LETTRE III Delphine à mademoiselle d’AlbémarCe 30 juillet. J’ai vu madame de Vernon ; elle est venue passer deux jours à Bellerive : je me promenais seule sur ma terrasse, lorsque de loin je l’ai aperçue ; j’ai été saisie d’un tel tremblement à sa vue, que je me suis hâtée de m’asseoir pour ne pas tomber ; mais cependant, comme elle approchait, un sentiment d’irritation et de fierté m’a soutenue, et je me suis levée pour lui cacher mon trouble. Toute l’expression de son visage était triste et abattue. Nous avons gardé l’une et l’autre le silence ; enfin elle l’a rompu, en me disant que sa fille allait la quitter et s’établir avec son mari dans une maison séparée. « Ce projet n’était pas le vôtre, lui ai-je dit. – Non, répondit-elle ; il dérange et mon aisance de fortune, et l’espoir que