I

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I Il est ridicule, ma chère, que nous n’ayons pas encore écrit à Philippe. Un sourire aussitôt réprimé passa sur les lèvres de la comtesse, durant que son noble époux s’escrimait pour entrer dans des bottes de chasse neuves. – Oui ! continua le gentilhomme. Que doit penser de nous ce garçon qui nous a quittés depuis tantôt quinze jours et nous a donné à plusieurs reprises de ses nouvelles ? Notre silence est de la dernière inconvenance. Philippe est très sensible et le prend certainement pour un manque de cœur. Nous ne devrions pas oublier que Philippe m’a donné une singulière preuve de dévouement en renonçant à Paris tout l’hiver pour nous venir tenir compagnie ici dans cette solitude campagnarde qui n’a rien de gai pour un célibataire. Je suis sûr qu’il s’y est ennuyé prodigieusement. La comtesse dut mettre un doigt sur sa jolie bouche pour contenir un second sourire plus impérieux que le premier. Ayant passé sa veste de velours à côtés dont les boutons figuraient des gibiers divers, Monsieur poursuivit en s’animant : – On ne trouve, morbleu ! pas tous les jours des amis pour vous rendre ce genre de service. Que serais-je devenu sans lui ? Que seriez-vous devenue vous-même, vous à qui il faisait la lecture pendant mes excursions dans le bois ? C’est de l’ingratitude, vous dis-je, de l’ingratitude noire. Passe pour moi qui déteste écrire et trouve la plume plus lourde que le fusil. Mais vous qui avez du sang des Sévigné dans les veines. Ça vous aurait donc bien coûté de lui jeter un mot à la poste, tous les cinq ou six jours ? C’est mal, Hermance, très mal d’y avoir manqué. Madame écoutait toujours sans paraître émue des reproches de son mari. Sa conscience répondait tout bas pour elle. Depuis le départ de Philippe, elle n’avait pas laissé passer vingt-quatre heures sans lui adresser huit pages d’une petite écriture aristocratique et serrée. Seulement il lui eût été difficile de communiquer au comte ce qu’elle lui écrivait. Car vous avez deviné déjà la situation, en malins que vous êtes, et vous savez à merveille que ce n’était pas par désintéressement amoureux que ce sieur Philippe était venu vivre à la Roche-Pétière, chez son ami Gaspard de la Roche-Pétière, qui était bien un des animaux les plus ennuyeux de son temps. Il y avait des compensations, d’amples compensations, ajouterai-je en pensant aux choses qu’il prenait pour se distraire. Car Hermance est de belle prestance et de bon poids, copieuse et avenante au déduit, comme disaient nos pères.
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