IV
Je la redescendis d’ailleurs en courant. J’avais une appréhension vague que l’homme d’affaires fermât son cabinet avant mon arrivée. Ces sortes de gens rouvrent bien leur caisse, après l’heure de la fermeture officielle, quand on leur apporte de l’argent, mais non pas quand on leur en demande. J’atteignis enfin la rue des Beaux-Arts et le n° 17, non sans avoir encore vaincu bien des tentations en route…
– Prétentieux !
– J’avais vingt-cinq ans. Je m’élançai dans la loge du concierge comme un ouragan. – Monsieur Franconville ? lui demandai-je. – Au quatrième, la porte à gauche, me répondit-il. Comment fis-je mon compte ? Je pris sans doute le premier pour un simple entresol, ou bien, une fois dans l’escalier, la rapidité de ma course m’emporta plus loin que de raison. Mais c’est au cinquième, – je me le rappelle aujourd’hui parfaitement, – que je m’arrêtai seulement. La porte n’était pas bien fermée : j’en profitai pour faire l’économie d’un coup de sonnette. Je traversai une antichambre ; j’ouvris une seconde porte donnant dans une petite pièce… Ah ! mon ami !
– Quoi donc ?
– Au lieu du crasseux jean-foutre que je m’attendais à voir à son bureau chargé de paperasses, sur un divan et dans une atmosphère délicieuse, une femme dépourvue des vêtements les plus élémentaires, dans la splendeur d’une nudité grassouillette, savourant, comme un moineau voluptueux, la chaleur douce de cette journée, rêvant comme Léda avant que le cygne divin s’en fut vers elle. Par un mouvement de honte exquis, elle porta vivement ses deux coudes au-dessus de ses yeux pour cacher du moins son visage.
– Monsieur Franconville ? m’écriai-je, tant j’étais impatient et tout à l’idée de ma rentrée pécuniaire, absorbé dans mon souci et indifférent au reste du monde.
– Ce n’est pas moi ! fit-elle d’une voix tremblante.
Et comme, un peu revenu de ma surprise, je me taisais, ébloui :
– Voyez plus bas, ajouta-t-elle.
Quand j’eus suivi son conseil, continua Jacques, le bureau de M. Franconville était fermé. Le lendemain, il était parti de grand matin pour la Belgique, emportant les fonds de ma mère. Le surlendemain, M. Bougrelin me mit à la porte et ma maîtresse me quitta.
Post-scriptum