LETTRE XVI
Mademoiselle d’Albémar à DelphineMontpellier, 20 mai 1790.
Je me hâte de vous dire, ma chère Delphine, que M. de Mondoville est mieux ; un chirurgien habile l’a soigné avec beaucoup de bonheur, et lorsque la perte de son sang a été arrêtée, il s’est trouvé, très vite hors de tout danger. Il aurait déjà repris sa route, si l’on ne craignait que sa blessure ne se rouvrît en voyageant. Il a écrit à M. Barton une lettre que Télin m’a adressée, pour vous prier de la faire parvenir sûrement. Je vous l’envoie.
Il faut que Léonce ait quelque chose de bien aimable, pour que ce vieux négociant de Bayonne, Télin, qui de sa vie n’a pensé qu’aux moyens de gagner de l’argent, écrive des lettres toutes remplies d’éloges sur les qualités généreuses de M. de Mondoville ; en vérité, je crois qu’il a fait de Télin une mauvaise tête ! Sérieusement, c’est un rare mérite que celui qui est vivement senti même par les hommes vulgaires ; et je crois toujours plus aux qualités qui produisent de l’effet sur tout le monde qu’à ces supériorités mystérieuses qui ne sont reconnues que par des adeptes.
Chère Delphine, il est très vraisemblable, à présent que vous allez voir M. de Mondoville ; votre imagination est singulièrement, préparée à recevoir une grande impression par sa présence : défendez-vous de cette disposition, je vous en conjure, et rendez à votre esprit toute l’indépendance dont il a besoin pour bien juger.