IV
Un grand éclat de rire y accueillit son entrée. C’était Hermance qui s’esclaffait à son noble nez.
– Avez-vous vu le post-scriptum ? lui cria-t-elle, du plus loin qu’elle le vit.
– Oui, Madame, répondit furieusement le comte abasourdi de tant de cynisme.
– Non ! non ! vous ne l’avez pas lu.
– Je vous jure que si, et nous avons à causer sur l’heure.
– Je vous dis que vous ne l’avez pas lu, sans cela, vous seriez bien plus en colère.
– J’y suis peut-être plus que vous ne le croyez.
– Ah ! quel bonheur, que ma farce ait si bien réussi ! Vrai, vous êtes fâché ? vous avez cru ? Ah ? que vous êtes bête et que c’est amusant !
M. de la Roche-Pétière était positivement interloqué. Bertrade faisait chorus aux hilarités de sa maîtresse.
– Vraiment, continua Hermance qui se sentait maîtresse de la situation, vous n’avez pas soupçonné un instant que j’avais envoyé exprès Bertrade sur vos talons, pour qu’elle se laissât prendre par vous cette lettre, et afin que vous lussiez ce que j’avais mis en bas pour vous mettre en colère ? Je sais que tous les hommes, – vous comme les autres, – sont curieux et jaloux. Êtes-vous assez puni de vos folles idées ?
– Mais je n’en avais jamais eu, je vous jure.
– Allons donc ! allons donc ! vous les dissimuliez par orgueil, voilà tout. Mais vous étiez inquiet, comme tous les maris, inquiet au fond. Enfin, vous vous êtes imaginé, un instant, que votre meilleur ami, votre fidèle compagnon, votre frère Philippe… Ah ! laissez-moi rire.
– C’est vrai, je me le suis imaginé un instant. Étais-je stupide ! C’est impossible.
– Impossible, en effet. Je serais une dévergondée qu’il ne voudrait pas… Donnez-moi cette lettre, que je la déchire. Cette comédie a assez duré et je vous pardonne.
M. de la Roche-Pétière était silencieux.
– Mais, dit-il tout à coup, pourquoi ne ferions-nous pas aussi une farce à Philippe ?
– Quelle farce ?
– Celle de lui envoyer la lettre.
– Vraiment ! vous y tenez ?
– Certainement. Lui aussi ne comprendra pas. Ça sera extrêmement drôle. Ça fait que plus tard il n’aura pas le droit de se moquer de moi.
– À votre aise, mon ami.
Donc, après s’être excusé, comme il convient à un gentilhomme, des violences de son entrée et de la rapide injustice de ses soupçons, M. de la Roche-Pétière alla lui-même porter à la boîte le billet qui l’avait si fort exaspéré, en riant comme un bossu de la tête que ferait son ami Philippe en le recevant, et, pour plus de sûreté, il chargea la lettre.
Je n’ai rien inventé dans ce récit.
Villégiature