Je sors de la maison pour aller m'asseoir sur le petit banc qui se trouve dans la cour. Il fait noir mais je n'ai pas peur. Les petites étoiles brillantes dans le ciel m'éclairent et me rassurent. J'aime sentir cette fraîcheur de la nuit frapper sur mon visage noir ébène; teint que j'ai hérité de mon père qui en a hérité de mon arrière grand-mère et dont je suis fière même s'il me vaut des fois des moqueries dans la rue.
J'ai souvent droit aux : «elle est noir comme le charbon », «lorsqu'il fait noir, on ne voit que ces dents». Moi ça m'amuse plus qu'autre chose parce que, chaque fois que je voyais mon père avant qu'il ne nous quitte il y a deux, ans, je voyais en lui l'homme le plus beau du monde ; pas seulement le fait qu'il soit mon père mais c'était vraiment un bel homme. Du haut de ses 1,80m, mon père physiquement n'avait rien à envier à quelqu'un. Avec ses cheveux bouclés comme ceux d'un métisse et ses fossettes qui lui donnait une allure de petit garçon chaque fois qu'il souriait... Comme il aimait sourire. Il nous manque tellement à maman et à moi.
J'ai hérité de tout chez papa, ses favoris, ses cheveux bouclés et j'ai même des fossettes. On ne pourra jamais dire que maman a fait un tour chez le voisin car je suis la photocopie exacte de mon père.
Comme je le disais tantôt, mon père était un bel homme ce qui fait de moi une belle jeune femme et puis maman me le dit tous les jours et même Chaki me le rappelle chaque fois qu'on se voit. Je souris en pensant à lui.
Je sors de mes pensées en entendant tous ses pas arriver dans ma direction. Je prends peur et me lève pour retourner dans la maison mais je me ravise lorsqu'ils arrivent dans mon champ de vison. Lorsque je les vois, ou plutôt lorsque je la vois se diriger vers moi, je perds tout de suite mes moyens.
Une fois, qu'elle se tient de moi, je me baisse en signe de révérence.
Moi : ma reine !
Ma mère alertée par leur pas, sort en courant me rejoindre à l'extérieur et salue à son tour la reine en la voyant bien qu'étant surprise de sa présence chez nous; tout comme moi d'ailleurs.
Maman (s'abaissant) : ma reine !
Reine : vous savez que je ne me déplace jamais pour rien...
Nous : ...
Reine : bien, Kaïra c'est bien ça ?, s'adressant à moi.
Moi : euh, oui ma reine.
Reine : vous allez bien ?
Moi : oui ma reine...
Reine : tant mieux parce que je veux être sûre que vous allez bien entrer tout ce que je m'apprête à vous dire, dit-elle en prenant un air sérieux. Mon fils se marie dans deux semaines et j'ai cru comprendre que depuis deux ans déjà, il a pris l'habitude de s'amuser avec vous. Puisqu'il est comme un enfant qui ne veut pas se débarrasser de son jouet, alors je préfère m'adresser à vous directement. Dès ce soir, vous l'oubliez; vous ne l'avez jamais vu, il est votre prince et ça reste là. Vous ne vous approchez plus de lui et s'il vient vers vous, arrangez-vous à le repousser.
Moi : ma reine, ne faîtes pas ça, je vous en prie. Kaya (Chaki) et moi on s'aime.
Reine : petite naïve... Vous pensiez vraiment que mon fils pouvait tomber amoureux d'une femme comme vous ? Vous vous êtes regardé ? Mon fils est appelé à devenir le roi de ce royaume et il lui faut une reine à ses côtés et vous, vous n'êtes pas la reine que je veux pour mon fils.
Ses paroles me transpercent comme si je recevais des coups de couteau. J'essaye de me contenir du mieux que je peux mais mes larmes me trahissent. Elles trahissent la douleur que je ressens au dedans de moi.
Reine : oh, mais ne pleurez pas. Je suis sûre qu'intérieurement, vous vous disiez bien que votre petite amourette n'irait pas loin. Il va épouser la princesse du royaume voisin.
Moi : ce n'est pas vrai, dis-je en pleurant.
Reine : depuis leur naissance, Kaya et la princesse Rani étaient déjà destinés à se marier. Étonnant que Kaya ne vous en ait pas parlé puisqu'il dit vous aimer. Ressaisissez-vous et prenez le peu de dignité qu'il vous reste et allez-vous en de ce village ; ce serait préférable. Parce que si je vous revois auprès de mon fils, je vous promets que ma prochaine visite ne sera pas aussi cordiale.
Elle tourne les talons suivis de ses gardes et je me jette au sol en pleure. Maman qui jusqu'ici, n'avait fait qu'observer la scène, se courbe pour m'aider à me lever.
Qu'est-ce que je croyais en tombant amoureuse d'un prince ? J'ai vraiment été bête de penser qu'il m'aimait réellement. Ce matin encore, il était là à me mentir alors qu'il se marie dans une semaine.
Maman et moi entrons dans la maison et je reste inconsolable. Elle m'entraîne avec elle jusque sur la natte qui se trouve au milieu du salon. Elle s'assoit et j'en fais de même. Elle pose ma tête sur ses jambes et ça me fait du bien.
Maman : pourquoi de tous les jeunes du village, il a fallu que tu tombes amoureuse du prince Kaïra et c'est depuis quand que ça dure ?
Moi : il m'aime maman. Tout ce qu'elle a dit est faux.
Maman : tu es si naïve ma petite, dit-elle en caressant mes cheveux. Tout le monde sait que les princes ne se marient qu'entre eux. Chaque fois qu'un prince ou une princesse naît, il ou elle sont déjà destinés à d'autres princes ou princesses qui sont choisis par les ancêtres. Ça a toujours été ainsi. La reine d'ailleurs est la fille du précédent roi du royaume du sud.
Je me sens bête tout d'un coup car j'ignorais tout cela alors que je vis dans ce village. Je comprends définitivement que je me suis faîte avoir.
Maman : demain matin à l'aube il va falloir qu'on parte d'ici.
Moi : mais pourquoi ?, dis-je en me redressant.
Maman : la reine ne se déplace pas pour rien et si elle t'a dans son collimateur, il vaudrait mieux pour nous que le matin ne nous trouve pas ici.
Moi : j'ai peur maman.
Maman : je sais, mais tout ira bien.
Moi : où irons-nous et comment allons nous vivre ?
Maman : nous irons chez ta tante Malaïka dans le village voisin. Elle sera heureuse de nous accueillir et après nous verronq comment organiser notre nouvelle vie.
Moi : je suis désolée maman.
Maman : pourquoi ?
Moi : je t'ai mêlé à tout ceci.
Maman : le travail d'un parent est de protéger son enfant quoi qu'il arrive.
Moi : merci maman.
Maman : vas te reposer maintenant car on va devoir être parties avant le lever du jour.
Je passe la nuit à pleurer. J'ai l'impression de revenir deux ans dans le passé, lorsque j'ai perdu mon papa. J'en ai tellement souffert et ça me fait encore plus mal de voir que c'est celui qui m'a aidé à me remettre de cette douleur qui me crée cette nouvelle douleur aujourd'hui. C'est tellement horrible de se sentir trahie, trompée et abandonnée. Il a joué avec moi et moi comme une idiote j'ai bu ses paroles.
Finalement ce n'est peut-être pas mal qu'on s'en aille d'ici. Ce royaume m'a plus pris de chose qu'il m'en a apporté.
Le lendemain dès le premier chant du coq, maman et moi étions déjà en route pour le village voisin où se trouve ma tante et sa famille.
En franchissant la frontière, je comprends désormais que rien de tout ceci n'est un jeu. Une nouvelle vie m'attend. Malgré la douleur que je ressens, j'avance sans plus me retourner.
Il n'y a plus rien pour moi là-bas désormais.