que je ne sais pas où se trouve sa chambre. Quand Elsa m'a aidé à me lever pour la quitter car il ne supportait plus ma présence dedans, j'étais encore dans les vapes et je me rends maintenant compte que je n'ai pas mémorisé c'était quelle porte. Il y en a tellement aussi ! Alors, d'un poing ferme et puissant, je tambourine sur toutes les portes, dans l'espoir que ce geste le fera sortir de sa cachette. Je tape fort jusqu'à m'en faire mal, il faut que je fasse du bruit, il faut qu'il m'entende. Et alors que mon bras commençait à fatiguer, des pas se rapprochent doucement de moi. Toujours remontée, je tourne la tête déterminée à lui faire comprendre qu'il ne vaut mieux pas qu'il commence à m'énerver. Mais c'est alors que je le découvre marchant tranquillement vers sa chambre, un sourire scotché aux lèvres. Son insolence me met dans une colère noire et je me rue sur lui. D'un geste rapide, je le pousse et lui hurle au visage : -C'est bon, t'es content ? Monsieur a coupé l'eau chaude, wow applaudissements mesdames et messieurs, dis-je théâtralement. Tu es le plus gros gamin que j'ai jamais vu, tu es pathétique, crachais-je en espérant lui avoir montré sa stupidité. Pendant tout le long de mon excès de colère, ses yeux sont fixés dans les miens, me regardant si intensément que ça en devient même flippant. Mais alors que je pensais qu'il serait en colère, il se marre. Un rire franc s'échappe de sa bouche et il se plie en deux. Qu'y a-t-il de drôle ? Mon énervement ne cesse d'augmenter et je serre les poings en retenant mon bras de partir. Je lui lance un regard noir et attends comme une idiote que son rire ne s'arrête. II m'énerve ! Après plusieurs secondes à essayer de reprendre sa respiration, le démon s'arrête enfin de rire et lève les sourcils comme pour me défier. Son regard me détaille de la tête au pied et je resserre la serviette autour de moi lorsque je me rappelle que mon corps nu n'est caché que par une serviette. Ses yeux s'attardent le long de chacune de mes courbes et je frissonne en sentant ses yeux de démon sur moi. Plus les secondes passent et plus je sens mon cœur s'accélérer. Sous son regard, j'ai l'impression de perdre toute mon assurance. Il réduit l'espace entre nous d'une enjambée et je peux maintenant sentir son odeur de menthe se dégager de ses cheveux. Cette proximité me laisse découvrir son visage plus précisément. Ses yeux que je croyais noirs sont en fait marrons foncés avec des tâches plus sombres éparpillées un peu partout. Une cicatrice au coin de son front attire mon attention mais quand il remarque mes yeux le scrutant, il la recouvre avec ses cheveux d'un mouvement de tête. Le souffle court, je tente de réguler le rythme de ma respiration aux battements de mon cœur. Et, essayant de garder toute ma crédibilité, je demande d'un ton froid : -Pourquoi tu as coupé l'eau chaude ? Ses yeux continuent de me scruter et d'un ton cassant il me crache : -Ta voix était tellement désagréable que les voisins auraient porté plainte. Nos voisins ? Je ne suis même pas sûre que nous en ayons. -C'était soit ça, soit je te donnais une bonne raison pour crier et, crois moi, tu n'aurais pas préféré. -Arrête d'insinuer à longueur de journée que tu vas me v****r, la seule fois où tu me toucheras sera pour... Il ricane sarcastiquement en me coupant la parole et lève un sourcil. -Te v****r ? Parce que tu penses réellement que j'ai envie de b****r une pauvre fille pénétrée par plus de monde que je ne connais, s'exclame-t-il cruellement. Les mots employés me font l'effet d'une gifle et ma poitrine se comprime violement. Je sens mes jambes trembler mais il ne faut pas que je flanche. Je dois lutter pour ne pas lui montrer qu'il m'a blessé. Je ne lui laisserais pas cet honneur. Je sais que ces paroles sont choisies pour me blesser et que ces mots crus ne sont que des simples mots, mais alors pourquoi ça fait si mal ? Peut-être parce qu'au fond, je sais qu'il a raison. Touchée par ces mots et irritée par sa personne, je lui fais volte-face et me dépêche de rejoindre ma chambre. - Et puis franchement, du Céline Dion, tu aurais pu trouver mieux. Il vaut mieux pour lui qu'il ne se lance pas sur ce terrain là, elle est de loin l'une des chanteuses que je préfère. Sa voix est incroyable, contrairement au bourdonnement désagréable que me provoque la voix du démon. Comment peut-on la critiquer, elle est exceptionnelle. J'agrandis mes enjambées pour m'éloigner de lui le plus vite possible et ne plus revoir sa tête. Mes mains tremblent encore quand je pousse la poignée et je referme violemment la porte déchainant la rage qui bouillonnait en moi. Il me rend dingue. Son sourire en coin, ses yeux sombres, ses mots durs, tout chez lui m'exaspère. Il arrive à me mettre dans une colère si noire que j'ai des pensées obscures que jamais auparavant je n'aurais songé. Il réussit à me faire sortir de mes gonds tellement rapidement que je le déteste. Je le hais. Je tente de me calmer en me rappelant les exercices de respiration que m'avait appris ma psy et vide toutes pensées se rapprochant de près ou de loin au démon. Je ne veux pas qu'il soit dans ma tête. Je veux garder le contrôle de mes émotions. Les yeux clos, les mains serrées, la tête haute, j'inspire tout l'air jusqu'à remplir entièrement mes poumons puis le bloque quelques secondes dans mon corps. Je relâche ensuite tout doucement et pense aux côtés positifs de ma présence ici. Je mets plusieurs secondes avant de pouvoir en trouver mais m'accroche à ces quelques points pour ne pas tomber. La maison est belle, je n'ai pas à me plaindre du confort, Romy est adorable et Elsa prépare les meilleurs pancakes que j'ai jamais goûté. Peut-être que ces petites choses m'aideront, je l'espère... Je m'habille rapidement en enfilant le pyjama qu'Elsa m'a mis de côté, je ne sais pas quelle heure est-il mais la nuit va bientôt tomber. Le soleil est bas dans le ciel et la lune commence déjà à être visible. La vitesse à laquelle le soleil se couche m'a toujours fascinée. Quand j'étais petite, nous habitions près de la mer et j'adorais me poser sur la plage, observer ce petit rond lumineux descendre si vite. Mais après nous avons dû déménager et je regardais le ciel plus que de ma fenêtre, repensant aux fois où il se trouvait avec moi... J'attache mes cheveux en un chignon rapide et quand je suis sûre que mon poing ne partira pas tout seul lorsque je croiserais le démon, je sors de ma chambre. Je n'ai pas envie de rester enfermer dans une pièce alors que je suis persuadée qu'Elsa a besoin d'aide pour préparer le dîner. Surtout que j'adore cuisiner et me ferais une joie de l'aider ! Le sourire désormais aux lèvres, je sors et suis la délicieuse odeur se dégageant de la cuisine. Mais mon sourire s'évanouit dès que mes yeux se posent sur la personne assise sur le sofa en face de ma chambre. Le démon fait, je suis sûre, semblant de lire quelque chose et ne relève pas la tête quand ma porte claque. -Tu peux déjà plus te passer de moi, je lance froidement, ses mots tournants en boucle dans mon crâne. "Tu penses réellement que j'ai envie de b****r une pauvre fille pénétrée par plus de monde que je ne connais" Le voir ici me rappelle les souvenirs de la dernière fois. Le croiser trois fois en moins d'une heure, je crois qu'une envie de vomir ne va pas tarder. Il ne relève pas et je continue ma route. Il ne faut pas que je l'approche. Si je n'ai que deux mois à tenir avec lui, autant les passer loin de lui. -Je veux les noms des pantins de Sohan, s'exclame-t-il sans un regard dans ma direction. Demandé si gentiment... J'ignore sa question et en ne lui adressant pas un regard, je m'élance jusqu'aux escaliers. -Je t'ai posé une question, s'énerve-t-il. -Et je n'ai pas la réponse, répondis-je. C'est faux. J'ai en effet peut-être un nom ou deux. Mais vu la façon dont il me traite, s'il croit que je vais les lui dire, il peut se le foutre bien profond. Qu'est-ce que j'y gagne dans l'histoire ? Il se lève et se précipite vers moi, me fusillant de son regard habituel. Il me pousse en arrière et je perds l'équilibre. D'un bras, il me maintient fermement plaquée au mur et son corps m'empêche de pouvoir m'échapper. -Je crois que tu mens, me souffle-t-il à l'oreille. J'ai l'impression de revivre la même scène que tout à l'heure et mon ventre se tord en repensant à comment cela s'est terminé. Il ne faut pas que je me laisse faire, pas cette fois-ci. Je suis forte, je suis forte, je suis forte, je me répète en boucle imaginant que cela me donne de l'assurance. J'oublies mon corps tremblant et la peur qui me ronge intérieurement et articule : -Tu crois mal. Son emprise se resserre sur mon épaule et je serre les dents. -Et oui, le grand Daemon Cole devra se satisfaire d'une question sans réponse. Ses yeux se remplissent de noirceur et sa mâchoire se crispe. Il commence à bouillir, une ride entre ses sourcils apparaît montrant son énervement et son souffle se fait de plus en plus saccadé. Je sens au regard qu'il me lance que ses informations sont importantes. Alors, profitant de cet avantage que j'ai sur lui, je le défi du regard. Que va-t-il me faire ? Me tuer ? Impossible, il ne m'aurait pas kidnappé pour me tuer les jours suivants. Il a besoin de moi, je ne sais pas encore pourquoi mais je le découvrirais. Nos regards emprisonnés, mes lèvres s'étirent légèrement en un sourire diabolique quand je remarque que c'est maintenant à son tour de serrer les dents. Je sais qu'il faut que j'arrête, que jouer à ce jeu avec lui est dangereux, mais c'est plus fort que moi. -Donne-moi les noms, grince-t-il. Son corps m'écrase et le miens faiblit de rester dans cette position et de devoir supporter son poids. Il appuie sur un point sensible de mon épaule et je me crispe en retenant un gémissement de douleur. -Lâche-moi, je lui crache au visage. Ne supportant plus la douleur à mon épaule, je réussie à libérer mon bras droit et tente de le gifler. Mais il stoppe ma main en plein mouvement et la serre jusqu'à écraser mes os. La douleur est si forte qu'un son aigu s'extirpe de ma bouche. Ses pupilles ne me lâchent pas du regard tout du long pendant que je lutte pour m'échapper de son emprise. Des larmes ruissellent le long de mes joues et je cherche une solution. Après quelques secondes, une idée surgit et sans réfléchir mon genou part tout seul dans les parties intimes du démon. Le coup est parti si fort qu'un grognement rauque et puissant sort de sa bouche. - Petite s****e, grogne-t-il. Ça a marché, son emprise s'affaiblit pour ensuite totalement me relâcher sous le coup de la douleur. Je sens mon épaule revivre et mes doigts reprendre leur couleur. Mais j'ose ensuite lever les yeux vers le démon et me pétrifie sur place lorsque ses yeux se plantent dans les miens. M'assassinant du regard, ses traits sont tendus et son souffle lourd. Peut-être aurais-je dû réfléchir avant d'agir. Tu es morte, ne se prive pas de me dire ma conscience. Son sang chauffe, je le sens, je le vois. Ses joues deviennent rouges de colère et j'imagine très bien la fumée sortir de ses oreilles. Encore à moitié penché en avant, la main protégeant ses précieuses, il retient sa respiration pour ne pas crier. Il faut que je parte, vite. Mais je n'ai pas le temps de m'enfuir qu'il se relève et que ma tête part brutalement en arrière quand sa main me gifle violemment. Ma tête cogne contre le mur et sa main ne perd pas une seconde pour s'emprisonner autour de mon cou. Les larmes dévalent maintenant à toute vitesse le long de mes joues et ma vue se brouille. Ma joue chauffe déjà sous la force de son coup et des picotements désagréables me tiraillent le visage. Ça t'apprendra à faire la maligne. Ta gueule conscience de m***e. Ses doigts se resserrent autour de mon cou tandis que ma respiration devient de plus en plus compliquée. À mesure que ses ongles s'enfoncent dans ma chair, mes yeux se ferment. J'aimerais crier, hurler ma douleur, mais aucun son ne sort de ma bouche. Ma gorge est bloquée, encerclée par ses mains, maltraitée par sa force. Et quand je crois enfin que tout est fini et qu'il va me laisser tranquille, il relâche mon cou et empoigne fermement mes cheveux. Il me tire vers lui et m'oblige à le suivre. Mon élastique se casse sous la force du démon. Mes jambes tentent de garder la cadence imposée par le démon et je gémis de douleur quand mes cheveux sont utilisés comme une corde dans ses mains. Il dévale à toute vitesse les escaliers et je manque presque de trébucher quand mes pieds s'emmêlent. Mon dos se tord pour m'éviter une trop grosse douleur même si cela n'empêche pas le démon de m'arracher plusieurs mèches.
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