PARTIE 14
==== Dans la tête de Chancia : ====
J’avais l’impression que tout ce que Magalie et moi avions tenté ce mois avaient été vains. Il avait suffi de la seule et simple réapparition de Darnel pour que tous ses souvenirs douloureux refassent surface. Anouchka était dans mes bras et pleurait de tout son saoul entre temps Magalie était allée nous prendre des bouteilles de Heineken histoire de décompresser. Elle revient plus tard avec 6 grandes bouteilles, Anouchka lui arracha une et l’ouvrit avec ses dents avant de la boire d’un trait.
- Anouchka vas-y doucement oh ! S’exclame Magalie.
- Il n’y a pas meilleur remède que la boisson pour oublier ses soucis et nouer son chagrin. Répondit-elle
- Oui mais vas-y doucement. Ajoutais-je.
- Hum. Si tu avais pu lire dans ses yeux. Si tu avais pu lire sa douleur. Je ne sais même pas ce qui m’a pris de le lui dire. Ça aurait était mieux, pour lui, pour moi. Si seulement vous aviez entendu quels étaient ses projets. Il aimait déjà son fils, il l’aimait sans même l’avoir vu… Elle avala encore deux à trois gorgées avant de replonger à nouveau dans ses souvenirs.
- Je m’attendais à tout sauf à cela. Continua Anouchka. Ses yeux s’illuminaient lorsqu’il parlait de son fils, la lueur de joie qu’il avait lorsqu’il regardait la photo de Glenn et comme un petit garçon il avait demandé après son fils, il voulait tellement le voir, même endormi, il voulait le voir.
Elle tourna son visage vers nous, déposa sa bouteille vide au sol reprit une autre et refaisait le même rituel.
- Ma bouche aurait dû rester close, mais mes mots étaient sortis avant même que mon cerveau n’eut le temps de réaliser. Hum la vérité est bonne à dire, il est injuste votre Dieu.
- Anouchka ne dit pas ça… Dis-je.
- Ne pas dire quoi ?! Ce qui est vrai ! Qu’il m’arrache mon fils comme ça sans raison c’est une chose certes difficile à digérer mais cela reste un point sensible, qu’il m’oblige à revoir Darnel à lui dire qu’il avait un fils qui n’est plus et me pousse à lire toute la joie que cette nouvelle lui apportait est une autre chose, une chose cruelle. Alors oui VOTRE DIEU est injuste de plus j’ai jamais réellement cru en lui et là il me prouve encore que je ne devrais pas.
- Arrête ! Gronda Magalie. Franchement c’est la bière qui te fait dire n’importe quoi !
- C’est mon opinion point barre. Chacun est libre d’avoir son point de vue, d’avoir ses croyances et autre. Pff je préfère croire au fait qu’il y ait plusieurs dieux que de croire au faite qu’il y en a qu’un seul. Oh il est Amour, oh il pardonne ! Connerie de croyant ! les blancs sont venus vous inculquer leurs croyances et vous les avez embrassé et nos croyances à nous ? Nos dieux ? Nos rites d’initier et autre que nous cherchons à rendre tabous. Pff nous on avait la vérité, je préfère croire au génie et autre que de croire à votre foutaise.
- Mon Dieu Anouchka tu délires ! Ne laisse pas les forces du mal t’attirer dans l’obscurité. Dit-on « Au grand destin, de grands obstacles » Supporte ma copine jusqu’à présent tu as été forte ne cède pas maintenant. Répondit Magalie essayant de redonner raison à Anouchka.
- Foutaises, baliverne, ce que tu veux. Répondis Anouchka.
Magalie me regarda d’un air dépassé en implorant mon aide. Je décidai donc d’intervenir mais vous cacherais-je que les propos de cette dernière créaient le doute en moi ? Non pas que je lui donnais raison mais je trouvais qu’elle n’avait pas entièrement tort comme quoi nous avons embrassé la culture des occidentaux.
Ma mère disait toujours : « Dieu a parlé à chacun d’entre nous dans sa langue, il s’est présenté à nous de diverses façons, nous n’avons pas inventé seul nos rites, mais c’est lui qui parla à nos ancêtres, c’est lui qui leur recommanda de donner un nom au ciel, un nom à la forêt, un nom à la mer et un nom au feu, seuls les hommes modifièrent cela à leurs façons et rendirent toutes ces choses mauvaises. » Elle disait aussi que l’occident avait peur de nos pratiques, les scientifiques ne savaient comment l’interpréter, il fallait donc détruire cela et nous inculquer leurs méthodes à eux, leurs pratiques à eux.
Je trouvais toujours ces paroles tellement pleines de bon sens mais ma mère est une fervente chrétienne et parfois je me demandais si je ne rêvais pas de ses moments où elle évoquait ce genre de sujet.
- Anouchka, je ne dis pas que tu devrais croire en Dieu ou en je ne sais qui. Magalie me lança un regard noir mais je lui répondis par un sourire. Je pense juste que ça ne sert à rien de chercher sur qui jeter la faute. Si tu ne t’étais pas saoulée comme une ivrogne et que tu avais pris tes dispositions rien de tout cela ne serait arrivé. Magalie eut comme une expression de fierté l’air de dire « Bien dit ! » avant de se tourner à nouveau vers Anouchka afin d’observer sa réaction.
- Ouais mais bon, ce qui est fait est fait…
===== Dans la tête de Darnel : =====
Je venais de rentrer chez moi, pris de colère je claquais la porte et comme envahi d’un certaine haine je me mis à casser tout autour de moi, tous ce qui était à portée de main, vases comme verres, horloge, photo et autre je me freinais net quand je voulus mettre un coup dans mon grand écran plasma de 165 cm, j’aimais bien trop regarder mes matchs de foot pour la casser.
Je sentis ma colère baisser à cet instant précis, je pris place sur mon fauteuil en allumant la télé, je zappais toutes les chaines pour laisser canal + sport sur laquelle était diffusé un match de basket de la NBA. J’étais un amoureux de sport et en l’espace d’un instant je m’étais imaginé jouer au foot avec mon fils, lui apprendre les règles de base du basket faire du sport son plus grand amour mais seulement comment avais-je pu m’attacher à un être que je n’avais jamais vu ? Je ne comprendrais jamais la vie.
D’un autre côté je ne devrais pas trop me plaindre, ce n’est pas comme si je l’avais connu et que la minute d’après il disparaissait là ça aurait été pire car je m’en serai vraiment voulu de ne pas avoir eu plus de temps pour le connaitre mais là j’avais à peine appris son existence que la minute qui s’en suivit mes rêves de père s’en allèrent avec lui. D’une certaine façon c’est comme si je ne l’avais jamais connu.
J’eus comme un pincement au cœur, un picotement dans les yeux mais je suis un homme je me dois d’être fort. La pauvre Anouchka je m’étais mal comporté avec elle, si je n’avais pas voulu la sortir de ma vie jamais rien de tout cela ne serait arrivé, j’aurais appris à connaitre mon fils, je l’aurais vu naitre grandir et évoluer dans de meilleurs conditions, en même temps je ne sais pas de quoi il est mort ? Etait-il souffrant ?
Je ne peux que m’en vouloir d’avantage, je me sens de plus en plus coupable si j’avais été présent il aurait connu de meilleures conditions, sa mère et lui vivraient dans un meilleur milieu, dans une bonne maison et il n’aurait manqué de rien. Dieu qu’attends-tu donc de moi ? Que me veux-tu ? N’ai-je pas assez payé pour ma trahison ? Christopher est-ce que c’est toi qui me punis pour avoir touché à ta bien aimée ? Même dans l’au-delà tu demeures rancunier ? N’étions-nous pas frère ? Mais que dis-je ! Quel frère ferait ce que je t’ai fait, pourquoi faire payer à un innocent ma faute ?
Tant de question sans réponse, pauvre Anouchka cela ne devait pas être facile pour elle, je pouvais lire sa tristesse dans ses yeux, contrairement à moi elle l’avait connu, mis au monde, élevé et nourri, ça se sentait qu’elle aimait son fils, qu’elle l’aimait de tout son cœur, je connais ce sentiment, ce lien qui unit une mère à son fils, j’avais le même avec ma mère, la même liaison, oh mon Dieu pourquoi m’arraches-tu les êtres que j’aime ? Ce petit bonhomme je ne le connaissais pas mais je m’y suis pris à l’aimer, pourquoi te montres-tu aussi injuste envers moi ? Pourquoi ? Pris de sommeil je me levais quelques heures plus tard et me rendais dans ma chambre afin de m’y reposer, dit-on que la nuit porte conseil, j’espère que demain sera un bien meilleur jour.
Très vite les quarts d’heures devinrent des demi-heures, les demi-heures des heures et l’attente fut insupportable. J’étais assis devant la porte de la maison d’Anouchka à l’attendre mais cette dernière ne montrait pas le bout de son nez. Je décidai donc de me rendre chez le cordonnier où je vis son fils la dernière fois, j’avoue que cette situation m’horripilait, un aussi petit garçon qui consacrait son temps de jeu au travail, Dieu quel tour jouais-tu ? J’eus le temps d’y réfléchir toute la nuit et pour cela je voulais en discuter avec Anouchka savoir ce qu’elle en penserait des démarches que j’aimerais entreprendre, certes nous n’avions plus notre fils, ce lien qui nous unirait mais le fait était qu’elle était pauvre, d’ailleurs je ne cessais de me demander ou étaient ses parents, jadis elle vivait avec eux.
L’auraient-ils chassé à cause de sa deuxième grossesse ? Et de ce fait elle se retrouvait livrée à son triste sort ? Je n’en sais rien mais je ne pouvais la laisser dans te telles conditions sachant que je peux la sortir de là. Si elle ne veut pas vivre avec moi je pourrais lui trouver un petit studio pour elle et son fils dans un quartier assez bien de la capitale mais un peu de compagnie me ferait du bien, je vis tout seul et le silence de mes murs commence à être pesant, je n’aime pas la solitude j’ai toujours été entouré alors vivre seul n’est pas de mon ressort.
J’empruntais les différentes pistes qui menaient à la petite cabane du cordonnier, observant les différents bistros aux alentours lorsque mon subconscient m’ordonna de faire un pas en arrière. Je me stoppais net à la vue d’Anouchka dansant sur une table dans un bar et tenant une bouteille de bière en main. La distance où je me trouvais ne me permettait de voir exactement de quelle bouteille il s’agissait. Je me dirigeais vers elle d’un pas bien pressé en essayant malgré le bruit assourdissant de la musique de lui crier de descendre là.
- Anouchka !!! Descends ! Anouchka !!! M’écriais-je. C’est à peine si elle me regardait ou même m’entendait. Je ne pouvais concevoir qu’une femme se retrouve dans un tel état, dans un tel endroit, j’avais horreur des femmes qui, arrivant à ne plus se contrôler se donnaient en spectacle. Je la saisis par les pieds en la portant sur mes épaules tel un sac de riz avant de me diriger vers la sortie en encaissant ses coups de poids dans le dos.
- Lâche-moi ! Lâche-moi ! S’écria-t-elle en se débattant.
- NON ! Répondis-je en empruntant le chemin qui menait à sa demeure.
- Pauvre c*n ! Que veux-tu ! J’étais en paix p****n ! C’est quoi ton bémol !
- Je ne tolèrerais pas que tu m’insulte ok ! Et cela peu importe ton état !
- BOUGE ! Je ne t’ai rien demandé que je saches !
- Anouchka surveille ton langage !
- Sinon quoi ! Tchipp !
Je décidais de ne plus rien ajouter et de la laisser se calmer mais c’était mal la connaitre elle se débattait de toutes ses forces et bien que je me montrais résistant je commençais à avoir mal accélérais donc le pas.
- Donne la clé. Demandais-je une fois arrivé devant chez elle.
- non ! Et puis quoi encore ! Je ne pouvais supporter autant d’arrogance, j’en avais marrre de son comportement. Je me disais que la porte faite en bois et qui semblait vieille ne devait être difficile à défoncer, de plus je ne voulais pas attirer les regards curieux en tentant un quelconque débat avec elle.
BAAAMMMMMMMMMM !!!!!!!
D’un coup de pied violant donné contre la porte elle s’ouvrit laissant ainsi libre passage, Anouchka ne dit mot et semblait blasée par ce que je venais de faire. Je la jetais sur le canapé et me dirigeais vers la porte pour tenter de la fermer. J’avais là, bousillé la césure, je prenais une chaise et la plaça de dos contre la porte afin de la maintenir fermée puis je reviens vers Anouchka qui avait enfui son visage entre ses bras.
- Anouchka ? - … Aucune réponse.
- Anouchka ?
- … Aucune réaction de sa part.
Hum je la bousculais légèrement et constatais qu’elle s’était endormie, elle avait l’air si paisible et innocente bercée dans les doux et chaleureux bras de Morphée. Je la portais à nouveaux afin de la déposer dans sa chambre, j’eus à ouvrir un bon nombre de porte avant de trouver la sienne, notamment celle des garçons qui comportait un lit superposé dans laquelle je m’attardai car j’avais aperçu posé sur le meuble le petit camion rouge que tenait Glenn en main sur sa photo. J’eus encore ce sentiment de culpabilité mais je comptais l’apaiser en proposant à Anouchka de venir vivre chez moi et non pas avec moi de peur qu’elle ne le prenne mal. Je la déposai délicatement sur son lit lorsqu’elle sembla s’agripper à mon cou en m’attirant vers elle.
- Mon chéri, vient dormir avec moi s’il te plaît. Dit-elle dans un semblant de lucidité.
- non tu es très fatiguée. Répondis-je.
- Bébé si tu me laisses je ne dormirai pas… Un nœud se créa dans mon ventre ça me faisait trop bizarre de l’entendre m’appeler ainsi.
- Viens s’il te plaît. Dit-elle en me tirant vers elle. Je ne dis rien et me laissai aller dans ses bras en m’allongeant contre elle sur son lit, elle me tourna dos en passant mes mains autours de ses reins « on est bien ainsi n’est-ce pas » Avait-elle dit.
- Viens vivre avec moi… Dis-je au creux de son oreille.
- hum… Fit-elle.
Les minutes suivantes elle s’endormit j’eus du mal à me lever du lit car à chaque fois que j’effectuais un mouvement de recul elle se réveillait et me serrait encore plus contre elle. J’avais pris une chaise au salon que je déposai dans sa chambre et comme un gardien je veillais sur elle, je ne sus combien de temps s’écroula mais je finis par m’endormir à mon réveil j’étais recouvert d’un drap, Anouchka n’était plus sur le lit et le ciel semblait s’être assombri.
Je me lève afin de me rendre dans le salon d’où me parvenait certains bruits. Très vite je retrouvais Kevin assis sur une table assistant Anouchka dans sa petite cuisine concoctant un repas dont l’odeur délicieuse chatouillait mes narines et faisait chanter mon ventre.
- Bonsoir. Lançais-je.
- Bonsoir tonton. Répondit Kevin
Sa réponse m’étonna mais je ne dis rien. Je m’attendais à ce qu’il m’appelle monsieur ou autre mais tonton était déjà une façon de m’accepter. Anouchka me répondit par un sourire doux et chaleureux.
- ça sent très bon par ici. Dis-je en passant ma main sur mon ventre légèrement rebondi.
- Merci, comme je n’ai pas grand-chose je fais un petit bouillon de poisson. Répondit Anouchka.
- Il sent divinement bon ! Je suis sure que le goût sera à la hauteur de l’odeur. Elle sourit de plus belle avant de me remercier.
- Désolée de m’être mal comporté tout à l’heure. Je, je n’étais pas dans mon état.
- Je le sais ne t’en fais pas. Pour ma part je tenais à m’excuser de m’être immiscé comme ça chez toi.
- ce n’est rien au contraire je te remercie, je n’aurais pas voulu que Kevin me voit dans un tel état mais j’avais tellement envie d’oublier, de noyer mon chagrin…
Elle marqua une pose et le quart d’heure qui s’en suivit nous le passâmes dans le silence. Kevin avait fini par nous laisser et regagna le salon où il s’était assis devant la télé en regardant le journal, sur le coup je fus étonné qu’un enfant puisse être intéressé par le journal mais j’en ressentais là une grande fierté, envers Anouchka je me disais que si elle avait pu inculquer de telles normes à ses enfants c’est qu’elle devait être une bonne mère.
- Je… Je m’excuse de t’avoir fait revivre la tragédie…
- Ce n’est rien… J’essaye de ne plus y penser.
- ok.
- …
Je passais ma main derrière ma nuque en une expression de gêne avant de respirer à grand coup et d’enfin me lancer.
- An… Anouchka…
- Oui ?
- heu non rien.
Idiot !!! Qu’est-ce que tu fais ! Je décide de prendre mon courage en main et de foncer.
- Viens vivre avec moi s’il te plaît ! Avais-je dis très rapidement.
- Pardon ? Demanda-t-elle
- heuu, pfff bon, heuu…
- hum…
- heu… Bon je veux vous offrir de meilleurs conditions de vie ton fils et toi, j’ai une assez grande maison je te l’ai dit certes notre fils n’est plus mais je ne peux vous laissez ainsi sachant dans quelles conditions vous vivez… Je ne pus finir ma phrase qu’Anouchka se jeta à mon cou en me serrant très fort contre elle.
- Oui… Oui… Oui… Cet endroit me rappelle trop de souvenir et ça deviens de plus en plus dure de vivre ici, emmène-moi, emmène-moi loin d’ici s’il te plaît…
Je passais mes bras autour d’elle en lui disant d’un air assuré« je le ferai ne t’en fais pas, je le ferai, dès ce soir même si tu le veux… »