5 : je ne te lâcherai pas

1572 Words
Six servantes furent nécessaires pour sécher le Dragon d’ Azur. Il se tenait droit, la mâchoire serrée et les yeux fermés. Une servante pour sécher ses cheveux. Deux pour ôter ses vêtements. Deux autres pour sécher son corps encore humide par le bain qu’il venait de prendre. Une dernière qui attendait, inclinée, les yeux au sol, tenant entre ses bras, les habits de soie, luxueux et délicats, de leur Seigneur. Par pudeur, et surtout pour ne pas choquer davantage sa jeune épouse, il avait décidé de se rendre dans une pièce adjacente à celle de son bassin. Le cri d’ une servante se fit entendre au loin. Il provenait de la salle d’ eau du Dragon d’Azur. Il songea vaguement que sa jeune épouse avait dû faire quelque chose d’ inapproprié. Il resta impassible mais interrogea à voix haute la raison de ce cri. _ Nous ne le savons, mon seigneur… laissez - moi aller vérifier… avait commencé à répondre l’ une d’ entre elles. Plusieurs autres cris se firent entendre. Les servantes, qui avaient été sélectionnées pour le servir ce soir, ne purent s’ empêcher de trembler. Il leur sembla que des milliers d’épines les traversaient de toutes parts. Le Dragon venait d’ouvrir ses yeux. Son regard glacial se posa sur la servante qui venait de s’adresser à lui. _ De quel droit oses-tu me parler sans autorisation ? Parut - il murmurer entre ses dents. Qui es-tu pour te croire l’égale de ton seigneur ? Toutes les servantes se jetèrent au sol. _ Pitié, Seigneur de l’Est, pitié ! Elle est nouvelle ! Faites preuve de clémence ! Elle ne connaît pas encore les règles. Il ne put s’empêcher de pousser un profond soupir. Il fit un mouvement de la main pour leur signifier de s’écarter de son chemin. Puis, il se mit en direction de la salle où il avait plus tôt pris son bain. Ce qu’ il y vit le laissa de glace. Il cherchait calmement sa jeune épouse du regard. Tout ce qu’ il put distinguer, à travers les volutes de fumées, furent d’autres servantes sautillant sous la panique autour du bassin d’ivoire. Il fronça légèrement les sourcils, lui donnant un air presque humain sous ses traits, habituellement de marbre. _ Qu’ allons - nous faire ? Elle ne remonte pas à la surfaire ? Pleurait une servante en s’ enfonçant, sans s’ en rendre compte, les ongles dans la peau fine de ses mains. _ Je ne le sais pas… Que faire ? Devons - nous appeler un garde ? Dit en tremblant une autre. _ Le seigneur de l’ Est ne l’ acceptera pas ! Un autre homme que lui n’ a pas le droit de voir le corps de sa promise ! Ce serait commettre un péché que de laisser cela arriver ! Dit encore une autre. _ Et si nous tentions de la sortir par nous - même ? _ Vous savez bien que nous n’ avons pas le droit d’entrer dans le bassin, nous risquons le fouet si on nous y trouve ! La servante qui venait de parler poussa un cri aigu sous la surprise. Elle venait de se rendre compte de la présence du Dragon d’Azur. Elle tremblait à présent d’ effroi à la vision de la silhouette trouble qui se dessinait à travers l’ épaisse vapeur d’ eau du bassin. Seiryu serra les poings. Il chercha avec plus de hâte à la surface de l’ eau afin de trouver l’emplacement d’Aspen. Une fois qu’ il sembla la distinguer à travers l’ eau, il précipita son pas, poussant au passage avec violence les servantes qui se tenaient au bord du bassin. Il le fit avec tellement de force, qu’elles furent comme projetées et écrasées au sol. L’ une d’entre - elles fut tuée sur le coup. Elle n’ avait pas pu amortir sa chute et avait atterri face première contre terre. Son crâne avait cédé, n’ ayant pu supporter le choc de la collision sur le dallage marbré du sol. Il entra dans le bassin et se rendit là où il avait cru distinguer la silhouette de sa jeune épouse. Il mit sa tête sous l’ eau et son coeur sembla cesser de battre l’ espace d’ un instant. Aspen se tenait là. Recroquevillée en position fœtale, ses cheveux flottant délicatement autour d’elle. Elle semblait être une apparition fantomatique au milieu de l’ eau. Une vague de panique saisit Seiryu qui remonta à la surface et avança à grands pas dans le bassin. Il l’ attrapa brusquement et la sortit avec vigueur hors du liquide dans lequel elle semblait tant se complaire . Sous la surprise, Aspen prit une grande bouffée d’oxygène et cligna des yeux à plusieurs reprises en voyant le Seigneur de l’ Est. Il la souleva. Puis, il avait passé ses mains à l’ arrière des cuisses de sa jeune épouse, de sorte que, les jambes de cette dernière, passent de part et d’ autre de sa taille. _ Мені жібер (Meni Jiber) lui dit - elle en le frappant des deux poings à la poitrine. _ Je ne te lâcherai pas, dit - il froidement. _ Мені жібер ! _ Adresse-toi à moi dans ma langue, Aspen, lui répondit - il, inexpressif. _ Мені жібер ! Мені жібер ! Répéta - t - elle avec insistance, frappant à chaque fois davantage son époux. Au loin, on pouvait à présent entendre l’orage gronder. Le Dragon d’ Azur saisit subitement la mâchoire de la Panthère des Terres Sauvages et la tétanisa en un regard. _ Je t’ai dit… dans ma langue, Aspen. Il enfonça les ongles de son autre main dans l’ arrière de la cuisse de sa jeune épouse. La Panthère secoua la tête et fronça les sourcils. Elle venait de se rendre compte de la position dans laquelle elle se trouvait. _ Мені жібер… murmura - t - elle à présent… moi pas savoir dire dans langue Si Shou… Elle n’éprouvait pas de honte, à ce moment, de ne pas être capable de s’exprimer correctement dans la langue de son époux. Mais, elle ne savait que faire dans la position compromettante dans laquelle elle se trouvait. Le Dragon libéra la mâchoire d’Aspen de son emprise et vint la placer sous l’autre cuisse de sa jeune épouse, la serrant davantage contre lui. Il se contenta de la fixer, ne quittant pas un seul instant, l’émeraude des yeux de la Panthère. _ Écoute, apprends et retiens. Мені жібер se dit lâche-moi, dans ma langue. Répète, lui ordonna - t - il avec froideur. Elle trembla. L’espace d’une fraction de seconde. Les pupilles du seigneur de l’Est avaient, pendant un court instant, semblé prendre la forme de celles d’un reptile. _ Lâche-moi… dit-elle d’une petite voix. Une terreur sourde et glaçante semblait peu à peu la gagner. Le Dragon d’ Azur hocha la tête de satisfaction, mais son visage resta inexpressif. Il prit une à une les mains d’ Aspen et les posa autour de son cou. Puis, il ajusta ses propres mains en passant un bras sous les genoux de sa jeune épouse et l’autre bras dans son dos. Aspen pouvait sentir leurs deux cœurs battre à l’unisson. Elle savait pertinemment que c’était le sien qui battait à tout rompre. Elle n’était pas sûre de comprendre si c’était sous l’influence de leurs deux corps si près l’un de l’autre, ou bien, de ce qu’elle avait cru percevoir dans les yeux du Dragon. Le coeur du Seigneur de l’Est, quant à lui, était parfaitement calme, comme si rien de ce qui se passait n’était en mesure de l’affecter de quelque manière que ce soit. _ Lâche-moi… tenta - t - elle, intimidée, une nouvelle fois. Seiryu fit mine de ne pas l’entendre. Il se déplaça et se mit en direction de la sortie du bassin, cherchant du regard les petites marches qui lui permettraient de sortir de l’eau. Il prit calmement la parole, usant de l’ air détaché avec lequel il avait coutume de s’ exprimer. _ Je ne te lâcherai pas. Je n’ai que faire de ta volonté. Tant que tu te mettras en péril, tu resteras en permanence à portée de ma vue. Il sortit, le pas sûr et assuré hors de l’ eau. Aspen fut choquée de découvrir les corps étalés au sol et la marre de sang qui s’étalait sous une des servantes. Elle était restée en apnée sous l’eau tout ce temps pour profiter de la température de l’eau. Elle se sentait parfaitement détendue dans l’élément liquide. Et, elle se réjouissait de pouvoir, désormais, profiter d’un tel bassin. Les six servantes, choisies pour servir le Seigneur de l’Est ce soir - là, se tenaient prêtes avec des serviettes épaisses. Elles tremblaient d’effroi à la vue de la scène qui s’offrait à leurs yeux. Seiryu tendit la main et attrapa l’une des serviettes duveteuses. Il recouvrit le corps de sa jeune épouse et l’enveloppa avec. Étrangement, cela le rendait nauséeux de penser que quelqu’un d’autre que lui, puisse voir le corps de la Panthère. Il entreprit de rejoindre la pièce adjacente à celle du bassin. Une fois qu’il fut arrivé à la hauteur de l’encadrement de la porte, il s’arrêta subitement de marcher et dit à voix haute. _ Abattez toutes celles encore en vie se trouvant au sol. Les Six servantes, tremblantes, s’ inclinèrent profondément en avant. _ Oui, Seigneur de l’ Est.
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