III
– Par ici ! poursuivit-il. Par ici !
Agathe mourait de peur et M. Michel n’était pas à son aise.
– Ne craignez rien, continua le garde. Moi aussi je me suis marié autrefois et je ne comprends que trop votre impatience. Ce que la journée m’avait paru longue, à moi ! Tous ces indifférents qui retardent la solitude à deux, si douce, sont-ils assez insupportables ! Non seulement je vous comprends, mais je vous approuve de les avoir laissés en plan pour jouir en paix de vos nouveaux droits. Après tout, maintenant que M. le maire y a passé, vous n’avez plus à vous gêner pour personne. Mais vous serez bien mieux chez moi et vous risquerez encore bien moins d’y être dérangés.
– Il me prend pour le mari, pensa M. Michel, et il serait tout à fait stupide de dissiper son erreur.
Mlle Agathe ne pensait rien de précis, mais l’idée de continuer la partie commencée ne lui déplaisait pas. D’ailleurs, ce nouveau venu était revêtu d’un caractère sacré ; il portait sur lui les insignes d’une magistrature. Lui obéir était un devoir. Ils se résignèrent et suivirent M. Anselme. On gagna rapidement, par des sentiers qu’il connaissait, un pavillon rustique à la porte enguirlandée de glycines. Une fois le seuil franchi, M. Anselme les installa comme il avait projeté, leur souhaita mille choses aimables et, discret autant que paternel, s’en fut sur la pointe des pieds pour veiller à distance sur eux. L’idée qu’il servait la morale, sa marotte, et protégeait le mariage, son dada, emplissait son œil d’une fierté dont les petits éclairs y passaient comme des étincelles, et les poils de sa moustache grise se dressaient avec une expression de défi, comme pour dire aux amoureux illégitimes : Venez-y donc !
Quand il jugea qu’il était décent que ses hôtes rejoignissent leur noce, il frappa au carreau trois petits coups mystérieux. Un instant après, M. Michel et Agathe recevaient sur le seuil sa bénédiction, et le bon garde soufflait d’aise d’avoir si bien occupé son temps.