CALIXIA
VINGT TROIS ANS PLUS TARD
Miléna : debout madame, dit-elle en me secouant.
Je me réveille en regardant autour de moi.
Moi : le cours est fini ?
Miléna : tu n'es mas sérieuse... Tu dormais aussi profondément ?
Moi : c'est la fatigue...
Miléna : comment tu ne vas pas être fatiguée lorsque dans la journée tu es en cours et le soir tu travailles.
Moi : est-ce que j'ai alors le choix ?
Miléna : c'est aux parents de s'occuper des enfants.
Moi : sauf que je ne suis plus un enfant je suis déjà majeure je te rappelle. Le gros 21 ans qui pèse sur ma tête là ce n'est pas pour rien.
Miléna : donc moi qui ait 25 ans mais je reçois toujours l'argent de mes parents là c'est parce que je ne suis pas un bon enfant ?
Moi : n'interprète pas mal mes propos. Toi tu as l'avantage que tes parents sont riches. Tu connais bien la situation de mes parents et il y a mon petit frère dont ils doivent s'occuper ; je ne vais pas leur ajouter une charge de plus quand même.
Miléna : c'est toi qui vois. On va manger ?
Moi : oui, j'ai un peu faim.
Je range mes affaires et Miléna et moi sortons de l'amphi pour aller dans un resto en face de l'Université.
Miléna est ma meilleure amie bien que nous venions de mondes différents. C'est d'ailleurs pour cela que l'on a souvent du mal à s'accorder sur certaines choses. Je n'ai malheureusement pas eu la chance de naître dans une famille riche donc j'ai dû apprendre très vite à me débrouiller. Déjà dans mon village, je faisais déjà des petits commerces pour aider mes parents qui ne sont que de simples cultivateurs. Ils ont quand même réussi avec le peu qu'ils avaient à nous envoyer à l'école mon frère et moi.
J'ai obtenu mon baccalauréat il y a trois ans et j'ai dû venir à la capitale tout de suite après pour poursuivre mes études.
Ne connaissant personne ici, il fallait que je trouve une chambre dans laquelle vivre or mes parents m'avaient remis une somme de 100.000 Fcfa à mon départ qu'ils ont même eu de la peine à réunir. Dans cette somme, je devais gérer mes frais de pension qui revenaient à 50000 Fcfa et avec le reste, il fallait que je trouve une chambre et que je puisse vivre au moins tout le mois.
Heureusement, j'ai pu trouver une chambre près de l'Université à 10000Fcfa mais alors, il fallait payer le loyer de toute l'année. J'ai dû supplié la dame pour qu'elle accepte six mois de loyer; ce qu'elle a fait. Il ne me restait donc désormais plus que 40000. Cette somme ne suffisait même plus pour ma pension mais il fallait aussi que je puisse survivre.
Puisque j'avais encore trois semaines avant le début des cours, je suis allée au marché pour acheter un four à charbon à 3000Fca. Il y avait un menuisier pas très loin de l'école, je me suis arrangée avec lui pour qu'il me fasse une table et une chaise à 5000Fcfa. J'ai acheté un matelas chez un gars de la Fac qui devait voyager donc il vendait ses choses. J'ai pris le matelas, une étagère, deux marmites et quelques plats et cuillères chez lui à 15000Fcfa le tout.
Le lendemain dès six heures du matin, je me tenais déjà devant l'entrée de l'Université, assise sur mon comptoir en attendant les clients. Pour un premier jour, j'ai commencé avec le pain et le haricot. Avant dix heures j'avais déjà tout vendu et j'ai fait 3000 de bénéfice. J'étais contente.
Le lendemain j'ai vendu un peu plus, et plus les jours passaient, plus je faisais du bénéfic. J'ai rajouté le spaghetti, la viande hachée et la sardine.
Avant la rentrée, j'avais réuni l'argent de ma pension mais j'ai dû arrêter mon commerce puisqu'il fallait que j'aille en cours. Par contre, puisque je ne travaillais pas le soir, j'ai commencé à braiser le poisson devant un bar qui était beaucoup fréquenté par les étudiants.
Depuis trois ans c'est ce que je fais. J'arrive à subvenir à mes besoins et même à aider mes parents en leur envoyant quelque chose chaque mois.
Je ne dirai pas que maintenant je suis riche mais je ne m'en sors pas mal quand même.
Nous arrivons au restaurant et Djito nous rejoint quelques minutes plus tard.
Djito : je me disais bien que vous étiez ici. Je suis passée vous chercher dans votre salle mais vous n'y étiez plus.
Miléna : tu es passé la chercher, dit-elle en me pointant du doigt. Ou alors tu es passé nous chercher.
Moi : Milé...
Miléna : je n'ai rien dit oh, bon j'y vais.
Moi : mais on vient juste d'arriver !
Miléna : oui mais je préfère aller m'asseoir avec Léon. Lui au moins pourra me payer mon repas. Ne t'inquiète pas je ne suis pas loin.
Elle se lève et s'en va alors que je peux bien lire de la gêne dans le regard de Djito.
Moi : ne fais pas attention à elle.
Djito (s'asseyant) : c'est difficile puisqu'elle ne manque aucune occasions pour me rabaisser.
Moi : c'est comme ça qu'elle est hein. Rassure-toi, même moi je ne suis pas épargnée.
Djito : mais tu fais donc comment pour la supporter.
Moi : quand on apprend à la connaître, on l'aime bien.
Djito : hmm !
Moi : et si on parlait d'autres choses ? Ça a été ta compo ?
Djito : ah c'était là !
Moi : c'était là comment ? Ne commence pas hein. Tu dois obtenir ton master.
Djito : je sais mais ça sert à quoi d'avoir tous ces diplômes même sans travail ?
Moi : mais aies d'abord ton diplôme et ensuite tu vas chercher le travail.
Djito : ah !
Moi : tu vois alors comment tu es ? Je suis sûre que ce sont toujours les paroles de Miléna qui te mettent dans cet état.
Djito : t'inquiète c'est oublié.
Moi : je préfère mieux ça.
Djito est mon petit ami depuis bientôt deux ans. Un soir, il est venu acheter du poisson chez moi et pendant qu'il attendait que son poisson soit prêt, on a commencé à bavarder en parlant de tout et de rien. Au final chaque poisson que je mettais au feu, je le donnais à d'autres clients qui venaient après lui sur sa demande bien-sûr. Tout simplement parce qu'il voulait qu'on finisse notre conversation; surtout que nous étions sur un dur débat. Il a même commencé à servir les clients dans le bar pour m'aider. C'était la première fois que quelqu'un le faisait pour moi. J'étais étonnée mais également rassurée de voir que ce genre de personne existait encore de nos jours.
Les jours d'après c'était devenu monnaie courante. Il venait tous les soirs m'aider zt nous en profitions pour bavarder. Et puis avec le temps, nous sommes tombés amoureux et avons décidé de nous mettre en couple.
Je comprends qu'il soit blessé par les propos de Miléna. Lui, tout comme moi, vient d'une famille pauvre. C'est vrai que Miléna passe son temps à lui rappeler qu'il n'a pas de l'argent et autre et à un moment ça peut être frustrant mais j'aimerais qu'il soit au dessus de tout ça. Pour ma part, je vais encore parler à Miléna, c'est clair qu'il faut qu'elle arrête un peu avec ses gamineries.
On nous apporte nos commande et nous mangeons en continuant notre discussion mais cette fois nous parlons d'autres sujets.
Djito : tu vas vendre aujourd'hui ?
Moi : non, je vais recommencer à mon retour du village.
Djito : tu es décidée à y aller hein.
Moi : tu sais que ça fait trois ans que je n'y ai pas mis les pieds. Ma famille me manque. En plus je n'y vais que pou deux semaines.
Djito : vous composer quand ?
Moi : on commence dans deux jours.
Djito : tu es prête ?
Moi : on peut dire... Juste que je me sens fatiguée.
Djito : c'est parce que tu travailles beaucoup. C'est même bien que tu arrêtes d'abord un moment. Même trois mois comme ça.
Moi : euill ! Je vais manger dans la poubelle ? Et qui va payer mon loyer ?
Djito : tu fais toujours comme si je n'étais qu'un pot de fleurs dans ta vie... Donc je ne peux pas t'aider ?
Moi : je n'ai pas dit ça juste que je sais que tu ne t'en sors pas encore et je ne veux pas que tu te mettes la pression.
Djito : arrête de t'inquiéter pour moi. Je suis un garçon. Je vais bien trouver quelque chose mais dès ton retour de voyage, je veux que tu te reposes.
Moi : à vos ordres chef !
Il sourit et ça me fait plaisir. La serveuse apporte la note et Djito la récupère et sort un billet de 5000Fcfa de sa poche pour payer.
Miléna arrive au même moment et comme à son habitude, elle ne peut s'empêcher de faire une blague de mauvais goût.
Miléna : ikiii il a tué ! Djito des Djitos... Dis-moi, tu as braqué une banque ?
Moi : Miléna...
Djito : oui, je suis prêt à tout pour faire plaisir à ma reine et au lieu de te moquer, tu devrais pleurer parce qu'il n'y a aucun garçon sur cette terre qui pourrait ne serait-ce que t'offrir de la poussière.
Là, je la sens touchée. J'ai envie de rire mais je me retiens parce que malgré tout, c'est mon amie. Au contraire, je rappelle Djito à l'ordre.
Moi : Djito...
Miléna : laisse... Bref je venais juste te dire que votre, le roi du royaume de l'ouest vient de mourir.