LETTRE V Delphine à mademoiselle d’AlbémarBellerive, ce 4 août. Depuis que j’existe, vous le savez, ma sœur, l’idée d’un Dieu puissant et miséricordieux ne m’a jamais abandonnée ; néanmoins, dans mon désespoir, je n’en avais tiré aucun secours : le sentiment amer de l’injustice que j’avais éprouvée s’était mêlé aux peines de mon cœur, et je me refusais aux émotions douces qui peuvent seules rendre aux idées religieuses tout leur empire ; hier je passai quelques instants plus calmes, en cessant de lutter contre mon caractère naturel. Je descendis vers le soir dans mon jardin, et je méditai pendant quelque temps, avec assez d’austérité, sur la destinée des âmes sensibles au milieu du monde. Je cherchais à repousser l’attendrissement que me causait l’image de Léonce ; je voulais le confond