JOANNA
Une journée et demie c'est ce qu'il nous a fallu pour rallier Bissau. Ce pays situé au nord-ouest de ma Guinée natale dont je n'ai ouïe parler qu'à l'école de façon on ne peut plus brève s'avère être le pays de mon salut.
Ici s'écrira mon histoire, l'histoire d'une jeune fille devenue femme par le poids des responsabilités. L'histoire d'une femme qui s'est armée de courage, de bon sens et de clairvoyance pour apporter sa partition dans la construction d'une nouvelle démocratie.
En quittant chez moi j'étais loin de me douter de la lourde tâche qui allait être mienne. Pouvoir, disgrâce, désenchantement seront au rendez-vous!
Je serais heureuse de vous raconter mon mariage, un mariage à grande pompe avec tout le nécessaire. Parée de bijoux en or sertis de diamants , coiffée à la dernière mode. Je serais plus qu'heureuse de vous décrire la beauté de la salle où s'est tenue la réception.. de l'organisation, des chaises disposées avec soin et classe, la senteur des roses parsemées à l'autel, ou même le rire joyeux de mes demoiselles d'honneur.
La coupe magnifique des smokings des garçons se dandinant aux bras des filles. Le bonheur sur le visage de ma mère ou même la satisfaction sur celui de mon père.. et moi?
Moi? Oui moi vêtue de ma belle robe blanche immaculée trônant fièrement au milieu de ce beau monde comme la reine que j'étais, la reine de ce merveilleux conte de fée..
Mais à la place je m'en vais vous raconter la vérité, parce que non je n'ai pas eu un mariage de rêve. Juste une cérémonie sombre, faite à la hâte. Pas un seul de mes amis n'était présent,le tout s'est déroulé dans la plus grande intimité étant donné que même l'époux n'avait daigné être présent. Il s'est d'ailleurs fait remplacé par son frère, qui malgré sa bonne humeur n'avait pu me faire sourire .
D'une part j'étais satisfaite de l'issue de la situation, leur proposition est tombée à point nommé m'empêchant de dévoiler mon secret à mes parents. Mais était-ce réellement l'issue que je voulais ? Non! Puisqu'il s'agit d'un mariage sans amour..
Mon cœur était déjà prit... et j'ai dû me faire violence pour annoncer à Ismael cette mascarade. Il n'en croyait pas ses oreilles, à croire que ça m'amusait de faire ce genre de blague. Tout ce qu'il m'a répondu :
- Es-tu sûr de vouloir te marier Joanna ?
- Non! Mais je n'ai pas le choix..
J'aurai voulu qu'il m'interdise de me marier, j'aurai aimé pouvoir tout lui dire, j'aurai aimé qu'il me promette qu'il viendra me chercher et m'acceptera avec ce gosse qui grandit en moi.. mais je ne pouvais pas. Ismael ? Il serait capable de Peter un câble, il ne m'aurait pas compris... alors oui j'ai préféré tout garder pour moi. Ce mariage bien que ce ne soit qu'une simple mascarade, sauvait mon honneur .
- On a toujours le choix Joanna... après tout ce qu'on a traversé toi et moi?
- J'ai autant mal... je souffre le martyre Isma mais c'est comme ça.. mon père s'est imposé !
- Je lui parlerai Joanna mais je t'en supplies ne fais pas cette erreur.. enfuis toi s'il le faut
-je ne peux pas mon amour.. pardonnes moi si tu le peux...
-Joanna...
- Acceptes de me laisser partir...
Un blanc s'installa entre nous.. durant un moment je n'entendais que le bruit de sa respiration bruyante et ses sanglots étouffés. Je ne me rappelle jamais avoir vu Isma pleurer pas même au décès de son frère, je suis surprise et aussi flattée qu'il puisse pleurer par amour.. par amour pour moi!
- Je t'aime Isma à Dieu...
Nos adieux furent très douloureux.. je me sentais brisée par ma faute je venais de mettre fin à une grande histoire d'amour. Avec Isma on a rompu plus de cent fois durant ces deux années d'un amour fou , profond, mais on s'est toujours rabiboché .On était comme les doigts de la main, incomplets l'un sans l'autre. Complice et par dessus tout très amoureux, mais faut savoir que chaque chose a une fin et pour nous c'était la fin de notre idylle du moins c'est ce que je croyais.
À mon arrivée à Bissau le désenchantement ne tarda pas à arriver, c'est vrai que tout le monde était aux petits soins avec moi comme s'il s'était s'agit d'un trésor sauf le principal concerné bien sûr. Qui , d'ailleurs jusqu'à présent n'a pas fait signe de vie.
Une semaine déjà depuis notre retour, je commençais petit à petit a prendre mes marques. Dans cette grande maison respirant le luxe, insolemment grotesque je me sentais étrangère, je faisais tache au milieu de ces beaux meubles qui a dû coûter la peau des fesses.
J'étais logée dans une pièce qui ferait deux fois notre salon à Conakry.. sans exagération aucune. En fouinant j'ai constaté qu'une partie du dressing avait été libérée pour moi, afin que je puisse entreposer mes effets, l'autre étant occupée par les effets du seigneur Jamal le tout puissant .
Ses portraits étaient accrochés partout dans la pièce, un vrai narcissique. Jamal en toge certainement à sa remise de diplôme , Jamal arborant un magnifique sourire au bras de sa mère, Jamal en compagnie de son frère, en gros le parfait tableau de la famille épanouie.
Pour meubler mon quotidien j'allais aux cuisines où j'étais illico mise à la porte, parce que pas question que la femme de Jamal se casse un ongle.
Parlons de ma belle mère, une femme ô combien douce, maternelle, une vraie mère poule.
Parfois je la surprend à m'observer et dans ces moments prise en flag elle m'offre son plus beau sourire. Mon beau père.. Humm un homme charmant et d'ailleurs je sais d'où Jamal tient sa beauté. Malgré le poids de l'âge il se maintient, c'est quelqu'un de très loquace qui aime discuter politique , élevage.
Entre nous le courant est passé toute suite, il a l'habitude de dire à sa femme.. Natou tu as une belle fille formidable.. Jamal a de la chance de l'avoir Ce petit con! C'est un sacré veinard..
Tout allait bien.. oh oui jusqu'ici tout allait parfaitement bien jusqu'au jour où il fût question de son retour. Moi qui pensais pouvoir me racheter un semblant de vie stable, je n'allais plus tarder à déchanter.
À suivre